Dans un contexte de crise et de mondialisation croissante, l’expertise métiers s’impose-t-elle de plus en plus comme un enjeu de performance ? Si la formation a été l’un des leviers majeurs au cours des dernières années, la professionnalisation des métiers semble être le nouvel eldorado des actions engagées par les DRH. Ces derniers y voient, en effet, un moyen efficace de développer le recrutement, la mobilité, la formation classique, les parcours professionnels ou encore de valoriser l’expérience des salariés. Eclairage
Pour Olivier Parent du Chatelet, Associé au sein du cabinet Bearing Point, « professionnaliser, c’est renforcer la structuration des métiers, développer les talents mais aussi l’employabilité sans oublier les enjeux liés à la valorisation financière mais aussi statutaire ». Selon l’étude réalisée par le cabinet Bearing Point en partenariat avec l’IFOP, renforcer la professionnalisation des métiers s’impose comme le nouveau défi des DRH au sein de l’entreprise. A la question, pourquoi professionnaliser, les DRH interrogés affirment que cette démarche répond à 43 % à la nécessité de sécuriser certains profils. Les enjeux liés à la productivité sont, également, cités à 35 %. « Les métiers de l’entreprise sont un véritable facteur de compétitivité et fondent la spécificité de l’organisation ainsi que son identité », souligne Olivier Parent du Chatelet.
La professionnalisation des métiers serait donc chevillée à des enjeux de compétitivité, de transmission des compétences mais aussi de rétention des talents. « Si l’on devait faire une métaphore, la gestion des métiers pourrait être comparée à un couteau suisse. Elle permet, en effet, de projeter l’évolution des métiers mais aussi de préparer et anticiper l’avenir de l’organisation. Il s’agit également d’un formidable outil de dialogue avec les partenaires sociaux », précise Nathalie Blaize, Responsable du Centre de référence RH « Filières, Métiers et compétences techniques » du groupe PSA.
Professionnaliser, c’est structurer les métiers et développer la mobilité
Selon l’étude Bearing Point-IFOP, 30 % des démarches de professionnalisation lancées par les DRH l’ont été pour faire face aux changements et à la transformation des métiers. « L’entreprise découvre progressivement qu’elle a perdu des compétences suite aux départs massifs en retraite. Elle se trouve aujourd’hui confrontée à des problématiques sur la transmission de ces dites compétences ? », souligne Florence Osty, Chercheuse au Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE).
Aujourd’hui, 25 % des DRH attendent donc, des démarches de professionnalisation engagées, qu’elles structurent les métiers. C’est notamment le cas du groupe L’Oréal comme l’explique Eric Mellet, Directeur du développement et de la formation commerciale chez l’Oréal Produits Professionnels*. « Chaque année, nous avons au niveau mondial un turn-over de 25 % de nos effectifs commerciaux. Cela amène à se poser un certain nombre de questions parmi lesquelles : comment accueillir les nouveaux ? Comment donner des perspectives de carrière ? Comment optimiser la performance liée aux métiers ? Chez L’Oréal nous formalisons notre démarche métiers notamment au travers du Knowledge Management, qui permet d’accompagner le changement et la transformation des métiers. Un moyen efficace pour retenir nos talents ».
A noter par ailleurs, que 62 % des DRH interrogés voient dans la professionnalisation l’un des leviers phares du développement de la mobilité. En effet, dans un contexte où la plupart des grandes entreprises sont dans l’obligation de s’internationaliser 20 % des DRH déclarent qu’il est aujourd’hui nécessaire d’assurer la montée en compétences des collaborateurs à l’international. Selon Olivier Parent du Chatelet, Associé chez Bearing Point, « les modèles organisationnels des entreprises deviennent de plus en plus matriciels et transversaux. Les entreprises sont soumis à un impératif d’internationalisation et doivent de ce fait, développer des pratiques de mobilité. La professionnalisation apparaît tout indiquée ».
Accompagner la carrière, fidéliser et valoriser les collaborateurs
Pour Nathalie Blaize du groupe PSA, « la gestion des compétences est un enjeu majeur pour accompagner les salariés dans l’évaluation de leurs carrières. Ces derniers obtiennent, en effet, davantage de visibilité, développent leurs compétences et renforcent ainsi leur employabilité ». Le besoin d’appartenance et d’identité professionnelle des salariés constitue, en effet, un nouvel enjeu pour plus de 20 % des DRH interrogés, tout comme la valorisation des métiers (25 %). « Il faut profiter des logiques de professionnalisation pour apporter une réponse au besoin de valorisation et d’adhésion des salariés particulièrement dans un contexte où les entreprises doivent faire face à des problématiques ayant trait au mal-être au travail », insiste Olivier Parent du Chatelet.
Les salariés trouvent, en effet, dans les démarches de professionnalisation engagées au sein de leur entreprise, une forme de valorisation individuelle. C’est là toute la question du sens et de la reconnaissance des métiers comme le confirme Florence Osty, « c’est quand le travail ne fait plus sens que la notion de métier est convoquée par les DRH ». Pour le Colonel Francis Pollet, conseiller RH du cabinet militaire et Adjoint air du ministre de la Défense, « il y a depuis quelques années une vraie demande de visibilité sur les métiers de la part des nos collaborateurs. C’est la raison pour laquelle, nous organisons des parcours métiers afin d’offrir des perspectives de carrières. Nous répondons ainsi aux problématiques liées aux besoins réels d’attractivité et de fidélisation ».
D’ailleurs, 82 % des DRH considèrent que les démarches de professionnalisation sont l’une des conditions d’amélioration de la gestion des carrières. « Suite à la mise en place du dispositif d’évaluation du stress de nos collaborateurs, nous avons constaté que ces derniers manifestaient un besoin croissant : celui de se projeter et d’avoir de la visibilité sur leurs parcours et le développement de leurs carrières. Pour répondre à ces demandes, nous avons mis en place un portail intranet répertoriant les 113 métiers présents dans le groupe. Ce dernier est accessible par l’ensemble des collaborateurs », explique Nathalie Blaize du groupe PSA.
La professionnalisation, une démarche et un défi complexe pour le DRH
« Bien que près de la moitié des DRH estiment que l’ensemble des métiers devrait être professionnalisé, seules 45 % des fonctions de support ont été ciblées par ce type de démarche », indique Olivier Parent du Chatelet avant d’ajouter que « les démarches de professionnalisation engagées jusqu’à ce jour ont principalement répondu à des enjeux court terme, tels que l’évolution des compétences et des métiers, la sécurisation des expertises ou encore la structuration des nouveaux métiers ».
Selon les experts, il semblerait donc que la professionnalisation des métiers soit teintée d’une certaine complexité et ce, pour trois raisons majeures. Premièrement, cette démarche doit articuler les politiques RH entre elles. Deuxièmement, elle implique pour les DRH de trouver une cohérence et un équilibre entre les politiques RH appliquées et la mise en œuvre au niveau des métiers. Enfin, la professionnalisation ne peut se cantonner aux frontières de l’entreprise et se doit d’être développée au niveau global.
Au regard de ces observations, il semble donc que le défi réside dans la capacité que les DRH auront à intégrer une démarche de suivi de performance de la professionnalisation. Un vaste chantier RH qui impliquera, à terme, la mise en place d’un certain nombre d’indicateurs business.
Emilie Vidaud
*Structure B2B2C de l’Oréal