Le DIF commence à trouver sa place dans les entreprises. Désormais informés – ce qui est en soi une grande avancée – les salariés manifestent leur intérêt pour leur droit à la formation. Mais les refus sont encore importants. Le temps pour les entreprises de parvenir à rééquilibrer leur processus de formation, entre Plan et DIF, besoin collectif et attentes individuelles.
DIF : encore faiblement ancré dans l’entreprise
« Depuis les deux dernières années, on constate que les salariés sont désormais informés. Ce qui n’était pas le cas au début du dispositif. Ils savent ce qu’est le DIF mais les connaissances sont encore faibles sur sa mise en place. Le taux d’utilisation a augmenté, mais ce n’est pas de l’ordre de l’exponentiel », nuance Gaëlle Epremian, experte DIF chez Demos. Le DIF est en effet promu par les RH, mais les managers restent encore frileux. La question du DIF n’apparaît d’ailleurs pas, ou peu, lors des entretiens annuels.
D’après l’enquête Demos, menée d’octobre 2010 à mars 2011, peu de salariés utilisent leur DIF chaque année. Chez 50% des entreprises privées sondées, moins d’un salarié sur 5 a fait valoir son droit. « D’un point de vue quantitatif, le DIF n’a donc pas modifié les taux d’accès en formation. », conclut Demos. Dans le secteur privé, le taux d’acceptation reste faible. Dans la majorité des cas, moins d’une demande sur 5 est acceptée.
Mais ce taux de refus en hausse s’explique aussi par une augmentation du nombre de demandes. Un point positif donc. La majorité des refus est justifiée par la non concordance entre la thématique de la formation demandée et les métiers de l’entreprise. Les entreprises invoquent également la raison budgétaire. « Au plan juridique, la validité de ce motif est douteux, notamment tant que l’entreprise ne consomme pas au moins l’acquis de l’année (20 heures par an et par salarié) », rappelle Demos.
La plupart des salariés qui n’utilisent pas leur crédit DIF invoquent deux raisons : soit ils disent capitaliser, soit ils ne savent pas quelle formation faire. Les formations les plus utilisées en DIF restent le trio habituel : bureautique, langues et développement personnel. Un choix qui révèle, selon Gaëlle Epremian, un manque de connaissance des autres formations possibles. « Ce sont les thématiques les plus simples à identifier pour les salariés », dit-elle. L’experte constate malgré tout une volonté des entreprises d’informer leurs salariés sur ces choix possibles. Mais, d’après l’enquête, peu d’entreprises proposent un catalogue spécifique aux formations pouvant être suivies en DIF : seulement 22% dans le secteur privé. Assez paradoxalement, plus de la moitié des entreprises se jugent plutôt proactives et incitatives en faveur du DIF
Equilibrer Plan de Formation et DIF
« Le DIF devient un outil d’implication des salariés, un outil managérial avec pour objectif la motivation du salarié, dans un contexte de dialogue. C’est aussi un outil pédagogique qui incite le salarié à se concentrer sur ses objectifs professionnels », met en avant Gaëlle Epremian. Pourtant les entreprises ne perçoivent pas encore cet atout. 80% des entreprises considèrent que le DIF n’a pas ou peu contribué à une implication plus forte des salariés dans la formation.
« Si les entreprises ont commencé à se pencher sur le DIF, c’était au départ par obligation légale, poursuit l’experte. Mais certaines ont compris qu’il y a un partage sur la décision de la formation, que le DIF est à l’initiative des salariés. Une co-construction se met progressivement en place, ce qui n’était pas le cas dans le seul cadre du Plan de Formation. » Selon elle, il s’agit pour les entreprises qui forment déjà leurs salariés en interne, de réajuster leur politique de formation, de rééquilibrer l’arbitrage Plan de Formation/DIF.
Dans le secteur privé, les entreprises sondées distinguent le Plan et le DIF principalement en fonction de l’objectif de la formation. D’autres – 33% – les différencient selon que la demande vient du salarié ou de l’entreprise. Demos précise que « ce sont les finalités des formations suivies qui déterminent si la formation relève du DIF ou du Plan de Formation et non le demandeur ».
« Il ne s’agit plus seulement de mettre en place des formations pour répondre aux grandes orientations de l’entreprise, à son besoin de performance. On individualise la réflexion sur la formation », constate Gaëlle Epremian. Dans une réelle logique de gestion des talents et des compétences, l’entreprise va pouvoir proposer à ses salariés des modules complémentaires au Plan de Formation, qui seront réalisés dans le cadre du DIF.
Au-delà de l’obligation légale et de l’évolution professionnelle du demandeur, le DIF est l’occasion de renforcer le dialogue entre manager et managé, de construire un projet commun, de valoriser un climat corporate, de montrer que l’entreprise est à l’écoute de ses collaborateurs.
Typhanie BOUJU