Avec ses 50 entretiens en 1 an il pourrait écrire une encyclopédie des méthodes de recrutement les plus irrespectueuses et des recruteurs les plus caricaturaux. Hugues Jarreault, responsable financier, en poste et en quête d’une nouvelle expérience, ne savait pas qu’il se lançait dans un parcours du combattant, jonché de sous-entendus prometteurs, de silences impertinents, d’entretiens en chaîne infructueux et de test psychométrique improvisé.
Prenez votre souffle.
« J’ai travaillé pendant 10 ans dans des petites structures ». Un jour, il y a environ deux ans, il a eu envie de changement. Et c’est là que l’aventure a commencé. Motivé par une envie de s’expatrier, il a postulé auprès de plusieurs grands groupes internationaux et dans des cabinets de chasseurs de tête. « Sur 10 CV envoyés, je suis reçu 8 fois en entretien ». Preuve que son profil est recherché. Mais les recruteurs intéressés auraient dû s’assurer qu’ils avaient bien un poste vacant avant de l’appeler pour un premier entretien, puis un deuxième, puis un troisième…
Un premier essai non transformé
Dès ses premières recherches, Hugues Jarreault décroche rapidement un entretien pour un poste de responsable du service comptable. Il attendra deux mois avant d’avoir écho du responsable RH, qui lui propose un deuxième entretien. Puis, nouveau silence radio. Nous sommes fin 2008, la crise Lehman Brothers vient de faire des ravages. Trois mois après son premier entretien, la réponse arrive enfin : « Nous avons gelé tous les recrutements, sauf le vôtre. Vous êtes pris ». Une bonne nouvelle donc. Et un premier pas en tant que candidat, concluant… ou presque. Quelques mois après son embauche, « je m’aperçois que le poste ne me convient pas ». Il est alors en période d’essai et remet son CV en course. « Je me suis trompé une fois, cela ne se reproduira plus. Je deviens très pointilleux pendant les entretiens ».
Le recrutement le plus long
Quelques CV plus tard, il est contacté pour un poste de responsable du service comptable chez un géant du numérique et de l’électronique. En deux mois, il passera 7 entretiens. D’abord avec la responsable RH, puis encore avec la même personne, puis avec le Directeur des RH. Au quatrième entretien, il commence à gravir les échelons. Cette fois, il a rendez-vous avec un responsable coréen. « Ce fût long et pénible. Nous avons parlé en anglais pendant une heure, mais lui n’était pas très à l’aise ». Hugues Jarreault apprendra plus tard qu’il était, en fait, « fatigué ». Une raison suffisante pour se voir demander une deuxième entrevue coréenne, qui tournera autour de sa vision du management et de sa capacité à manipuler « un chiffre d’affaire qui se compte en milliards ». Une semaine plus tard, le responsable coréen le convoque à nouveau. A ses côtés, une personne avec qui il travaillera s’il est retenu.
« J’arrive à la fin de ma période d’essai, mon employeur propose de l’écourter, ce que je refuse invoquant un alibi fictif, car j’attends toujours une réponse » du groupe coréen. Celle-ci finit par arriver et s’avère négative. « Nous avons trouvé une solution en interne ». 2 mois, 7 entretiens, vains.
Des tests pseudo-psycho
Mars 2010, une nouvelle porte s’ouvre. Une société de renom, spécialiste de la gestion 3D des cycles de vie produits, est intéressée par son profil. Il s’agit d’un poste de responsable de la comptabilité Fournisseurs Monde. De quoi motiver l’aventurier du recrutement. « J’ai rencontré 8 personnes », s’exclame-t-il. Et passer une matinée entière d’entretiens avec des responsables différents, clôturée par un test d’anglais. Après s’être vendu auprès de la responsable RH, de son N+1, de la directrice financière Monde et de la personne qu’il doit remplacer, Hughes Jarreault rencontre le responsable des achats. « Il se prenait pour un DRH » et quand il lui demande de prendre un stylo, une feuille et de faire un dessin, ses nerfs manquent de lâcher. « J’aurais dû me lever et partir », dit-il, après coup.
Il ne passera finalement pas à côté des tests psychométriques. Logique, personnalité, compréhension, grammaire… tout est passé sous contrôle. Le lendemain, debrief avec la RH, puis un nouveau test d’anglais, par téléphone cette fois, suivi d’un long silence. Malgré ses relances, il n’a jusqu’à aujourd’hui obtenu aucune réponse, pas même un « non ». Mais il retient un enseignement : « Les tests psychotechniques sont faciles à tromper. J’ai beau y avoir été confronté plusieurs fois, je suis toujours interloqué par ce mode de sélection ».
Entretiens sans suite et recrutement confus
Cette dernière expérience ne restera pas la seule en suspens forcé. Plusieurs fois, il croisera la route de recruteurs apparemment trop occupés (ou trop mal à l’aise ?) pour donner une réponse. Après deux entretiens chez un leader de la banque en ligne, « j’écris à mon N+1, avec qui le contact était bien passé. Il me rassure, je suis dans la shortlist ». Finalement, ce sera un non… provisoire, puisque « la RH me rappelle 15 jours plus tard ». La personne retenue leur a fait faux bond. « Êtes-vous toujours disponible ? ». Hugues Jarreault transmet toutes les informations nécessaires à la rédaction du contrat, envoie une relance, puis une autre, téléphone. Pas de réponses. « J’appelle en numéro caché, elle décroche » et l’informe qu’il n’est pas retenu.
Quelques mois plus tard, il vivra une expérience similaire pour un poste chez un producteur de crevettes de Madagascar. « C’était une entreprise de commerce équitable. J’étais très intéressé, l’expérience aurait été valorisante ». Après trois entretiens et plusieurs tests, à la suite desquels on lui laisse entendre que le poste est entre ses mains, ses relances restent vaines. Jusqu’au jour où il décide de faire appel au désormais usuel subterfuge du numéro masqué. « J’appelle le DAF qui, très gêné, me répond qu’ils ont trouvé une solution en interne ».
Les recruteurs sont-ils trop exigeants ? Les politiques RH mal définies ? Le parcours d’Hugues Jarreault laisse entrevoir des dysfonctionnements, du côté des petites entreprises comme des grands groupes. Lui, garde le sourire et retient une leçon : « je vais arrêter les cabinets de chasseurs de tête et laisser jouer le réseau ». Avec l’un des leaders sur le marché du recrutement, « j’ai passé une vingtaine d’entretiens et rencontré 20 consultants différents ». Pourtant, « ils n’ont pas réussi à me profiler correctement ».
Typhanie Bouju