Performance collective d’un côté, prévention des risques psychosociaux de l’autre.
De nombreux DRH séparent encore les deux sujets, or, ils sont intimement liés. Agir selon cet axiome suppose un travail sur les processus de l’entreprise, qui doivent être vecteurs du sens collectif, et sur le rôle du manager, qui devient un acteur de la qualité de vie au travail.
Le lien entre la performance collective et la prévention des risques psychosociaux (RPS) ? « Une évidence », pour Éric Josso, consultant RH et dirigeant d’Ocean Partner Consulting, mais pas pour de nombreux DRH « qui séparent encore les deux sujets ». Pour mieux saisir l’évidence, rappelons certains constats : dans les cas de burn-out, (burn-out comme maladie professionnelle) de suicide, le plus souvent, la personne était isolée ; on note une perte de repère et de lien, un lien qui, en entreprise, passe par l’appartenance à une équipe.
En faire partie intégrante, on le sait, minimise les risques de « solutions » extrêmes et ce d’autant plus qu’on se trouve non pas dans un groupe d’individus, comme le sont bien des équipes, mais dans une équipe « performante ».
Cette dernière est reconnaissable au fait qu’elle permet de faire se rejoindre sens collectif et sens individuel, de développer la solidarité et la confiance. « C’est sous l’impulsion du manager qu’une équipe devient performante, un manager leader qui apporte un climat favorisant la coopération de tous, ce qui permet la limitation du stress et donc des risques psychosociaux », développe-t-il.
Une entreprise pour quoi faire
Le sens du collectif est une histoire d’hommes et de femmes mais également de processus d’entreprise. Actuellement, comme le remarque Vincent Rostaing, fondateur de Le Cairn 4 IT et spécialiste de l’optimisation du cycle de vie professionnel, « on a l’impression que dans une majorité d’entreprises, sauf dans celles qui ont une marque forte, il n’y a pas de logique collective, les collaborateurs ont des objectifs individuels et on se demande à quel moment on s’est arrêté de penser collectivement ».
Lorsqu’on analyse les processus de ces entreprises, l’absence de « raison » « sociale » stricto sensu, c’est-à-dire sa raison d’être, son rôle au sein de la société, ressort régulièrement, comme si au fil du temps le dirigeant avait oublié pour quoi il avait « le feu sacré ». Dans ces conditions, il lui est difficile de transmettre sa vision, une orientation, du sens.
Un des ingrédients nécessaires à la performance collective est de retrouver le sens de cette raison sociale, de rappeler que l’entreprise a un rôle à jouer dans la société, selon la vision de son créateur. « Cette vision va permettre de créer du lien entre les collaborateurs, et au-delà du lien, de la logique d’équipe ; tous portés par le même objectif, chacun sait dans quel sens ramer pour faire avancer l’entreprise », poursuit-il.
Par ailleurs, notre société connaît depuis plusieurs années une montée de l’individualisme et l’entreprise n’échappe pas au phénomène. Dans ce contexte, « comment remettre une dynamique d’objectifs communs ? », questionne Éric Josso, tout en nuançant car si l’on assiste à une explosion de cas où les salariés se sentent malheureux au travail, d’autres, « de par leur travail, leur statut, ont repris confiance en eux ».
Rendre le manager acteur de la qualité de vie au travail
Lorsqu’une entreprise se lance dans une démarche de prévention des RPS, un diagnostic est réalisé par un organisme agréé auprès du CHSCT, diagnostic à partir duquel un plan d’action est élaboré. L’étape suivante est de faire appliquer ce plan. Actuellement, si les entreprises sensibilisent globalement aux risques psychosociaux et sont mûres sur ce point qui consiste à informer, très peu se sont engagées sur la voie de la formation des managers sur ce sujet. Une autre étape consiste donc à aider ces derniers à identifier le risque au sein de leurs équipes.
« Rendre une équipe performante suppose d’accompagner le changement de comportements sur la base du plan d’action des entreprises, il s’agit notamment de rendre les managers acteurs de la prévention, de faire en sorte que les individus se connaissent mieux », explique Éric Josso. Cela passe par un diagnostic des douze qualités de l’équipe performante, afin de connaître la perception de chacun, un diagnostic que ce médaillé en championnats d’Europe d’athlétisme a élaboré à partir des ressources du monde sportif et qui permet de dégager deux axes de travail : la cohésion ou la structuration de l’équipe. « Il s’agit d’un parcours comportemental, qui s’effectue lors de séminaires et/ou d’actions sur l’eau ou en salle de sport, et qui s’imbrique dans un travail sur les processus de l’entreprise », précise-t-il.
Pour construire une logique d’équipe, afin de gagner en performance et en qualité de vie au travail, on s’appuie sur trois piliers : le sens (de la vision et de l’action), l’envie (de porter le maillot d’une équipe), la capacité (l’entreprise doit s’assurer que les collaborateurs ont les moyens d’atteindre les objectifs). Et l’on mise plus sur la notion de leadership que de management. « On responsabilise chacun dans l’équipe, on favorise la prise d’initiative et la sortie des schémas préétablis, on obtient ainsi de l’implication et de la motivation », souligne Vincent Rostaing. Autrement dit, quand on est entraîné dans une spirale d’équipe, on oublie ses petites misères quotidiennes, on tient à distance le stress.
L’état d’esprit du dirigeant, condition du succès de la démarche
Idéalement, au-delà des managers, ce sont tous les collaborateurs qui doivent être acteurs de la qualité de vie au travail. Mais sans l’impulsion du dirigeant, sans son exemple, tout plan, projet, discours peuvent rester lettre morte. « À lui, ou à l’équipe dirigeante dans les grands groupes, de fixer le cap, d’installer de la cohésion, des espaces d’écoute… Ce sont des questions d’arbitrage, les entreprises qui décident que la prévention des RPS est importante pour elles déclenchent ce type de formation pour leurs managers », pointe Éric Josso. Quant aux RH, ils sont garants de l’intérêt d’aller sur ces sujets et en tant que conseils aux opérationnels, ils doivent les inciter à y aller aussi. Développer un langage managérial commun, focaliser sur les éléments positifs de succès, cela se traduit en termes de bénéfices.
Sophie Girardeau