Quand il s’agit de bonnes pratiques en recrutement, Google est souvent citée en exemple. On sait cette société très exigeante sur les profils qu’elle intègre, et qu'elle ne lésine pas sur les moyens pour être sûre de sélectionner la crème de la crème. Mais une chose est certaine : ce n’est pas parce qu’on fait vivre un parcours du combattant aux candidats qu’on se retrouve finalement avec les profils désirés. Google peut se permettre de leur faire vivre un calvaire (8 entretiens en moyenne), vous non, mais ce n’est pas un problème puisque la clé de leur succès ne réside pas dans le nombre d’entretiens effectués.
Si la qualité de la sélection compte, le recrutement tient aussi aux candidats qui s’y soumettent. En effet, on sélectionner le « meilleur profil » n’a de sens que par rapport au niveau moyen des postulants. Sur ce sujet, vous pourrez difficilement rivaliser avec Google et ses trois millions de candidatures spontanées par an (ou tentez le coup). Mais une fois considéré les candidatures que vous recevez chaque jour, que ferait Google à votre place pour sélectionner les meilleurs profils?
#1 : Google effectuerait un premier tri des meilleurs CV ?
Qu’est-ce qu’un « meilleur » CV ? Sur le papier, c’est un candidat qui a fait LA bonne école, obtenu LE bon diplôme, possède LES années d’expériences requises dans les sociétés connues de tous, et dont on affiche le logo sur nos profils professionnels comme à l’époque où on portait des pin's.
Le point de vue de Google sur la question :
La société a passé des années à analyser le parcours des candidats et leur impact dans la performance au travail. Leur verdict est sans appel, dans une interview accordée au New York Times, Laszlo BOCK évoque 3 conclusions quand il analyse des candidatures reçues :
– Les diplômés des grandes écoles manquent d’ "humilité intellectuelle". Selon lui, ces personnes pensent trop vite avoir LA solution et ne remettent pas assez en cause leur mode de réflexion.
– Les personnes qui ne sont pas allées dans les universités prestigieuses en savent plus au final sur le travail car elles se sont débrouillées par elles-mêmes (il apparente les études supérieures à une « extension de l’adolescence »).
– La capacité à apprendre est plus importante que le QI. Certes les personnes qui sortent des grandes écoles ont un haut niveau de raisonnement, mais cela ne garantit pas leur capacité à apprendre au quotidien.
#2 Google poserait des questions complexes?
Vous avez dû entendre parler de ces « questions pièges » qui déstabilisent les candidats ! En voici quelques exemples :
– Combien peut-on mettre de balles de ping-pong dans un bus ?
– Combien devriez-vous facturer le nettoyage de toutes les vitres de Lyon ?
– Combien y’a-t-il d’accordeurs de piano dans le monde ?
– Que feriez-vous pour évacuer la ville de Paris en 24h ?
– Un homme pousse sa voiture jusqu’à un hôtel et perd sa fortune. Que s’est-il passé ?
L’intérêt de ces questions :
Les tests d’aptitudes sont en mesure d’évaluer le niveau de raisonnement et la vitesse d’exécution, deux capacités déterminantes pour anticiper la capacité d’apprentissage et un haut niveau de performance. Mais ces tests ne donnent pas d’informations sur les stratégies de réflexion des candidats. Ces questions sont donc complémentaires aux tests afin de comprendre le cheminement des candidats et à quel résultat il aboutit.
Si vous vous essayez à l’exercice, ne reprenez pas telles quelles les questions mentionnées car elles sont très commentées sur internet. Mais vous pouvez garder le même principe et l’appliquer à votre contexte.
Le point de vue de Google :
Sunil Chandra, le vice président "Global staffing & Operation" de Google, expliquait ce mois-ci au journal Gardian que l’entreprise avait retiré ce genre de questions car les résultats se révélaient peu prédictifs de la performance dans le job.
#3 Ce que fait véritablement Google…
– Google implique toute la société dans le process de recrutement. Si les RH sont chargés de présélectionner les profils les plus prometteurs, les entretiens sont menés majoritairement par des opérationnels. Il s’agit des personnes avec lesquelles la nouvelle recrue sera amenée à travailler, mais aussi des personnes d’autres services.
– Ces entretiens sont structurés, avec un but précis et une grille d’évaluation. On ne le répétera jamais assez, structurer son entretien plutôt que de le conduire au feeling double sa capacité prédictive de la réussite dans le poste (source Communication & Organisation). Ainsi, le recoupement et la complémentarité des observations inter-évaluateurs limitent largement les biais de l’entretien. Bien qu’ils en conduisent le double par candidat, Google estime le nombre optimal d’entretien à 4 ou 5, ce qui est à la portée des contraintes de temps de chaque entreprise. Ces entretiens ont de l’intérêt, bien entendu, si ils sont conduits par des personnes différentes.
– Google ne fait rien sans en évaluer le résultat, et c’est le cas de son process de recrutement. Cette troisième caractéristique permet de garantir l’efficacité des techniques de sélection opérées par l’entreprise, et il s’agit d’une approche encore une fois accessible à la plupart des entreprises.
Le process de recrutement de Google est accessible à la plupart des entreprises. Cette entreprise se « contente » d’appliquer les règles les plus pertinentes pour arriver à son objectif. Le seul aspect sur lequel on peut jalouser Google, c’est le niveau de sa marque employeur et le nombre de candidatures que cela favorise, mais c’est un autre sujet…
Simon Baron