On l’avait prédit, la nouvelle Ministre du Travail n’allait pas chômer. Après le rapport Combrexelle du 9 septembre portant sur la réforme du code du travail et du dialogue social, Myriam El Khomri a reçu le 15 septembre, le rapport Mettling sur « transformation numérique et vie au travail ». L’auteur, Bruno Mettling, DRH d’Orange, préconise 36 mesures pour prendre en compte l’impact des nouvelles technologies sur les conditions et le droit du travail en France. Morceaux choisis.
Déconnexion, un droit et un devoir : face à l’infobésité qui créée un risque de surcharge cognitive et émotionnelle, assorti d’un sentiment de fatigue et d’excitation, Bruno Mettling suggère de compléter le droit à la déconnexion avec un devoir de déconnexion. Les salariés auraient donc le droit de ne pas être joignables partout et tout le temps par téléphone, mail, SMS & co, mais aussi le devoir de décrocher. Ceci implique pour les salariés et les managers de se sensibiliser sur leurs usages des outils numériques. Et pour l’entreprise de mettre à leur disposition des outils de formation en ce cens. Il recommande également de travailler sur la mise en place d’une régulation collective de cette surcharge informationnelle. « Au sein de l’entreprise, différentes démarches, pas forcément juridiques mais toutes aussi efficaces, doivent encourager la déconnexion : chartes, configuration par défaut des outils de communication et actions de sensibilisation », illustre-t-il. Le rapport insiste également sur l’opportunité de créer des espaces de discussion « digitaux » où les salariés pourraient se former à une utilisation efficace des différents outils numériques.
Renforcer le collectif : tous ces outils numériques facilitent certes le travail à distance mais cassent parfois la dimension collective d’une entreprise au profit de démarches très individuelles, voire individualistes sans vrais échanges entre vrais gens. Le DRH d’Orange préconise ainsi de « développer des politiques RH visant à renforcer le collectif au sein de l’entreprise ».
Mesurer la charge de travail plus que le temps de travail : pour Mettling, « la durée du temps de travail ne suffit plus aujourd’hui à appréhender la contribution de tous les salariés, notamment pour l’économie de la connaissance, elle peut être utilement complétée par l’évaluation de la charge de travail, des résultats attendus et des moyens associés ». Un préalable indispensable selon lui pour pouvoir étendre les cas d’usage du forfait jours de façon raisonnable. L’extension du forfait jours est d’ailleurs un autre de ses chevaux de bataille.
Télétravail encouragé : outre des recommandations sur la diffusion des bonnes pratiques en matière de travail à distance, le rapport encourage les partenaires sociaux à se remettre autour de la table pour modifier l’accord national interprofessionnel sur le télétravail (juillet 2005) afin « d’autoriser des expérimentations plus en adéquation avec l’état actuel des technologies ». Par ailleurs, cette mission considère que le développement par les collectivités territoriales de tiers lieux au plus près du domicile des travailleurs devrait être renforcé. Ceci assurerait la pérennité économique de certains territoires et limiterait le temps de trajet domicile / boulot pour les salariés qui gagneraient alors en qualité de vie et en productivité. Enfin, « en encourageant le développement des tiers lieux, les grandes entreprises peuvent participer, dans une logique de « filières solidaires » et d’aménagement du territoire, à la diffusion du numérique », argumente le rapport. Enfin, Mettling note une carence dans le couverture des accidents du travail pour les télétravailleurs à domicile. En cas de problème, qui est responsable ? Un accord d’entreprise devrait pouvoir lever toute ambiguïté en cas d’accident survenant pendant les plages horaires travaillées.
Numérique, une compétence rémunérée : le DRH d’Orange suggère aux entreprises d’intégrer à leurs politiques de rémunération la notion de reconnaissance des efforts d’adaptation des compétences et des qualifications du numérique. La validation des acquis de l’expérience (VAE) pourrait d’ailleurs être un bon outil pour reconnaître la qualification numérique des salariés notamment pour les moins qualifiés. Pour cela précise-t-il, « les dispositifs de VAE devront être adaptés par exemple en développant des tests ouverts en ligne délivrant des attestations de compétences numériques ».
Big Data RH, plus encadrées : qu’elle concerne les candidats ou les salariés eux-mêmes, l’approche prédictive rendue possible par le recueil de données peut apporter des « progrès (relation personnalisée pour les salariés, amélioration des processus internes) mais aussi des risques importants (contrôle et non respect de la vie personnelle). Ce rapport recommande ainsi une disposition législative clarifiant l’usage des données concernant ou provenant des salariés, rendant notamment obligatoire la publication d’une charte de données salariées opposable dans chaque branche/ entreprise.
Sylvie Laidet