La veille stratégique s’évade des sentiers battus par les départements marketing et business développement pour s’insérer dans les cellules RH. Révélatrice de la stratégie de recrutement et donc d’expansion des concurrents, la veille appliquée aux Ressources Humaines permet au service RH de s’éprouver en tant que vecteur de l’image de l’entreprise et de suivre l’actualité d’un métier en constante évolution.
« La DRH est une peau de vache »
Cette petite phrase d’une candidate déçue de son entretien dans une agence d’un groupe financier fait boule de neige. « Pas un sourire, genre militaire », renchérit l’un des utilisateurs du forum. « Odieuse », ajoute un autre qui semble avoir croisé le chemin de cette même DRH.
Certains vont jusqu’à offrir une transcription quasi-intégrale de leur entretien, comme ce candidat au poste de préparateur de sandwichs dans une enseigne de restauration rapide : « Je vois que vous n’avez pas mis de photo sur votre CV, ce n’est pas bien (…) Je vois que vous avez eu plusieurs emplois, vous n’êtes pas stable (…) J’ai beaucoup d’amis qui se sont retrouvés dans votre situation, ils n’ont pas tellement réussi ». Des propos jugés peu opportuns dans la bouche d’un responsable du recrutement. Qu’ils soient rapportés avec fidélité ou exagération, ils sont dans tous les cas gravés sur la toile et entament l’e-réputation de l’entreprise.
Sur le web, notamment sur les réseaux sociaux, « l’image d’une entreprise est souvent associée au respect des salariés, à la vision des gens qui y passent, stagiaire ou candidat », commente Christophe Asselin, consultant en veille Internet chez Digimind. Si ce type de propos a moins d’impact « qu’un climat social délétère », ils restent « gênants », surtout lorsqu’ils apparaissent dans les premiers résultats de Google, inséparables du nom de l’entreprise pendant plusieurs mois.
Les remarques les plus virulentes ont de quoi faire tourner les talons de futurs candidats, potentiels talents… et consommateurs. C’est ce que relève une récente enquête du Groupe SHL, datée de juin 2010 : un quart des 25/34 ans seraient prêts à « boycotter une marque » suite à une mauvaise expérience du recrutement. Preuve en est, le témoignage de cette internaute : « J’ai été dégoûtée par cet entretien d’embauche. C’est terminé. Je ne vais plus y retourner. »
La veille stratégique : outil RH ou marketing ?
« Les veilleurs et autres knowledge workers de l’entreprise passent en moyenne un tiers de leur temps à rechercher des informations sur Internet (in Baromètre des pratiques de veille des grandes entreprises françaises) – et le plus souvent de manière infructueuse », écrit Christophe Asselin dans son comparatif des solutions de veille stratégique (édité par Digimind).
L’activité serait trop chronophage pour être entièrement prise en charge par la cellule RH de l’entreprise. Le partage des tâches, avec le département marketing et communication, permet d’éviter les redondances.
La seule recherche sur des moteurs généralistes, de type Google, ne suffirait pas à couvrir la profusion de sources et de formats. Pour une veille au plus proche de l’exhaustivité, les services de marketing RH font appel à des logiciels ou externalisent le processus.
« L’e-réputation demeure, pour l’instant, l’apanage du marketing et de la communication », précise le consultant Digimind, mais l’outil de veille stratégique a d’autres finalités, distinctement dédiées aux RH : mieux connaître son métier, ses concurrents et ses cibles.
« Les services RH de multinationales nous contactent pour réaliser une veille des métiers et du droit social, des formations, des écoles, des offres d’emploi, aujourd’hui dispersées au-delà des sites dédiés comme Monster ou CarrièreOnline », ajoute-t-il.
Souvent affichée comme prioritaire, la veille des offres d’emploi permet de déterminer les axes de développement des concurrents, selon les pays et les filières dans lesquels ils recrutent, et ainsi d’améliorer la stratégie de l’entreprise.
Typhanie Bouju
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