Œuvrer pour la promotion de la diversité culturelle sur le marché du travail, favoriser l’émergence de cadres et de dirigeants issus des minorités visibles, tels sont les objectif de l’AFIP (Association pour favoriser l’intégration professionnelle) qui met son expertise à la disposition des professionnels RH, des entreprises et des candidats pour lutter contre les discriminations. A l’heure de son dixième anniversaire, sa fondatrice et directrice, Carole Da Silva, revient sur les ambitions de l’association et sur ces différentes actions.
Pouvez-vous décrire les objectifs et le contexte de création de l'AFIP ?
Au départ de l’association en février 2002, il y a ces constats : l’origine reste le premier critère de discrimination sur le marché de l’emploi ; plus le niveau de diplôme est élevé, plus il est difficile pour un jeune issu d’une minorité visible de trouver un emploi correspondant à sa compétence. C’est un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur, la question de la diversité culturelle ayant toujours été un axe fort de mon engagement. J’ai d’ailleurs fait mon mémoire de fin d’étude sur la thématique de l’insertion des jeunes diplômés noirs en France. En fondant l’AFIP, j’exprimais ce besoin très fort de laisser quelque chose aux générations futures. Loin des clichés, des représentations injustifiées ou des considérations purement sociales associées à l’accès de l’emploi, mon ambition était de favoriser l’émergence d’une classe moyenne et d’une élite issues de minorités visibles et des quartiers inscrits dans la « politique de la ville ». Notre ambition est de montrer comment la diversité est véritablement une source de performance pour les entreprises.
Quelles actions menez-vous au sein de l’association ?
Notre association s’est positionnée rapidement comme un intermédiaire entre les entreprises et les candidats dans une démarche gagnant-gagnant d’accès à l’emploi. Nous nous définissons comme un pôle de mise en relation – même si nous refusons de devenir un cabinet de recrutement – et travaillons sur une approche économique et pragmatique pour offrir le meilleur, à tous, quelle que soit l’origine. Concrètement, notre démarche passe par la mise en place de rencontres entre les entreprises et les jeunes diplômés, des initiatives de parrainage (notamment avec les anciens d’HEC), l’accompagnement des entreprises dans la prévention des discriminations, l’organisation de colloques thématiques pour faire avancer le débat et la création d’outils de sensibilisation (DVD, fiches pratiques avec des solutions, liens utiles pour les acteurs économiques, etc.). Nous devenons de plus en plus un lieu de ressources pour les jeunes, les entreprises et plus largement pour l’ensemble de la société civile concernée par l’intégration professionnelle et la lutte contre les discriminations liées à l’origine.
Comment accompagnez-vous les candidats et les entreprises ?
Dans le cadre de notre action auprès des jeunes diplômés, nous abordons la question de la recherche d’emploi dans sa globalité. Face à des candidats (60 % issus de formations universitaires, N.D.L.R.) dans le doute, l’autocensure et la dévalorisation, nous retravaillons avec eux sur tout le projet professionnel et les poussons à aller au plus loin de leur niveau de compétences. Chaque année, nous rencontrons plus de 3000 candidats et en suivons 300 de manière personnalisée avec un taux de réussite de 66 %. Quant à notre travail auprès des entreprises, il passe par des conventions de partenariat avec des sociétés engagées comme Sodexo, L'Oréal, Orange, Randstad… En dix ans, nous avons formé plus de 1000 collaborateurs d’entreprises à la question de la diversité.
A l'occasion de votre dixième anniversaire, quel bilan faites-vous de vos actions ?
Je pense qu’en dix ans, nous avons réussi avec l’AFIP à sortir du déni de la discrimination à l’embauche des jeunes diplômés en fonction de leurs origines. Nous avons réussi à faire prendre conscience qu’à travers des actes du quotidien en entreprises, il existait encore beaucoup de pratiques de discriminations. En termes de formation, nous avons gagné en légitimité et réussi à accompagner les entreprises dans leurs démarches d’évolution sur ce thème. Pour ce dixième anniversaire, nous souhaitions aller encore plus loin en nous adressant directement à la société civile via une campagne d’affichage présentant des visages de jeunes diplômés et des slogans très forts comme « J’étais prêt à défendre les couleurs de l’entreprise. Visiblement, ils ont un problème avec le noir. ». Loin de nous la volonté de vouloir culpabiliser les employeurs mais bien de faire avancer le débat sur une population dont le taux de chômage reste plus de trois fois plus élevé.
Audrey Caudron-Vaillant