La Génération Y arrive sur le marché de l’emploi et présente de nombreuses caractéristiques bien particulières. Alors doit-on la manager de manière spécifique ou doit-on changer le style de management parce que la société a évolué et avec elles toutes les générations ? Ce nouveau style de management ne répond-il pas également aux attentes non exprimées des baby-boomers et des X ?
My RH Line a rencontré Evelyne Potier, Directeur associé, Master Training Development.
La génération Y est différente à manager. Pourquoi ?
Il y a en France, de la souffrance au travail. Les générations précédentes, Baby boomers et génération X, ont subi, au travail, des choses qu’elles n’ont pas aimées. Et elles n’ont pas toujours été motivées non plus, mais l’acceptaient.
Des études récentes montrent, que la France est le pays où les salariés sont les moins heureux au travail et les managers de proximité aussi. C’est étonnant. Elle est aussi avant dernière en matière de management.
« Je pense que nous avons de vrais problèmes de management », explique Evelyne Potier, Directeur associé, Master Training Development. « Nous sommes dans un pays où nous avons l’habitude d’être gouvernés par un chef. Pour nous, le management se résume à un chef et avec la génération Y, il y a une vraie rupture par rapport à cette conception. »
« Pour comprendre les différences entre les générations, il est nécessaire d’en redonner la définition », indique Evelyne Potier.
« Une génération est un groupe d’individus qui partagent, dans un contexte donné, économique et social, la même histoire. Cela veut dire que chaque génération est marquée pour la vie par les expériences vécues dans sa jeunesse. » D’où l’importance de ce qu’ont vécu les parents.
"Nous sommes dans un pays où nous avons l’habitude
d’être gouvernés par un chef"
Trois générations, Baby boomers, X et Y, se retrouvent au travail en même temps.
« Les Baby boomers ont été élevés par des parents ayant vécu des guerres successives. Le contexte d’éducation est léger, c’est l’après guerre, un peu la fête. C’est le début de la consommation également, il y a le plein emploi, on peut quitter une entreprise du jour au lendemain sans problème. Les travailleurs de cette génération croient dans la réussite sociale, mais il n’y a pas de « jeunes loups » car il y a de la place pour tous.
Ils respectent les institutions, et font preuve de loyauté envers l’entreprise.
La Génération X, quant à elle, évolue en pleine crise économique. C’est le début de la révolution technologique et des désillusions. Cette génération est individualiste, et commence à se méfier des institutions. De tout cela découle un désir d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
Arrive la génération Y, celle des clés autour du cou ou des orphelins de 16h (car leurs parents n’étaient pas présents lorsqu’ils rentraient de l’école). Ils ont connu la mondialisation, le chômage, la précarité de l’emploi, l’accélération technologique, internet, les réseaux. Ils vivent dans la culture de l’éphémère, et ont une vraie volonté d’indépendance et exigent le respect de leurs droits. Ils connaissent depuis le début l’insécurité et depuis le début, ils ne comptent que sur eux.
Pour eux, le monde de l’entreprise, c’est travailler moins et mieux.
Caractéristiques
Avec l’arrivée de la génération Y, on assiste à une rupture. « Elle est moins violente qu’après 68, mais il faut la prendre en compte car elle est belle et bien présente. »
Cette génération représente la culture de la méfiance, aussi bien par rapport aux institutions que par rapport aux adultes en général. « En effet, ils ont vu leurs parents investis dans leur travail se faire licencier sans remerciement » explique Evelyne Potier.
« En réaction, leur comportement peut se résumer par travailler moins, mais mieux. Ils ne veulent pas perdre leur vie à la gagner et sont exigeants du respect de leurs droits, qu’ils font, d’ailleurs souvent passer avant leurs devoirs… »
Particulièrement indépendants, ils ont du mal à supporter qu’on leur dise quoi faire. Cela est évidemment lié à leur éducation et au fait qu’ils ont dû apprendre à se débrouiller seuls de part l’absence de leurs parents, dévoués au travail.
Une vraie rupture s’opère avec l’arrivée de la Génération Y
Ils sont capables de traiter plusieurs choses en même temps. « Ils sont avec leurs écouteurs, leur portable…. et cela énerve beaucoup leurs managers », assure le Directrice de Master Training Development.
