Les réseaux sociaux révolutionnent-ils les relations humaines en entreprise ? Peut-on à la fois être un manager hyper-connecté et hyper-présent auprès de ses équipes ? Les RH doivent-ils investir les outils 2.0 ? Si oui, dans quels buts ? Au final, quels sont les risques organisationnels chevillés à l’utilisation massive des réseaux sociaux ? Autant de questions sur lesquelles les experts se sont penchés lors du débat organisé par l’Edhec Business School en juillet dernier
En 2010, Bouygues Telecom mettait à la disposition de ses 9000 collaborateurs un intranet de nouvelle génération baptisé Wooby. Cet outil collaboratif puissant et complet, ergonomique et personnalisable s’inscrit parfaitement dans l’ère dite du « web 2.0 ». A cela s’ajoutait quelques mois plus tard, un réseau social professionnel. Sa vocation ? Créer des communautés projets. Il y en a, aujourd’hui plus de 2 000 en place sur cette plateforme. « En mettant à la disposition des salariés des réseaux sociaux internes à l’entreprise, Wooby permet aux collaborateurs d’entrer dans l’ère web 2.0 collaboratif et du partage d’informations. C’est une sorte de Facebook Bouygues, dédiés aux collaborateurs pour leur permettre de mieux travailler ensemble », indique Olivier Roussat, Directeur général Bouygues Télécom.
La même année, le groupe Société Générale lançait son réseau social d’entreprise dédié à la population RH, soit près de 3 000 personnes directement concernées. Objectif ? Créer un véritable sentiment d’appartenance au groupe via un partage d’informations renforcé, un langage commun et une vraie transversalité. Baptisé « Sharing », le réseau social RH de la Société Générale se structure autour de trois types de communautés : pays, métiers et projets. Aujourd’hui, plus de 2 500 utilisateurs sont actifs sur la plateforme et se répartissent au sein d’une quinzaine de communautés. Quels sont les bénéfices réels pour les RH notamment sur la marque employeur ? Selon Franck La Pinta , Responsable Marketing Web et RH 2.0 du groupe Société Générale : « dans les années à venir, le rôle des RH consistera peut-être moins à développer la marque employeur, mais davantage à déterminer comment outiller les collaborateurs pour que ces derniers deviennent de véritables ambassadeurs au service de l’entreprise », suppose le Responsable Marketing Web et RH 2.0 du groupe Société Générale.
Le spectre de la déshumanisation version 2.0
Pourtant, si les réseaux sociaux semblent s’imposer comme une aubaine pour l’entreprise, cela n’est pas sans risque comme le rappelle Philippe Canonne, Directeur des Ressources Humaines de Sephora : « il y a beaucoup à explorer au travers de ces nouveaux usages mais il faut, néanmoins, prendre conscience que l’utilisation des réseaux sociaux comporte un certain nombre de risques et que ce n’est pas nécessairement ceux auxquels on pense de prime abord ».
Mais alors quels sont les dangers attachés à la mise en place de ce type d’outils au sein de l’entreprise ? Pour Benoit Arnaud, Directeur de « Edhec Executive » pôle formation continue du groupe Edhec, « les réseaux sociaux transforment l’organisation en faisant bouger les frontières qui régissaient jusqu’alors le fonctionnement de l’entreprise ». A commencer par les modèles de management : « les managers sont souvent hyper-connectés et cela a pour effet pervers de les éloigner humainement de leurs équipes », confie le Directeur de « Edhec Executive » pôle formation continue du groupe Edhec. Les experts s’accordent à le dire, un certain nombre de cadres qui régissaient les rapports humains au sein des organisations, ont été cassés. Les outils issus du web 2.0 y ont d’ailleurs fortement contribué. « Le fameux café du matin, le déjeuner du vendredi où les pots entre collègues ont été délaissés », note Benoit Arnaud avant d’ajouter « il va falloir dans les prochaines années réinventer des espaces d’échanges capables de réinjecter de l’humain dans l’entreprise ». Les réseaux sociaux peuvent-ils y contribuer s’ils sont conçus intelligemment et au regard de l’impératif collaboratif ? Seul l’avenir nous le dira…
Emilie Vidaud