Cela fait 20 ans que j’observe le marché du e-learning en France et j’ai constaté certaines caractéristiques très spécifiques à la France. Voilà les points les plus importants dans mes observations :
- Droit : Le DIF (Droit Individuel à la Formation) et les dépenses (% de masse salariale) sur la formation : cette législation a donné un coup de pouce au e-learning, mais souvent les nouvelles dépenses visaient les LMS (Learning management System), et pas le contenu ; car les sociétés utilisatrices avaient besoin d’intégrer des nouveaux rapports de gestion de caractère administratif, et parfois ceci cannibalisait toute l’augmentation budgétaire dédié au e-learning
- Taille des Projets et taille du marché : La taille moyenne d’un projet e-learning en France en 2012 était autour de 80k euros. Ceci est moins que la moitié de la taille moyenne en Allemagne et UK, et un quart de la taille moyenne aux US. Je pense que ceci reflète le retard d’adoption du e-learning en France par rapport aux autres pays du G8. A ce jour que 10% des entreprises en France utilisent le e-learning: 60% du marché du e-learning en France est développé au sein des sociétés avec plus de 5000 salariés. De même, les fournisseurs sont aussi petits et indépendants avec des revenus moyens de 3,5 millions euros par an. Après un démarrage lent la France rattrape néanmoins son retard avec une croissance annuelle de 15%, la plus rapide dans l’Union Européenne : en 2009 le marché était estimé à 115 millions d’euros et en 2010 à 144 millions d’euros. En 2013 on espère atteindre plus de 200 millions d’euros. Trois quarts de ce marché est constitué par les besoins en contenus : sur étagère, sur mesure et jeux sérieux. Depuis 2009 le marché des LMS a vu ses parts du marché augmenter aussi (de 12% en 2009 à 20% en 2012). Cette croissance de volume est principalement expliquée par la baisse du prix des plateformes et une offre bien plus adaptée aux besoins des entreprises de moyenne et petite taille.
- Circonspection et abstraction: Par rapport au UK, aux USA, à la Scandinavie et au Benelux, en France le retard d’adoption était en partie dû à une plus longue réflexion et de nombreuses objections, surtout entre 2000 et 2006. Les objections fréquemment citées étaient celles de la localisation des contenus et plateformes, de l’adhérence aux critères spécifiques de reporting français, de la méfiance de l’ordinateur à la place du professeur, et enfin de façon assez intelligente d’ailleurs, de la méfiance autour de la « mode » du numérique du e-learning et des économies d’échelle annoncées par les américains au début des années 2000.
- Culture et Critères : Les enquêtes effectuées parmi des utilisateurs du e-learning en France révèlent des différences de critères très intéressantes. Dans d’autres pays la présentation graphique des contenus et l’interactivité des modules priment comme critère de satisfaction chez les apprenants. En France le critère le plus important pour un apprenant dans une entreprise est la validité et la qualité des contenus. Je pense que ceci reflète le coté intellectuel des Français et c’est un point sur lequel la France est certainement en avance.
Sally-Ann Moore, Fondatrice d’iLearning Forum
Source des chiffres :
Baromètre du e-learning en France publié par le Préau, CCIP, 2011
L’offre Professionnelle e-learning en France, Féfaur décembre 2010