Adoptée par l’Assemblée Nationale le 12 mai 2016 grâce au 49.3, la loi Travail – dite loi El Khomri, va de nouveau modifier le quotidien des entreprises si elle est votée par le Sénat en juin prochain. Zoom sur les changements à venir, le tout sur fond de manifestations et blocages partout en France.
1 – La primauté des accords d’entreprise sur les branches : dans la version adoptée à l’Assemblée Nationale, le gouvernement ne revient pas sur la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche en matière d’aménagement du temps de travail. Toutefois, chaque année, les branches devront dresser un bilan des accords d’entreprise, en se focalisant sur leur impact sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre les entreprises de la branche. Les branches pourraient également formuler des « recommandations ».
2 – Un recours au référendum possible : un accord d’entreprise devra être majoritaire pour être valable. Autrement dit, signé par des syndicats représentant plus de 50% des salariés aux élections professionnelles. Si la majorité n’est pas obtenue, le texte prévoit que les syndicats minoritaires (représentant au moins 30% de l’effectif) pourraient demander un référendum interne pour valider l’accord.
3 – Le temps de travail maintenu mais régi par accord d’entreprise : les 35 heures demeurent mais les accords d’entreprise majoritaires prévoyant des aménagements devraient la plupart du temps primer. La durée quotidienne maximale de 10 heures pourrait être portée à 12 heures en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation du travail. De plus, un accord d’entreprise majoritaire suffirait à faire passer la durée moyenne hebdomadaire de travail de 44 à 46 heures durant 12 semaines.
4 – Des heures supplémentaires majorées par accord d’entreprise : là encore, le texte actuel autorise la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires par accord d’entreprise majoritaire. Ce taux ne pourra pas être inférieur à 10% au lieu des 25% généralement pratiqués par les branches.
5 – Les accords dits « offensifs » maintenus : en plus de l’accord qui permet à une entreprise en difficulté conjoncturelle de négocier un accord de maintien dans l’emploi avec ses salariés (accords dits défensifs) prévoyant une baisse des salaires et/ou une hausse du temps de travail pendant maximum 5 ans, la loi de El Khomri autoriserait les entreprises à déployer des accords offensifs. Autrement dit, une autorisation pour moduler le temps de travail et la rémunération pour la « préservation ou le développement de l’emploi », par exemple si elles veulent conquérir de nouveaux marchés ou honorer une nouvelle commande.
6 – Des licenciements « spécifiques » : un salarié qui refuserait de signer un tel accord offensif, pourrait faire l’objet de licenciement pour « motif spécifique ». Ce dernier suivrait la procédure de licenciement individuel pour motif économique, mais sans les mesures de reclassement qui y sont associées. En revanche, le salarié pourrait bénéficier d’un « parcours d’accompagnement personnalisé » assuré par Pôle emploi et essentiellement financé par l’Etat.
7 – Les critères de licenciement économique précisés : contrairement au projet de loi initial qui prévoyait une appréciation des difficultés économiques d’une entreprise au niveau France, le texte adopté par l’Assemblée Nationale continue de s’appuyer sur un périmètre mondial. Les TPE (moins de 11 salariés) pourraient y recourir si elles subissent une baisse de chiffre d’affaires pendant plus d’un trimestre (comparé à l’année précédente). Les PME de 11 à 50 salariés devront justifier de deux trimestres consécutifs, celles de 50 à 300 personnes, de 3 trimestres et au delà de 300 salariés, de 4 trimestres consécutifs.
8 – Le compte personnel d’activité (CPA) abondé : à partir de 2017, le CPA sera ouvert aux retraités et devrait regrouper le compte personnel formation (CPF), le compte pénibilité et un nouveau « compte d’engagement citoyen » pour les personnes menant des actions au sein d’associations, pour les maîtres d’apprentissage, etc. Les salariés sans qualification cumuleraient 48 heures de formation par an sur leur CPF contre 24 heures actuellement avec un plafond passant de 150 à 400 heures.
9 – Des congés exceptionnels allongés : le Sénat va devoir se prononcer sur l’allongement de certains congés exceptionnels. Ainsi, la loi El Khomri entend faire passer de 2 à 5 jours le congé d’un salarié en cas de décès d’un enfant. Et de 1 à 2 jours en cas de décès d’un parent, beau parent, sœur ou frère. De plus, il est prévu que la période d’interdiction de licenciement pour les mères rentrant de congé maternité passe de 4 à 10 semaines. Une mesure visant à lutter contre les agissements sexistes au travail.
10 – Une visite à la médecine du travail pas systématique : lors d’une embauche, une visite à la médecine du travail ne serait plus obligatoire comme c’est le cas actuellement. Sauf pour les postes à risques.
11 – Un droit à la déconnexion demandé : dès 2017, le sujet du « droit à la déconnexion » devrait être abordé lors de la négociation annuelle en entreprise. Ce droit permettrait aux salariés de couper leurs téléphones professionnels ou leurs messageries pro sans que leurs employeurs ne puissent leur reprocher.
12 – Des heures syndicales relevées : le texte El Khomri prévoit une hausse de 20% des heures accordées aux délégués syndicaux pour leur permettre d’exercer pleinement leur mandat.
Sylvie Laidet
Ce qui disparaît du projet de loi El Khomri
Fin de la taxation des CDD : sur le sujet le Medef, le syndicat patronal, a eu gain de cause. Le gouvernement a en effet renoncé à moduler les cotisations patronales d’assurance chômage sur les CDD.
Suppression du plafonnement des indemnités prud’homales : après avoir fait coulé beaucoup d’encre, il n’y aura finalement pas de barème, ni de plafond pour les indemnités prud’homales. Tous les salariés, quelle que soit leur ancienneté, pourront prétendre à des indemnités similaires en fonction de l’affaire jugée sur le fond par les conseils des prud’hommes.