Un entretien avec Laurence Breton-Kueny, Directrice des Ressources Humaines du Groupe AFNOR et membre de la Commission Miroir chargée de la contribution française à la norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale. Les DRH ont tout intérêt à s’investir dans les dossiers RSE, qui sont stratégiques, afin de ne pas devenir sur le long terme des pourvoyeurs d’indicateurs !
Quelle est la teneur de la norme internationale ISO 26000 sur la responsabilité sociétale soumise à l’approbation de l’ensemble des 162 pays membres de l’ISO ?
La norme comporte des lignes directrices qui concernent la responsabilité sociétale d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement. On se situe vraiment dans la transparence et l’éthique. 7 principes fondamentaux sont mentionnés : la redevabilité, la transparence, le comportement éthique, le respect des intérêts des parties prenantes, le respect de la loi, le respect des normes internationales de comportement et le respect des droits de l’homme. Les travaux sur la norme ISO 26000, norme internationale, sont pilotés par deux pays, la Suède et le Brésil. Dans les travaux de normes internationales, la structure est toujours identique, avec une délégation française et une commission miroir française. Didier Gauthier préside la Commission Miroir française ISO 26000 et fait partie de la délégation française ISO 26000. Pour ma part, j’appartiens à cette Commission Miroir ISO 26000 qui contribue aux travaux d’élaboration. A noter qu’il existe également en région des plates-formes ISO 26000 pilotées par AFNOR.
En ce qui concerne la date de publication de la norme, il convient de savoir qu’un vote important a lieu actuellement pour modifier le statut du document de travail. 92 pays sur les 162 pays membres de l’ISO (dont 112 pays en voie de développement) ont participé aux travaux sur ISO 26000. Le représentant pour la France à l’ISO est l’Afnor. Le document actuel doit obtenir un vote positif dont les résultats seront connus mi-février pour passer à un statut supérieur qui laissera envisager une publication fin 2010. Pour un vote positif, il faut deux conditions : deux tiers des pays votants et moins d’un quart ayant un avis négatif. Chaque pays possède une voix quelle que soit sa taille.
Il convient de noter que cette future norme ISO 26000 n’est pas certifiable. Des modèles d’évaluation RSE seront disponibles prenant appui sur ceux existants pour le développement durable. La future norme ISO 26000 constitue un guide de conduite qui pose des principes généraux. Aujourd’hui ce document comporte une centaine de pages. Etant donné que le projet de document a été mis en ligne lors de l’enquête publique par pays, il reste consultable sur le site de l’AFNOR à l’adresse suivante : http://www.afnor.org/profils/centre-d-interet/developpement-durable.
Quelles sont les questions centrales que soulève la norme internationale ?
La norme possède une approche holistique et aborde la gouvernance de l’organisation, les relations et les conditions de travail, ou encore la loyauté dans les relations. Seront évalués les comportements de l’organisation mais également ceux de ses sous-traitants et cela quel que soit le lien. Elle devra donc intégrer la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux de ses activités dans ses cahiers des charges et ses appels d’offre, et ne pas diluer ou reporter sa responsabilité.
Ce sont les associations de consommateurs qui sont à l’origine de cette norme ISO 26000. Le souhait était de pouvoir payer le juste prix par rapport aux pratiques des entreprises et à la valeur des produits et prestations. Cette future norme ISO 26000 concerne les organisations qui interviennent partout dans tous les pays du monde, d’où l’importance de partager des lignes de conduite communes. Le consommateur doit être averti de l’attitude de l’organisation qui lui vend ses produits et/ou des prestations. La loyauté dans les relations, que l’organisation doit respecter, fait référence à la concurrence loyale et à la lutte contre la corruption. L’engagement sociétal se fait également en interne, au niveau de l’emploi, le développement des compétences, l’éducation, etc.…
Pourquoi la norme RSE représente un enjeu stratégique pour les responsables des ressources humaines ?
Il y a de réels enjeux stratégiques et sociaux pour les DRH. Il est vrai que je fais partie du comité exécutif du Groupe AFNOR et qu’il est plus facile pour moi de m’impliquer dans les dossiers de responsabilité sociétale dans lesquels mon groupe s’investi en interne et en externe pour ses clients. Cependant les professionnels RH ne peuvent pas faire l’impasse sur ce sujet, et prendre le risque de simples pourvoyeurs d’indicateurs. Porter la RSE est un bel enjeu. Ainsi, au niveau du respect de l’environnement, les professionnels RH peuvent intervenir sur certains points comme la mise en place du covoiturage, le tri des déchets ou encore la formation, que ce soient seuls ou de façon commune avec les autres fonctions de leur organisation. Les consommateurs finaux sont les salariés, et s’investir dans la RSE et en faire un projet permet de les fidéliser et d’attirer nos futurs salariés. Les DRH doivent s’impliquer pour veiller à l’éthique dans l’entreprise. Par exemple, c’est à eux, spécialistes de la rémunération, d’essayer de donner le « la » dans les politiques parfois décriées comme celles conduites dans certains organismes bancaires. Ils interviennent également au niveau de la parentalité, de l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle, la santé au travail ou encore du respect de chacun. Il est impossible que notre fonction ne s’en préoccupe pas.
La RSE est un sujet complexe, partagé au sein de l’organisation. Les différentes directions vont devoir y travailler ensemble. Ce sujet va être extrêmement porteur dans les années à venir et l’engagement doit être unanime sur ce qui constitue un sujet porteur d’espoir pour demain.
Propos recueillis par Christel Lambolez
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