Le temps et la géométrie au service des RH : un cycle dont on tient compte dans son entier pour enclencher un cercle vertueux. Tel est le but de l’Employee Life Cycle Management, une approche systémique qui envisage l’attraction, le recrutement, l’intégration, le développement, la fidélisation et le repositionnement des collaborateurs comme un tout.
« La majorité des réflexions portent sur le recrutement, or, quand on fait appel à un prestataire pour recruter c’est que l’on a potentiellement raté une partie de l’attraction, du développement ou de la fidélisation », pointe Vincent Rostaing, fondateur de Le Cairn 4 IT, spécialiste de l’optimisation du cycle de vie professionnel. Pour réussir à être attractif, à développer ses collaborateurs, à les fidéliser, une approche parcellaire est insuffisante – une affirmation qui concerne d’ailleurs toute démarche de marque employeur qui, pour avoir une portée, doit prendre en compte des aspects qui dépassent la sphère RH. Lorsque l’entreprise pense recrutement, si une certaine logique voudrait qu’elle débute par un travail sur son attractivité, elle peut aussi partir de la fin du cycle et se demander comment elle aimerait que les collaborateurs la quittent « pour optimiser leur expérience à chaque étape », précise-t-il.
Du côté des RH, on parle de sortie ou de repositionnement, du côté des designers, on pense Upcycling (transformation des déchets pour leur donner une valeur supérieure à celle de leur première vie) – gardons l’idée de valorisation, oublions celle de déchet. En RH, on n’aime décidément pas cette idée qui suppose qu’il faudrait recycler l’humain, c’est bien le problème comme le souligne notre interlocuteur : « On refuse de penser à cette question, résultat : on arrive à des situations où les employés n’ont aucun espoir d’évolution et sont en souffrance, au placard, voire les deux. » Priver ainsi d’un moteur pour avancer est nocif pour le salarié comme pour l’entreprise.
La fin guide les bonnes pratiques pour l’ensemble
Exacerbée parce que taboue, la question du repositionnement (la fin du cycle) plane au-dessus de chaque étape de l’Employee Life Cycle Management, dont chacune contribue à l’attractivité.
Prenons un exemple : un collaborateur est accompagné dans le cadre d’une mobilité externe, « le message envoyé à l’écosystème est que telle société favorise la carrière de ses employés, y compris à l’extérieur, c’est bon pour son image », explique Vincent Rostaing.
Pour perpétuer cet accompagnement, « pourquoi ne pas créer des clubs d’anciens de telle ou telle entreprise, ce serait aussi une poche de talents dont l’entreprise pourrait se servir en cas de besoin ? », suggère-t-il. Il y a un intérêt à parler de sa sortie à un collaborateur dès son embauche, d’une part pour dédramatiser le sujet, d’autre part pour envisager des alternatives aux pratiques actuelles. Aujourd’hui en effet, « on utilise jusqu’au bout les gens qui fonctionnent bien, ensuite on les remplace au lieu de les faire grandir en interne ou à l’extérieur », observe Vincent Rostaing. La fin, la sortie, guide ainsi les bonnes pratiques pour l’ensemble du cycle, des bonnes pratiques qui rendent réelle la promesse faite à son écosystème dans son discours employeur.
Quelle que soit l’étape dont nous partions, des prérequis sont nécessaires à toutes les autres pour enclencher un cercle vertueux.
L’attraction : dans toute logique de marque employeur, le but n’est pas d’attirer un maximum de candidats mais de séduire ceux qui intéressent l’entreprise. Il s’agit d’être sélectif, d’écarter les candidats pas suffisamment motivés, sur son marché ou sa niche de marché, même sur les candidatures spontanées. « Une première sélection peut s’opérer grâce à un formulaire pour postuler en ligne suffisamment élaboré, surtout pas une reprise du CV, si possible challengeant et ludique – par exemple, une contrainte de format comme sur Twitter pour les communicants ou la possibilité de s’auto évaluer sur certains points ou bien de développer une réponse à problématique », suggère Vincent Rostaing.
Le recrutement : il doit être une proposition de valeur, de part et d’autre, et non un acte de vente. Le candidat va-t-il avoir l’impression d’être jugé ou bien d’avoir vécu une expérience qui lui a apporté quelque chose, enrichissante ? Il s’agit de soigner l’expérience du candidat de bout en bout, qu’il soit pris ou non. Cela passe par des réponses personnalisées qui permettent de tisser un lien. Sur le marché actuel, que l’on présente comme peu favorable aux candidats, « une entreprise doit se demander si elle veut juste quelqu’un qui fait le job ou si elle préfère quelqu’un d’engagé », souligne Vincent Rostaing.
L’intégration : comme la sortie, elle est maltraitée – quand elle est traitée. L’intégration doit commencer dès que l’on a choisi le candidat et se caler sur le rythme de la période d’essai, vécue comme anxiogène. « Le plan d’intégration consiste aussi à dire quels sont les objectifs d’apprentissage durant la période d’essai. On crée ainsi des points de rencontre avec le management, et l’on permet au candidat de se lancer plus vite que lorsqu’il est seul », remarque-t-il. Par ailleurs, lors de l’intégration d’un nouveau collaborateur, le manager doit aussi réaligner ses propres objectifs.
La fidélisation et le développement : il importe d’analyser les causes du départ et, pour connaître les bonnes, les vraies raisons, de confier cette analyse à un tiers, un conseil RH par exemple. Celui-ci élabore un questionnaire qui compare les attentes de la personne quand elle a intégré l’entreprise et ce qu’elle y a réellement trouvé. Ce questionnaire,
comme le préconise Vincent Rostaing, fait émerger les écarts et les points critiques, permet de les traiter en donnant des indications d’axes d’amélioration pour la vie des salariés et la productivité de l’entreprise.
En développement on favorise l’auto-évaluation et l’évaluation des autres membres d’une équipe en mettant en place des diagnostics d’équipes et d’équipiers. La performance d’équipe est notée selon douze qualités (efficacité des réunions, définition des rôles, clarté des objectifs, efficacité des décisions…, entre autres). Puis les équipiers sont évalués en termes de comportements (coopération, engagement, gestion des conflits, de la critique, entraide…). On débriefe ensuite et l’on demande à chacun d’améliorer ses points faibles. Cependant, on remarque ainsi que les objectifs sont plus quantitatifs que qualitatifs. Or, pour que performance d’équipe il y ait, c’est à l’inverse qu’il faut parvenir car c’est par les comportements individuels qualitatifs au service du collectif que l’on arrive à remplir les objectifs collectifs quantitatifs. « Travailler sur la performance collective est une manière de fidéliser parce qu’on se rend compte que les gens peuvent venir ou s’en aller pour ou à cause d’une ambiance de travail. Le sentiment d’appartenance est important dans le contexte actuel, performer ensemble est stimulant et donne du sens », note Vincent Rostaing.
De bonnes pratiques à toutes les étapes, qui ritualisent la vie du collaborateur en interne, permettent également de travailler sur la prévention des risques psychosociaux ; « la performance collective est un excellent vecteur car ce qui génère le plus de stress est le manque d’envie, de sens et de capacités (compétences et/ou moyens) », conclut-il.
Sophie Girardeau