Plusieurs grands noms du monde associatif se sont réunis pour mettre en valeur l’expérience bénévole. Auprès des entreprises d’abord, mais surtout auprès des jeunes eux-mêmes qui n’osent pas toujours – ou ne savent pas comment – faire figurer leur engagement sur leur CV. Témoignages de recruteurs, anciens Scouts de France.
Pourquoi les jeunes ne mettent-ils pas leur expérience bénévole en avant ?
A l’origine de ce mouvement de valorisation du bénévolat : l’AFEV (Association de la Fondation Etudiante pour la Ville), le Comité National Olympique et Sportif Français, la Croix-Rouge française et les Scouts et Guides de France. Les 4 organismes ont mis en ligne un site Internet dédié au bénévolat dont l’adresse est évocatrice : recruterautrement.org. S’il s’agit d’associer les recruteurs à leur cause et de montrer le bénévolat comme une expérience permettant d’acquérir des compétences utiles en milieu professionnel, il s’agit aussi d’encourager les jeunes à s’engager et à le faire savoir auprès de potentiels employeurs.
Les initiateurs de cette mise en valeur, acteurs phares du tissu associatif français, prennent pour exemple le Canada, la Slovénie et les pays nordiques, qui reconnaissent le bénévolat comme « base indispensable à un parcours social et professionnel. Avec des taux d’engagement de près de 40% de la population, il apparaît qu’un profil sans pratique bénévole n’a presque aucune chance d’être retenu pour un poste, quel qu’il soit », écrivent-ils. Une sorte de paradis associatif qu’ils voudraient voir s’étendre à la France. Mais ici, les jeunes bénévoles eux-mêmes n’osent parfois pas mettre en avant cette partie de leur vie. « Ils pensent plus à faire figurer sur leur CV la maîtrise de Word et d’Excel que leur expérience bénévole et utilisent souvent des modèles de CV qui ne laissent pas de place au bénévolat », constate Cécile Fraisse, dirigeante d’un cabinet d’orthodontie. Il y a 7 ans, cette ancienne Scout de France faisait partie d’une commission de la Chambre des Métiers visant à valoriser l’artisanat et le bénévolat. Selon elle, les jeunes scouts craignent l’image véhiculée par ce type de bénévolat en particulier. « Le scoutisme a une connotation religieuse – alors que ce n’est pas un mouvement religieux – que les jeunes n’assument pas. Il est très difficile pour un jeune d’afficher qu’il est scout à cause de cette image », poursuit Cécile Fraisse. Un avis que partage Françoise Benedetti, du cabinet Randstad, une autre ancienne cheftaine. « Certains jeunes bénévoles ont une crainte des préjugés et n’osent pas en parler, dit-elle, notamment chez les Scouts et Guides de France qui ont encore une image vieillotte, une connotation religieuse. »
Ce qui est vrai pour le scoutisme l’est moins pour les autres expériences bénévoles. Là, le constat est un peu plus positif. « Dans les candidatures spontanées que nous recevons, poursuit Françoise Benedetti, les expériences bénévoles apparaissent de plus en plus. Il s’agit souvent d’humanitaire dans le cadre d’une ONG, d’engagement dans une association locale, au sein des Restos du Cœur ou de soutien scolaire. On voit de tout. »
L’expérience bénévole est-elle déterminante pour un recrutement ?
D’après l’enquête menée par les 4 associations, 77% des recruteurs affirment avoir déjà embauché des jeunes ayant mené une activité bénévole. Mais cette activité a-t-elle été le critère déterminant ? « Je pose la question en entretien et cela peut faire la différence. Une personne qui s’est mise, jeune, au service des autres, ça a de la valeur », explique la dirigeante du cabinet d’orthodontie. Mais ce témoignage ne vaut pas généralité. L’étude menée par les 4 associations a montré que l’expérience bénévole, si elle peut peser dans la balance ou ouvrir la discussion entre recruteurs et candidats, n’apparaît pourtant pas comme déterminante dans la phase de sélection. Ce que confirme Françoise Benedetti : « L’expérience bénévole n’est pas le premier critère de sélection d’un CV. Nous recrutons exclusivement sur les compétences. Mais le bénévolat est intéressant pour les entreprises. C’est un véritable atout pour les jeunes et nous les encourageons à mettre cette expérience en valeur ».
Les recruteurs reconnaissent en effet l’atout que représente ce type d’expérience. D’après le testing réalisé par le groupement Recruter Autrement, « 60% des recruteurs considèrent que les jeunes qui ont mené une activité bénévole s’intègrent plus vite dans l’entreprise ». Grâce à son expérience de cheftaine, Cécile Fraisse a acquis des compétences qui lui sont encore utiles aujourd’hui, notamment en termes de gestion de budgets, de projets et de personnes. « J’ai monté ma première entreprise à 25 ans, et je pense que c’est mon expérience du scoutisme qui m’a permis de me lancer, d’oser entreprendre, raconte-t-elle Le bénévole développe son esprit d’initiative et le sens des responsabilités ».
Les compétences liées au bénévolat sont nombreuses et variées. Les jeunes qui ne savent pas comment la mettre en avant sur leur CV trouveront une liste quasi-exhaustive de ces compétences, traduites en jargon professionnel, dans la Déclaration des recruteurs mise en ligne sur recruterautrement.org. Y sont évoquées « des compétences très opérationnelles telles que la conduite de projets, le travail en équipe, la recherche d’informations, la capacité à créer et entretenir un réseau, à coopérer, l’écoute et l’empathie, la gestion du temps et des ressources, la planification et des compétences plus génériques et transversales telles que la réflexivité, la capacité à tenir un cadre, à convaincre, à donner du sens pour soi et pour l’autre, à négocier et prendre des risques, à faire preuve de courage ».
Un dernier conseil, sur la forme, celui de Françoise Benedetti : « Les jeunes en recherche d’un premier emploi n’ont pas encore beaucoup d’expérience. Ils peuvent faire apparaître leur engagement bénévole dans la partie extra-professionnelle de leur CV en mentionnant les compétences et les savoir-faire qu’ils ont développés. Il peut s’agir de gestion de trésorerie, de management à petite échelle, mais aussi de savoir-être ».
C’est une évidence ; avant de pouvoir mettre en valeur de telles compétences, il faut s’engager. La campagne se veut plus qu’informative. On ne peut nier son caractère incitatif. « Engagez-vous », lit-on entre les lignes.
Typhanie BOUJU