Liquidation inévitable pour Monster, pionner du jobboard. Redressement judiciaire de l’École du recrutement, acteur clé de la formation professionnelle. Tandis que la digitalisation et les attentes en matière de performance bouleversent l’écosystème du recrutement, certains de ses acteurs sont aujourd’hui frappés de plein fouet par des difficultés économiques.
Ces deux actualités majeures sont-elles le signe d’une instabilité structurelle du secteur du recrutement ? En tout cas, elles semblent révéler la fragilité des modèles économiques et sociaux sur un marché en mutation rapide, y compris pour les acteurs bien installés.
Liquidation de Monster : fermeture imminente, engagements sociaux remis en cause
Présent depuis plus de vingt ans en Europe, Monster s’apprête à cesser ses activités. Cette fermeture fait suite à la fin du soutien financier de ses deux actionnaires, Randstad (49 %) et Apollo (51 %), au sein d’une joint-venture créée en 2024 avec CareerBuilder.
En l’absence de financements, la liquidation de Monster semble désormais inévitable, et va impacter près de 200 salariés.
En effet, en France, l’entreprise n’est plus en mesure de garantir le versement des salaires, et aucune solution de reclassement ou d’accompagnement n’a été proposée à ce jour.
Ceci alors qu’un accord d’entreprise, signé à l’époque où Monster était entièrement détenu par Randstad, reste théoriquement en vigueur jusqu’en 2027, et prévoit notamment des mesures renforcées pour les départs économiques : accompagnement des seniors, soutien à la reconversion, appui à la création d’entreprise.
Cependant, dans un communiqué de presse du 21 juillet 2025, les représentants du personnel expliquent que ces engagements ne sont pas respectés :
Cet accord n’est pas une faveur, c’est un engagement soutenu par Randstad à l’époque où ils étaient propriétaires de Monster à 100%. Il garantissait un départ digne aux salariés en cas de licenciement économique, en contrepartie de leur fidélité malgré les multiples restructurations opérées ces dernières années. Aujourd’hui, les mêmes dirigeants cherchent à s’en affranchir au moment de nous licencier, en sortant la carte de « l’actionnaire minoritaire », c’est inacceptable. Randstad ne peut pas se défaire de ses responsabilités parce que la situation ne l’arrange plus.
De plus, selon les représentants du personnel, des primes auraient été attribuées à certains dirigeants de la joint-venture dans le cadre du processus de cession et de fermeture. Et ce, sans qu’un accompagnement équivalent ne soit prévu pour les salariés.
Un dossier qui met en lumière les limites des dispositifs sociaux internes en cas de changement rapide d’actionnariat. Mais surtout qui pose aussi la question du degré d’engagement des groupes internationaux dans la gestion sociale des restructurations.
L’École du recrutement : vers la fin d’un acteur clé de la formation des recruteurs ?
La fragilité de Monster n’est pas un cas isolé. Le 25 juin 2025, un jugement a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire pour l’École du Recrutement. Fondée en 2015, cette structure s’est imposée comme un acteur de la formation des recruteurs en France.
Elle revendique d’ailleurs plus de 1 800 entreprises accompagnées grâce au « Parcours », sa formation certifiante 100% en ligne. Avec, en 2024, plus de 900 recruteurs formés aux bonnes pratiques du recrutement.
L’offre inclut aussi des formations sur mesure, ainsi que deux bootcamps consacrés respectivement au sourcing et à l’évaluation des candidats. L’organisation bénéficie d’une audience importante sur LinkedIn avec plus de 145 k abonnés. Parmi ses clients référencés figurent plusieurs grands comptes : Deloitte, Michelin, Groupama, Leroy Merlin, Manpower ou encore Randstad. Et pourtant, l’acteur est en cessation de paiement au 6 juin 2025… (annonces légales).
Le recrutement, un secteur qui va mal ?
Les cas de Monster et de l’École du Recrutement invitent à interroger les fondements du modèle économique actuel.
La première question soulevée est celle de la solidité des dispositifs sociaux. Peuvent-ils réellement jouer leur rôle protecteur lorsque des changements d’actionnariat rendent les accords précédemment négociés inopérants dans les faits ? Le dossier Monster met en évidence ce décalage avec un accord d’entreprise toujours valable qui devient inapplicable faute d’engagement des actionnaires actuels.
Ce cas pose aussi une question plus large : quel est le degré réel d’engagement social des grands groupes internationaux du secteur (mais pas que) ? Les pratiques de gouvernance – comme certaines opérations de rémunération au bénéfice des dirigeants – interrogent sur la cohérence entre discours RSE et décisions opérationnelles.
Autre enseignement : la montée en puissance des solutions numériques et la visibilité en ligne ne garantissent ni stabilité économique, ni pérennité sociale. L’École du Recrutement, malgré une offre diversifiée, des grands comptes clients et une forte audience digitale, n’échappe pas aux difficultés financières.
Pour les décideurs RH, ces événements appellent à une vigilance renouvelée. Au-delà de l’innovation produit ou de la promesse technologique, la solidité économique et la responsabilité sociale des partenaires doivent devenir des critères à part entière dans les choix de prestataires.