Rencontre avec Valerie Vezinhet, DRH de SAP France qui nous expose les impacts de l'ultra digitalisation en entreprise et l'évolution de la fonction RH face à ce phénomène.
Dans le contexte de l'ultra digitalisation, quelles sont les impacts sur les collaborateurs : gestion des carrières, flux des data, aspects juridiques…?
Les collaborateurs sont devenus de plus en plus consommateurs de donnees, reseaux sociaux, et d’applications, ces dernieres ayant largement automatisé et digitalisé de nombreux aspects de leur relation avec leur employeur.
Les nouveaux outils digitaux ont transformé leurs habitudes, ils attendent notamment plus de flexibilité, comme la possibilité de gérer leur relation à leur employeur via des applications mobiles, quand ils le souhaitent et quel que soit l’endroit où ils se trouvent, ils souhaitent pouvoir organiser leur travail et leur temps selon leurs préférences, par exemple avoir l’opportunité d’exercer leur activité en dehors des locaux de l’entreprise.
La digitalisation et un volume accru de données mis à leur disposition accentuent leur souhait de voir leur employeur agir avec transparence : communiquer ouvertement sur leurs évolutions de carrière, sur leurrémunération et avantages, …
En ce qui concerne leur gestion de carrière, les collaborateurs prennent conscience qu’ils doivent se placer dans le « siège du conduteur », en étant pro-actifs pour se former et mener à bien leurs évolutions deparcours, que ce soit en interne ou vis-à-vis de l’externe. Ils comprennent que pour faire face au rythme élevé des transformations, ils doivent accelerer le rythme d’acquisition de nouvelles compétences : conception de produits, travail collaboratif, …
Définitivement, la manière de s’adresser à leur employeur et au marché a évolué et aujourd’hui, les collaborateurs ont à leur disposition des outils de personal branding qu’ils doivent maîtriser.
Les managers quant à eux, doivent faire évoluer leur leadership pour faire face aux attentes de leurs équipes, ils sont plus que jamais des acteurs du changement, et doivent prendre en compte les diverses générations et le rythme propre à chacune d’elles.
Enfin, face aux impacts de la digitalisation, il est clé de prendre en compte les aspects juridiques : une partie de la flexibilité attendue peut être mise en œuvre via le télétravail, mais les employeurs doivent faire preuve de vigilance concernant la durée du travail, en s’assurant du respect des périodes de repos et d’une organisation à la fois collective et individuelle qui permet de préserver la santé de chacun. Sur ces points, le droit à la déconnexion est une dimension importante, mais l’éducation que fait l’employeur vis-à-vis de l’usage des outils et applications par les collaborateurs et leurs managers est fondamentale.
Que doit-on faire en matière d’usages ?
En matière d’usages, l’entreprise doit faire évoluer son fonctionnement pour s’adapter sinon anticiper ces changements.
D’abord, elle doit mettre en œuvre la technologie requise pour permettre aux candidats et aux collaborateurs de disposer des applications et des données nécessaires en vue de simplifier leur expérience.
Ensuite, elle doit adapter l’organisation et les méthodes de travail, également former les équipes à ces évolutions : les cycles d’innovation étant plus courts, les méthodes de conception des produits doivent evoluer pour accélérer la commercialisation ; le mode collaboratif est privilégié, en interne, mais aussi avec les clients et partenaires ; le management à distance est fréquent ; …
Par ailleurs, la gestion des talents évolue : le développement des compétences favorise désormais le e-learning, et l’entreprise doit faire évoluer sa gestion des performances en s’assurant de feedbacks « multisources» et continus.
Enfin, l’entreprise doit mettre en œuvre les pratiques nécessaires à une mise en place effective du droit à la déconnexion.
Comment les équipes RH, sous l’égide du DRH doivent elles s’adapter à ces évolutions ?
Les impacts pour les équipes RH sont tout aussi nombreux et la nécessité de s’adapter à ces évolutions est forte : d’un rôle opérationnel, orienté processus (rémunération, paie, recrutement, performance, …), les équipes RH doivent être en mesure de focaliser leurs activités sur un rôle stratégique d’accompagnement des transformations requises par la stratégie de l’entreprise.
Pour cela, il faut libérer du temps : cela passe par l’automatisation et la simplification des processus RH utilisés par des collaborateurs rendus plus autonomes.
La standardisation des processus RH est en effet une dimension clé, qui permet de transférer les activités RH « commoditisées » sur des centres de services partagés et / ou du « self-service ».
Devant s’adapter à ces évolutions, les equipes RH sont appelées a développer leurs compétences techniques et apprendre à maîtriser la technologie, pour en tirer bénéfice individuellement, mais aussi pour accompagner les collaborateurs dans leur autonomie.
Elles doivent aussi développer des compétences en marketing et communication, nécessaires pour accélérer l’adoption des applications, des processus standardisés et du self-service en interne, tant par les collaborateurs que par leurs managers. Des competences tout aussi importantes pour attirer et retenir les talents, les candidats et les employes utilisant les réseaux sociaux de plus en plus activement, et ce quelle que soit leur génération. La présence de l’entreprise sur de multiples media digitaux est devenue un facteur clé de l’appréciation des candidats comme des employes.
Pour accompagner la stratégie de l’entreprise, les équipes RH sont de plus en plus appelees à partager avec les dirigeants leurs recommandations basees sur un nombre croissant de donnees qu’elles se doivent de maitriser tant du point de vue de la précision des chiffres que de la capacité à les analyser.
Enfin, les équipes RH doivent elles aussi etre centrées sur le client, en comprenant l’activité de l’entreprise, sa vision, ses enjeux, en anticipant sur l’evolution requise des métiers des collaborateurs.
En charge d’accompagner ses equipes, le DRH doit mettre en place une gestion du changement complète :
- Créer les conditions de la confiance en partageant la vision du futur des ressources humaines – portefeuille de services RH digitalisés, évolution des rôles et compétences attendus, et expliquer les évolutions nécessaires ;
- Motiver les équipes autour d’un rôle de plus en plus stratégique, en mettant l’accent sur les bénéfices ;
- Développer les compétences : technologie, marketing, compréhension du business.
Le DRH doit incarner toutes ces évolutions et montrer le chemin en devenant un acteur clé de la stratégie de l’entreprise. Partie prenante de la vision, il peut déployer les stratégies RH qui contribueront à sa mise en application – transformation, workforce planning…, en standardisant et simplifiant les processus afin de réduire les coûts et permettre aux collaborateurs de se focaliser sur la création de valeur ajoutée.
Florian Panabières