Nouvelle expression à la mode des dernières années ou concept fondé, l’entreprise libérée a beaucoup fait parler d’elle au cours des dernières années. Ironiquement, peu d’individus – dont ceux qui utilisent l’expression d’ « entreprise libérée » – sont capables de lui donner une définition exacte. Certes, la promesse de libération est séduisante, mais qu’en est-il exactement ? L’entreprise libérée est-elle un mythe ou une réalité ?
Le concept d’entreprise libérée
Avant de parler d’entreprise libérée et de vouloir lui associer une définition, il convient de se poser la question – et à juste titre – du pourquoi de cette nouvelle forme d’entreprise.
À l’heure actuelle, les organisations les plus performantes fonctionnent au sein d’écosystèmes en réseaux, échangeant des informations (données) en permanence et communiquant avec d’autres écosystèmes. Cette interaction contribue à rendre les systèmes autonomes plus intelligents, capables de trouver, bien plus rapidement qu’auparavant, de nouvelles réponses et des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent. Au fur et à mesure que les obstacles technologiques sont surmontés, les écosystèmes acquièrent de nouvelles capacités qui leur permettent d’accélérer leur cadence. Lorsqu’elle est soudaine et rapide, l’accélération présente un défi de taille pour les entreprises. Il convient ainsi de s’adapter ou… de disparaître. La réalité concerne toutes les entreprises actuelles.
La libération d’une entreprise est un modèle destiné à créer des conditions plus favorables à atteindre l’objectif fondamental d’une organisation. L’entreprise libérée, pour beaucoup, signifie la libération de l’intelligence, de la créativité, de la capacité d’initiative et de penser «hors des sentiers battus ».
Les entreprises qui se disent « libérées » favorisent le leadership, libèrent les employés des contraintes qui les empêchent d’assumer au mieux leur rôle, au service de la vision ou de la raison d’être de l’entreprise.
Les entreprises libérées s’affranchissent des modèles de management traditionnels, des recettes à succès du passé, devenues désuètes et formant souvent une source de stress chez les salariés.
La libération de l’entreprise se traduit aussi bien au niveau de la gouvernance et de la gestion, que dans le partage des informations, de la communication, et ce à tous les niveaux hiérarchiques.
L’entreprise libérée : démêler le vrai du faux
L’expression « entreprise libérée » étant devenue un phénomène à la mode, elle alimente de nombreux débats et génère de multiples idées fausses.
D’un côté, il y a ceux qui pensent que l’entreprise libérée consiste à donner les clés de l’organisation aux employés, à se débarrasser de la direction et à laisser les choses se dérouler naturellement. Ensuite, il y a ceux qui s’improvisent « entreprise libérée » avec une objectivité quelque peu limitée, utilisant l’argument comme un outil marketing.
L’entreprise libérée ne signifie en rien l’absence de hiérarchie, de règles, de procédures et de gestion. Libérer une entreprise, c’est tout simplement voir les choses différemment. C’est également être ouvert aux nouvelles fonctionnalités ajoutées à l’environnement existant qui rendent, peu à peu obsolètes, les anciennes pratiques.
Une entreprise libérée se défait d’une hiérarchie basée sur le contrôle et l’autorité, de la subordination des uns aux autres, basant sa hiérarchie sur ses objectifs, ses rôles à jouer et les responsabilités de chacun. Le modèle organisationnel qui convient le mieux à la gouvernance d’un système complexe et dynamique tel que celui de l’entreprise libérée est l’holacratie. D’ailleurs, lorsqu’on y regarde de plus près, les espèces vivantes fonctionnent elles-mêmes sur la base de l’holacratie, c’est-à-dire un système de gouvernance fondé sur la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective.
L’entreprise libérée va au-delà du système de règles, souvent guidées par la méfiance, pour faire jouer l’anticipation, adoptant de nouvelles règles de base.
Aux procédures rigides, souvent très éloignées de la réalité opérationnelle de l’environnement dans lequel elle s’applique, ralentissant l’adaptation de l’entreprise dans son évolution, les entreprises libérées adoptent des procédures dynamiques et évolutives, intégrant plus intelligemment le contexte dans lequel ces règles sont appliquées.
Si les critiques concernant l’entreprise libérée se multiplient, leurs auteurs oublient souvent qu’une forme de liberté existe bel et bien, puisqu’il existe un cadre clair permettant de l’exprimer. L’entreprise libérée va de pair avec les exigences de performance et de qualité plus strictes auxquelles elle est associée. Ceux et celles qui ont fait l’expérience de l’entreprise libérée savent aujourd’hui que ce choix équivaut à vouloir porter l’organisation à un niveau supérieur. L’entreprise libérée n’est pas un objectif en soi, c’est la manière de réaliser cet objectif, tout en prenant en compte le contexte actuel.
Marilyn GUILLAUME