Ils sont individualistes mais pas égoïstes. « On les appelle, d’ailleurs, les surfeurs, car ils ne comptent que sur leur petite planche ». Ils ne comptent donc que sur eux et leur réseau.
Leurs priorités personnelles peuvent passer avant le travail.
« Y, en anglais, se prononce Why. C’est la génération pourquoi. Il faut donner du sens à leur travail et s’intéresser à eux. C’est le seul moyen de leur faire comprendre qu’il faut respecter des règles, comme les horaires, par exemple. Et sont également soucieux d’avoir un management qui les encourage et les soutienne. »
"Les Y ne veulent pas perdre leur vie à la gagner"
Pour la première fois, une génération a du pouvoir face aux patrons. En effet, ils maîtrisent les nouvelles technologies et cela leur donne un réel pouvoir face aux dirigeants des générations précédentes. De plus étant sceptiques quant à la valeur à donner aux diplômes, ils ne respectent que les compétences. Cela pose problème avec les patrons, souvent sortis de Grandes Ecoles.
Préoccupés par leur apparence, ils réclament le droit à la différence.
Lucides, ils cherchent à établir des rapports contractuels donnant-donnant. La culture d’entreprise n’existe pas pour eux, ils savent en effet qu’ils vont devoir exercer plusieurs métiers et passer par plusieurs organisations.
Malgré le climat social dans lequel ils ont été élevés et celui dans lequel ils évoluent, ils gardent une vision positive de l’avenir. Beaucoup plus que les générations précédentes. Nés dans la crise, cela fait partie de la donne pour eux et ne les inquiète pas plus que cela.
Attentes spécifiques des Y
« Pour cette génération, le travail n’a pas d’intérêt s’ils n’en perçoivent pas la finalité. L’intérêt du poste doit susciter la mobilisation et ne pas être constitué de tâches monotones. »
Les conditions de travail (une bonne ambiance, des horaires souples…) sont également primordiales pour les moins de 30 ans.
Ils souhaitent avoir face à eux un management accessible, compétent et reconnaissant des efforts fournis. Mais pour reconnaître un effort, encore faut-il que le manager sache ce que la personne a fait. Le management ne s’y intéresse pas assez et à tendance à ne tenir compte que des résultats.
Attentes communes et différences avec les générations précédentes
Les différences entre génération sont donc évidentes.
La génération Y a un comportement plus opportuniste et est nettement moins soumise à l’autorité que ces prédécesseurs. Ils souhaitent également pouvoir s’amuser en travaillant.
Mais tout comme les autres générations, ils souhaitent que leurs efforts soient reconnus. « Tout le monde en a besoin. C’est le besoin fondamental de l’être humain, d’apporter sa contribution et de savoir à quoi l’on sert. La différence tient au fait que s’ils ne trouvent pas cela dans l’entreprise, ils iront le chercher ailleurs. »
Enfin, pour tous, le travail lui même est un facteur de motivation. Tous demandent également des responsabilités, de la promotion et un salaire décent.
Vers un nouveau mode de management ?
« Les jeunes » n’attendent pas que le manager soit meilleur qu’eux, d’ailleurs sur le plan technologique, cela n’est pas vrai. « Le manager doit renoncer à montrer l’exemple et privilégier la dimension humaine à l’expertise technique. Remplacer l’autorité par la concertation.
Le « nouveau management » nécessite également de savoir faire preuve d’exemplarité dans les comportements. Face à cette génération, le manager ne peut pas dire quelque chose et faire le contraire », assure Evelyne Potier.
« Les nouveaux managers devront également, pour entourer efficacement leurs équipes, respecter trois règles d’or :
-Proximité : savoir ce qu’ils font et comment ils le font et échanger de façon approfondie et régulière sur leur travail.
-Personnalisation : s’intéresser sincèrement à eux et penser que derrière le collaborateur, il y a une personne.
-Organisation : favoriser les relations interpersonnelles et limiter la monotonie du travail et former.
Evelyne Potier conclue en déclarant que « le salarié moderne même s’il n’est que locataire de son emploi et l’entreprise locataire de son talent revendique d’être propriétaire de ses vies multiples et de sa carrière. »
Anne-Sophie Duguay
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