S’il n’existe pas de VAE « recherche d’emploi », certains candidats acquièrent une réelle expérience du recrutement. L’une d’entre eux, qui préfère rester anonyme, en a fait un blog : Chômage Story. Elle y raconte ses contrariétés, ses souvenirs d’entretien et nous apprend, entre autres, que la discrimination est bien réelle.
Guérir du chômage
La bloggeuse de Chômage Story (1) avait commencé sa carrière, dans la communication, sur les chapeaux de roue. « J’ai arrêté mes études en 2002 parce que j’avais envie de sauter dans le bain, de travailler tout de suite », raconte-t-elle. Après trois ans passés dans la vie active, elle décide de reprendre ses études. Une expérience difficile, mais qui lui a valut de faire monter sa carrière en flèche. A l’issu de son stage de fin d’études, elle est embauchée par la boîte et y gravit les échelons jusqu’à un poste à responsabilités. Tout va pour le mieux. « Et un jour, cette routine installée s’arrête brusquement (…) Je tombe au chômage », écrit-elle sur son blog. C’était à la fin de l’année dernière. Elle avait décidé de suivre son conjoint. Difficile de passer d’une vie où tout – ou presque – s’articule autour du travail, à ces journées d’introspection imposées par l’inactivité.
« Le taux de chômage est élevé partout, mais je l’ai suivi dans une région (ndlr : elle ne veut pas révéler laquelle. Nous préciserons seulement que c’est hors de l’Île-de-France) où la situation est particulièrement difficile. Il y a peu de postes », poursuit-elle. En tout cas, peu de postes en CDI. L’an dernier, elle a enchaîné plusieurs CDD dans son domaine. Aucun n’a abouti sur le sacro-saint CDI dont elle rêve.
C’est là que lui vient l’idée du blog. « J’avais besoin de créer quelque chose et cette activité ressemble à mon métier : il faut écrire, trouver des photos, se faire connaître. Mon blog me permet de garder la main », explique-t-elle. Puis elle avance un autre aspect : celui du partage et du soulagement. « J’ai pensé que des personnes se reconnaîtraient peut-être dans ce que j’écris. En période de chômage, on se pose beaucoup de questions, on émet des doutes », dit-elle, une pointe de grisaille dans la voix. Avant de se reprendre : « Je me suis rendue compte que l’on ne se résume pas à son travail ».
Mais la bloggeuse ne fait pas que blogguer, car elle a un autre job à temps plein : sa recherche d’emploi. Elle envoie des candidatures spontanées, mais fonde peu d’espoir dessus. « Je cible plutôt les réponses à des offres publiées en ligne », précise-t-elle. Tous les grands jobboards y passent, y compris Pôle-Emploi et l’Apec, « sauf ceux qui sont trop ciblés parisiens ou grandes agglomérations ». Elle soigne aussi son profil sur Viadeo. « J’ai eu un entretien via ce réseau depuis que je fais mes recherches. Mais ça n’a pas abouti », précise l’ex-workaholic.
Souvenirs d’entretien
Au moment où nous l’avions rencontrée, elle attendait une réponse « avec impatience ». Elle avait déjà passé deux entretiens pour cet emploi. Finalement, les nouvelles ne furent pas bonnes. « C’est un échec », commente-t-elle avant de rebondir aussitôt : « Toutefois, il sera peut-être de courte durée étant donné que je suis convoquée pour un autre entretien ! ». Ce sera donc son 7ème entretien. « Des statistiques disent que le 7ème, c’est le bon ! », plaisante-t-elle.
Pendant l’entretien, le recruteur observe le candidat… et le candidat, le recruteur. Du moins, c’est ce que fait notre bloggeuse. Selon elle, « en France, il y a une réelle pression, un stress pour le candidat, mais aussi pour le recruteur qui ne peut pas se tromper ». Lors de l’un de ses récents entretiens, cette pression s’est traduite par une certaine agressivité de la part du recruteur, le directeur général de l’entreprise. « Je pense qu’il essayait de me pousser dans mes retranchements. Il avait un comportement très changeant, raconte la bloggeuse, très fermé au départ, puis très ouvert ». Trop ? « Les questions étaient rentre-dedans », poursuit-elle. Ne pensait-elle pas que les femmes ne sont pas vraiment organisées ? Elle a préféré prendre cette question sur le ton de l’humour et a rétorqué qu’elle avait toujours pensé le contraire. « C’est déroutant comme question », termine-t-elle.
La bloggeuse a 30 ans, vit en couple, n’a pas d’enfants et s’inquiète du fait que « 40% de ses entretiens ont fait l’objet d’une remarque sexiste ». Quel est l’intérêt – elle s’interroge – de demander à « une femme en âge de donner la vie » si elle a prévu de tomber enceinte ? « Voici une question absurde qui appelle une réponse convenue », s’insurge-t-elle dans son dernier billet.
D’autres entretiens se sont bien mieux déroulés, même s’ils n’ont pas abouti. Elle rencontrait le DRH d’un centre d’appels. « Il avait la passion de son métier. Cela se voyait dans ses gestes, dans ses mots. L’entretien a été un vrai dialogue. Il n’y avait pas de rapport de force. Il m’a donné envie de travailler avec lui », se souvient-elle, comme de l’entretien idéal. L’important est-il de déstabiliser le candidat pour voir sa réaction ou d’en apprendre un maximum sur lui en une vingtaine de minutes ? De toute évidence, il y a deux écoles.
Typhanie BOUJU