Si les femmes représentent 52 % de la population et qu’elles sont plus diplômées que les hommes, elles sont cependant moins bien payées et moins présentes dans des postes de direction… Dans "Pourquoi les femmes se font toujours avoir ? Mode d'emploi pour que cela change enfin", Yves Deloison, auteur et journaliste spécialisé dans le secteur de l’emploi livre plusieurs pistes pour aider les femmes à reprendre la main. Rencontre.
Qu’est-ce qui vous a amené à écrire « Pourquoi les femmes se font toujours avoir ! » ?
Via mon travail de journaliste et d’auteur, j’ai longtemps travaillé sur les questions d’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. Or, si l’on est toujours dans un constat chiffré bien souvent catastrophique par rapport à cette problématique, j’ai réalisé qu’en définitive personne ne cherchait véritablement à aller au-delà. J’ai écrit ce livre pour tenter de comprendre quelles étaient les causes profondes de ces inégalités.
Quel est aujourd’hui votre constat sur cette question ?
Ces inégalités sont liées à des stéréotypes. Aujourd’hui les hommes et les femmes considèrent avoir des compétences différentes. Aux hommes, on associe bien souvent l’ambition, la négociation, le leadership, le charisme. Aux femmes, on accole le relationnel, le sens de l’écoute, l’empathie et l’assistanat. Forcément, cela induit des projections distinctes entre les femmes et les hommes dans leur carrière.
Cette résultante est le fruit de l’éducation que l’on reçoit selon le sexe. Les petite filles sont rarement élevées en situation de se battre, d’exprimer des demandes. Certes les hommes sont aussi formatés, mais ils sont éduqués pour adopter les codes liés au travail et à la prise de pouvoir. Nous construisons beaucoup en fonction du conditionnement. A cela, il faut ajouter la culpabilité. Pour les femmes, l’investissement professionnel est souvent jugé incompatible avec les enfants. Lorsqu’elles en ont, on considère que c’est un frein à leur carrière. Parallèlement, celles qui n’en ont pas sont toujours questionnées, telle une "injonction", sur leur désir d’en avoir ou pas. Et puis, il y a aussi les salaires. Seules 10 % des femmes gagnent plus que leur conjoint.
Les hommes sont donc encore aujourd’hui considérés dans notre société comme l’épaule financière du couple. Reste alors à la femme l’organisation de la famille, les taches ménagères et l’éducation des enfants. Et pourtant le taux d’activité des femmes françaises est l’un des plus importants d’Europe, tout comme le taux de fécondité. Il est donc difficile d’échapper à cette sphère qui les pousse à adopter les comportements et les attitudes que l’on attend d’elles à défaut bien souvent de ce qu’elles souhaitent réellement.
Quelles attitudes doivent alors adopter les femmes pour sortir de ce conditionnement ?
Les femmes en entreprise doivent réussir à se débarrasser du sentiment d’imposture qu’elles ressentent parfois. Elles sont tout aussi légitimes à certaines fonctions que les hommes. Il faut également qu’elles dépassent l’autocensure et qu’elles affirment leurs aspirations professionnelles. De nombreuses études démontrent que les femmes choisissent un nombre de secteurs et de métiers extrêmement restreints par rapport aux hommes. En général, il s’agit d’ailleurs de métiers moins bien payés, moins considérés et moins évolutifs que les hommes…
Il faut qu’elles prennent conscience de tous ces mécanismes, de la manière dont les choses se construisent pour ne pas s’enfermer dans des rôles téléguidés. C’est l’un des premiers leviers de changement. Il faut battre en brèche les stéréotypes. Et d’ailleurs les femmes elles mêmes doivent cesser de véhiculer certains aprioris. Souvent les femmes de pouvoir, sont suspectes aux yeux des autres femmes.
C’est comme cette expression "rien de pire que les femmes entre elles au travail", que l’on entend souvent dans la bouche des femmes. Ce genre de formule est à éviter. C’est un peu comme se tirer une balle dans le pied. Enfin les femmes doivent apprendre à exprimer leurs envies. Elles pensent souvent qu’il y a des pas tout tracés devant elles. Cette illusion les amène souvent à se demander, pourquoi, malgré leurs compétences, elles n’ont pas obtenu telle mission ou telle promotion. Réussir n’est pas une chance. C’est l’expression de la demande qui exprime une motivation, une envie et par là même une évolution professionnelle.
Gérald DUDOUET