Manager RH présente les outils que le manager RH utilise dans le cadre de ses travaux. Mais il ne se limite pas à cela. A quoi sert, en effet, d’avoir de bons outils si l’on s’en sert mal ou, pire encore, si l’on est incapable de les utiliser? Critique à l’égard d’une conception-gadget des métiers RH, l’ouvrage a pour objectif de présenter, sous une forme accessible, les savoirs qui développent aussi la capacité d’analyse et d’action face à des situations-problèmes inévitablement spécifiques.
L’ensemble ouvrage+site qui est proposé au lecteur est aussi un moyen efficace de s’adapter au turn-over élevé des savoirs, des informations, des données, des pratiques, de la réglementation…concernant les Ressources Humaines. S’il est vrai qu’il n’y a de permanent que le changement, il est essentiel que le manager RH ne soit pas en décalage avec l’évolution.
My RH Line : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un tel ouvrage ?
François Stankiewicz : Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, cet ouvrage s’inscrit contre ce que j’appellerai, de façon un peu excessive, une conception gadget des Ressources Humaines. Il y a eu une démarche qui laisse entendre qu’il existe des outils et des instrumentations qu’il suffirait d’appliquer les yeux fermés. L’argument logiciel informatique peut encore renforcer cette présentation. Je suis professeur d’Université et j’ai également réalisé des consultations dans des entreprises et différents organismes, et ma conviction est différente. Les situations qui se présentent à nous sont des situations spécifiques. Donc, même si l’on dispose de notions, d’outils, d’instrumentation, une intelligence de la situation est nécessaire ainsi qu’une adaptation à ce que sont les besoins propres de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle le sous-titre de l’ouvrage est « des concepts pour agir ». Je pense que l’on agit d’autant mieux que l’on pense correctement et que l’on pense d’autant plus correctement que l’on a les concepts qui permettent de comprendre la situation, les facteurs de blocage, de construire un schéma analytique de la situation. Il me semble que cet aspect-là reste insuffisamment souligné.
Dans l’ouvrage, nous présentons les concepts basiques qui constituent les savoirs basiques d’un professionnel Ressources Humaines. Et le site compagnon, dont s’occupe François Geuze, permet de présenter les savoirs évolutifs (par exemple, l’évolution extrêmement rapide de la législation, de la réglementation, l’actualité de certains problèmes, comme le plan senior, l’insertion des handicapés, ou les pénalités qui menacent concernant le sujet de l’égalité professionnelle homme-femme…).
J’ai également écrit cet ouvrage, car je trouve qu’il y a une certaine frilosité des manuels RH à aborder les approches chiffrées et quantitatives. C’est flagrant, tous les aspects techniques passent à la trappe. Lorsque vous avez à calculer un pourcentage de variation, on vous donne in extenso la façon de procéder. Je m’inscris contre cette élimination des aspects formalisés, techniques, quantitatifs des RH. J’ai une double conviction. On ne peut agir efficacement que si l’on a une connaissance minimale de la logique du système. Je ne conçois pas, pour ma part, qu’un manager RH soit ignorant de la rentabilité financière et des indicateurs qui servent à la mesurer. Cela revient à lui dire « Vous allez piloter un système même si vous ne comprenez pas quels sont ses déterminants et ses règles de fonctionnement ». Vous pouvez faire un test, vous trouvez des ouvrages RH, où les mots « capitalisme », « rentabilité », « profit » ne sont jamais prononcés. Je n’ai pas choisi de travailler dans le monde des Ressources Humaines par hasard. J’aurais pu choisir la gestion financière, mais ce sont les Ressources Humaines qui m’intéressent. Malgré tout, ce n’est pas parce que l’on travaille dans les Ressources Humaines que l’on peut être totalement ignorant de la logique financière. On s’étonne ensuite que des responsables RH ne fassent pas partie des comités de direction, mais s’ils n’entendent rien aux chiffres et aux ratios de rentabilité, qu’ont-ils à faire dans ces instances ?
J’ai donc décidé d’écrire cet ouvrage car il n’y a pas de raison que les Ressources Humaines soient moins théorisées que la gestion financière et il n’y a pas non plus de raison pour que la GRH ne soit pas une discipline où l’on est capable de comprendre des diagnostiques chiffrés et réaliser des évaluations.
My RH Line : Comment avez-vous construit votre ouvrage ?
François Stankiewicz : Cet ouvrage est articulé en fonction des missions que je crois être celles du manager RH.
Il comporte 4 parties de 3 chapitres chacune. Certaines parties sont évidentes et d’autres le sont moins.
Tout d’abord, il appartient au manager RH de construire l’organisation. Elle n’est pas toute faite. Si l’on prend, par exemple, une notion comme celle de marché interne du travail, les parcours professionnels ne se construisent pas seuls, c’est à vous de voir comment vous pouvez transformer l’entreprise en un espace de circulation mais cela suppose effectivement de construire l’organisation.
Les deuxième et troisième parties sont beaucoup plus classiques.
Pour que cette organisation fonctionne, il faut la mobiliser. La deuxième partie traite des contre-parties nécessaires pour que les salariés de l’entreprise acceptent de s’engager et de donner le meilleur d’eux-mêmes (rémunérations, bénéfices, les conditions de travail).
La troisième partie insiste sur la nécessité de doter l’organisation des compétences requises et donc des aspects de la formation, du recrutement, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
La quatrième partie est, elle aussi assez classique et traite de la régulation de l’organisation. Une fois que vous avez construit une « belle » organisation, des systèmes d’incitation et des politiques de formation efficaces, le changement est permanent et le conflit est la règle. Il y a des facteurs qui font que ce que vous avez construit est perturbé. Il faut gérer les conflits et ce que l’on appelle de façon englobante, les dysfonctionnements.
My RH Line : A qui destinez-vous votre ouvrage ?
On peut donc comprendre l’ouvrage sans être un technicien et j’ai voulu éviter le rejet. Les responsables RH sont en partie responsables de cette situation et de leur position d’infériorité dans l’entreprise. Ils rejettent tout ce qui est quantitatif. J’ai donc insisté du point de vu pédagogique pour qu’il n’y ait pas ce rejet. S’ils souhaitent aller plus loin, ils peuvent trouver sur le site des exercices pour s’entraîner et des aspects plus compliqués. Le site sert à intérioriser, internaliser des notions, même si dès l’ouvrage papier, je m’efforce d’en montrer l’utilité. Le site internet fait un peu office de Travaux pratiques.
Propos recueillis par Anne-Sophie Duguay