La loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances rendait obligatoire le recours aux CV anonymes pour toute entreprise de plus de 50 salariés. Cependant, cette disposition n’est jamais entrée en vigueur car le décret d’application n’a jamais été publié. Aujourd’hui, le gouvernement se pose la question de l’abandon de cette mesure.
PIANA HR Group a interrogé ses recruteurs sur le sujet, et bien qu’ils y voient certains rares avantages, 89 % d’entre eux déclarent que le gouvernement aurait raison d’abandonner le CV anonyme. Jean-Christophe Le Feuvre, CEO de PIANA HR Group, cabinet de recrutement et de chasse de tête numéro un en France en nombre de CDI signés, souligne les raisons de cet avis tranché :
« Dès le départ, les recruteurs ont considéré le CV anonyme comme une mesure plus démagogique qu’efficace, qui ne règlerait en rien les problèmes de discriminations et aurait même quelques effets collatéraux.
Le CV anonyme n’aide en rien au recrutement, bien au contraire, il favorise sa désorganisation.
Malheureusement, beaucoup d’entreprises avancent des critères discriminants dans le cadre du recrutement. Un CV anonyme met bien évidemment l’accent sur la compétence, mais à l’heure de la rencontre avec le candidat, la discrimination agit de la même façon. Peu importe les critères, le CV anonyme ne fait que repousser le moment de la sélection. L’un des principaux effets collatéraux est la démotivation du candidat sollicité qui avance un peu plus dans les processus de recrutement et se retrouve finalement face aux mêmes obstacles.
De plus, certaines informations comme la situation géographique du candidat, restent essentielles dès les premières étapes d’un processus de recrutement. Entre deux profils, celui qui a plus de 3 heures de transport pour se rendre sur le lieu de travail sera naturellement écarté.
La communauté française est de plus en plus cosmopolite. Ce melting-pot français devient une réalité dans l’organisation de l’entreprise. Les clivages socioprofessionnels, culturels, ethniques et religieux sont devenus un véritable frein dans la problématique de recrutement des entreprises. Mais rendre le CV anonyme n’est pas une solution. Une entreprise qui fait de la discrimination, le fera à un moment ou un autre du recrutement.
Les efforts doivent donc surtout se concentrer sur les employeurs. Notre métier de cabinet de recrutement consiste justement à les orienter vers des candidats pour leurs compétences, sans considération de religion, de sexe ou autres critères discriminants. En tant que signataire de la HALDE depuis 2006, nous instaurons au quotidien cette pédagogie auprès des employeurs. Mais c’est une démarche de longue haleine.
Car il s’agit avant tout de responsabilité civile, et c’est pourquoi le sujet ne peut pas et ne doit pas être légiféré. Le CV anonyme ne fait que mettre de l’huile sur le feu et stigmatiser les employeurs en les taxant de « racistes ».
Dans notre métier, récolter les informations sur un candidat, nom, prénom, ville, coordonnées, n’est que pur pragmatisme. Comment savoir si un candidat correspond au poste que je lui propose si je ne sais même pas où il habite ? De la même manière, comment renseigner mes bases de données pour le contacter dès qu’un poste lui correspond, si je ne sais pas au minimum son nom ?
Une fois encore, pour répondre aux difficultés du marché de l’emploi, le gouvernement a voulu prendre des mesures pour effectuer de vraies réformes, mais sans consulter les principaux experts intéressés, à savoir les recruteurs ».