A l’heure où tout le monde, partout et tout le temps, s’expose dans les réseaux sociaux, dévoile des pans de sa vie, ses goûts, son parcours professionnel, voire ses opinions, le CV anonyme, rendu obligatoire en 2006 par le Sénat pour les entreprises de plus de 50 salariés, est d’ores et déjà totalement dépassé et apparaît presque comme un anachronisme.
Créé initialement pour lutter contre les discriminations à l’embauche, il ne fait en réalité que déplacer sur l’entretien d’embauche (dans le meilleur des cas) la question du possible rejet d’un candidat pour des raisons extraprofessionnelles, comme son patronyme, sa nationalité, son âge, son sexe, sa religion ou sa couleur de peau.
Ce dont il faut bien se rendre compte, c’est qu’un responsable des ressources humaines a besoin d’informations pour sélectionner le meilleur candidat ; or si l’on considère que ses offres d’emploi ne doivent pas contenir de mentions dites discriminantes, que le CV en dit de moins en moins, on voit bien que sa tâche se complique. Imaginons malheureusement qu’il ait en plus reçu des instructions à caractère discriminatoire, quelles marges de manœuvre lui restent t-il ? On comprend mieux dès lors la démarche du recruteur qui consiste à chercher à en savoir plus sur un profil plutôt que l’inverse, d’où la tentation d’aller regarder les occurrences en ligne des candidats, dans les réseaux sociaux ou d’autres sites où ils s’expriment.
Pour pousser la réflexion, ce n’est pas l’anonymat du CV le problème, c’est le rapport des recruteurs avec les données auxquelles ils ont accès pour sélectionner le meilleur candidat. Ce qu’il y a de retors dans l’idée qu’un CV doit être anonyme, pour éviter que celui-ci soit frappé d’ostracisme, c’est que cela revient à nier l’identité du candidat, et donc à faire le jeu des intolérants et leur donner raison ! Il est fondamental qu’un individu puisse s’exprimer et s’affirmer dans sa totalité et dans son identité sans qu’elle soit galvaudée par les soit disant bien-pensants.
Pour revenir aux réseaux sociaux, notre réponse est la création d’un réseau social professionnel d’un genre nouveau qui précisément valorise la personne en tant qu’homme et met, démarche fondamentale, le recruteur potentiel et le collaborateur potentiel exactement au même niveau de représentation.
Apaiser les relations déjà déséquilibrées entre un candidat et un responsable RH (le premier ignore tout du second quand celui-ci a les moyens d’en savoir beaucoup sur la personne face à lui), mettre des visages, des noms, des personnes derrière des agences de recrutement et encourager la prise de contact et l’échange, devrait être la norme. elle permettrait un gain de temps dans le traitement des candidatures qui serait bénéfique pour tout le monde ; les uns étant plus rapidement fixés sur leur dossier tandis que les autres peuvent accéder plus rapidement aux profils les plus pertinents. La technologie est au point, reste à ce que la démarche soit suivie massivement, ce qui demandera non seulement un changement dans les habitudes de travail mais surtout, plus vaste chantier, dans les mentalités.
Jérome Perret
Fondateur et dirigeant de HUZZ