Le travail vient à l’homme désormais. Le salarié peut rester à sa place, à l’endroit même, où il vit. C’est l’homme qui reçoit désormais le travail. Le geste n’est pas anodin. L’activité fait le trajet et va vers lui. Cette nouvelle forme de travail met le curseur sur le déplacement, non plus physique mais doublement psychique.
On l’aura compris, il n’y a plus de mise en mouvement du corps. Le salarié doit se tenir prêt à recevoir et à accueillir, chez lui, et en lui-même, le travail. Cela ne va pas de soi. De manière nouvelle, il développe un geste professionnel, qui draine avec lui, l’avènement d’une pleine responsabilité. Dans cette expérience inédite, le salarié redevient en quelque sorte, un débutant, et comme tout débutant, la curiosité, mêlée à de l’appréhension, vont se mettre à co-habiter.
C’est l’opportunité pour celui qui s’engage dans cette voie de l’activité, de s’affranchir de la vielle idée du travail paternaliste, pour aller vers sa pleine autonomie. Et cela demande du courage, un apprentissage intérieur fait de nouvelles règles que l’on se fixe à soi-même. Règles sans la présence physique des autres, et cela change tout. Par l’esprit, le salarié va reconstituer pas à pas la globalité de son activité matérielle et immatérielle, en lui-même et par lui-même.
Dans l’effacement de ce temps de déplacement, c’est aussi, la fin physique de la transition, entre domicile et bureau. La vie privée et la vie professionnelle se font face, à première vue, elles se mêlent. Comment alors déterminer, son entrée au travail, où se situe la frontière pour permettre une pleine disponibilité, distincte, à chaque pan de sa vie ? C’est dans l’esprit, que le « trajet » se réalise. Il faut bien qu’il se réalise, pour marquer le temps de différenciation, entre les deux univers. Qu’il s’agisse de l’aller comme du retour. En allant au travail, il se prépare, et quand il le quitte, il laisse son esprit vagabonder, se libérer.
Le salarié va apprendre, en lui-même, cette danse, entre travail et non-travail, ce va et vient, entre une proximité apparente et une nécessité de la séparation. Elle ne va pas non plus, de soi, c’est encore une fois, une nouvelle manière de saisir le travail et d’être saisi par lui et encore davantage par l’esprit.
Samira Sofi