Dans un contexte économique difficile, de nombreux chefs d’entreprise s’interrogent sur un changement des modèles d’organisation et des processus de management. Et si l’Holacraty basé sur l’autorité distribuée était une réponse ? Rencontre avec Bernard Marie Chiquet le fondateur de la société IGI Partners, accompagnateur officiel de la stratégie de management appelée Holacracy.
Pouvez-vous nous présenter ce qu’est l’Holacraty et en quoi ce nouveau système de management est novateur ?
L’Holacracy a vocation à réinventer le monde du travail. Elle tend à traiter parallèlement son organisation, le management, les relations humaines et la relation de l’individu au travail. Si l’on part sur le management, la référence de base est le taylorisme, il y a ceux qui décident et ceux qui exécutent. Un mode pyramidale qui marque bien la différence des espaces. L’Holacraty est une méthode radicalement différente basée sur l’autorité distribuée. Dans un système classique, conventionnel on veut donner l’illusion que le manager pense à tout. C’est un leurre. Avec l’Holacraty chacun fait face à sa fonction et aux responsabilités qu’elle implique, comme un manager. Il s’agit de définir précisément les rôles de chacun dans l’entreprise et une fois ces rôles appropriés de déléguer le pouvoir. Chacun a donc son territoire et est le leader de son propre périmètre de travail. Les autres sont donc amenés à être des suiveurs par rapport aux décisions prises dans le cadre de chaque fonction et réciproquement. Par le biais de ce nouveau système, chacun a toute autorité dans ses rôles. Il n’y a donc plus à proprement parler de management des hommes.
Le manager disparait donc de ce système ?
Non, puisqu’à la base le manager a pour missions principales d’affecter des ressources, de définir des priorités et de mettre en place des stratégies. Or dans les faits il passe essentiellement son temps à faire de l’arbitrage. La plupart du temps le système de délégation, mal défini, ne fonctionne pas et le manager n’a pas le temps d’accomplir le travail de fond inhérent à sa fonction. Dans son entourage, les autorités n’étant pas clairement déterminées, ses collaborateurs le sollicitent en permanence, pour avoir son aval. Quand il ne s’agit pas d’arbitrage, il passe alors le reste de son temps à anticiper, à penser et à mettre sur pied des restructurations. Cela prend du temps, cela coûte de l’argent et crée bien souvent de multiples tensions qu’il doit là encore gérer. A cela s’ajoute la schizophrénie du manager puisqu’il doit à la fois rendre des comptes à ses supérieures hiérarchiques et aux équipes qu’il encadre. Avec l’Holacraty, le manager garde ses fonctions d’origine et s’appuie, tel un processus, sur ce nouveau système d’organisation.
Comment est né ce système et a-t-il fait ses preuves ?
L’Holacraty est le fruit d’une expérience réalisée entre 2001 et 2006, aux Etats-Unis, dans une société en informatique baptisée Ternary Software. La direction de l’entreprise a expérimenté en continu de nouvelles méthodes d’organisation, de façon pragmatique, en conservant ce qui fonctionnait et en évacuant ce qui ne marchait pas. Au fil des années, et après avoir progressivement fixé ses propres règles, l’entreprise a vu ses résultats s’envoler. Maintes fois primés pour leur système de management qu’ils ont baptisé Holacraty, ses fondateurs ont alors créé la société HolacracyOne pour permettre à cette pratique émergente de poursuive son évolution. Aujourd’hui une quarantaine d’entreprises au Etats-Unis, en France et en Belgique fonctionnent avec l’Holacraty. Outre-Atlantique, la société Whole Foods qui emploie 60 000 personnes, utilise ce nouveau système organisationnel. Il est également appliqué au cœur même d’un département de la Défense aux Etats-Unis. Plus près de chez nous, nous l’avons notamment mis en place dans une agence de communication, une société de transport. Nous avons aussi travaillé avec la direction commerciale de Castorama…
Comment se met-il en place ?
Il y a des règles du jeu qui sont définis clairement dans un document d’une trentaine de pages appelé la constitution de l’Holacraty. Si un chef d’entreprise souhaite appliquer ce nouveau système d’organisation, il doit donc adopter formellement cette constitution. L’Holacraty consiste en la mise en œuvre d’un process extrêmement strict et rigide donc le but est d’amener par la suite une réelle souplesse et fluidité. Il repose notamment sur la mise en place de deux types de réunion. La réunion de gouvernance, à raison d’une fois par mois, est centrée sur l’organisation. Axée sur le "qui décide quoi", elle permet de supprimer les problèmes généralement issus du flou entretenu. La réunion opérationnelle, hebdomadaire, est destinée à coordonner les membres de l’équipe pour la semaine et à mettre en lumière tous les problèmes qui entravent la progression des projets. Le respect de ce process confère à l’organisation une nouvelle agilité et une capacité d’adaptation accrue : c’est le pilotage dynamique.