L’essor du e-Learning n’a pas eu lieu dans les proportions espérées à sa création. La maturité des technologies, l’acculturation des entreprises au concept et au digital, l’essor du collaboratif pourraient bien changer la donne même si des freins, notamment culturels, demeurent.
Le e-Learning représente une part mineure des plans de formation (entre 10 et 15% selon Place de la Formation) mais « sa progression reste élevée : 15% par an », nuance Jérôme Bruet, CEO de e-doceo, éditeur de logiciels de blended Learning (formation en présentiel et à distance).
Des vertus additionnelles et organisationnelles
Pour certains, le fort traditionalisme du domaine de la formation et sa complexité – une complexité pointée par le Président de la République lors de sa visite à Blois le 4 mars 2013 – expliquent les ratés du e-Learning. D’autres rappellent qu’il n’a pas vocation à remplacer le présentiel. « Le concept a deux grandes vertus : l’une, additionnelle et organisationnelle, l’autre de création d’actions inédites », explique M. Bruet. Ainsi, quand une entreprise prévoit une action présentielle dans trois mois, elle peut commencer à amorcer une action de formation en amont grâce au e-Learning. Et une fois la formation passée, on peut l’utiliser en piqûre de rappel. Ou encore, un module léger de e-Learning remplacera avantageusement la note d’information que personne ne lit dans le cas d’un changement de procédure au sein de l’entreprise, changement qui ne demande pas une journée de formation pour être assimilé.
Des freins culturels et technologiques
Au conformisme du domaine de la formation, à la complexité de son système, à sa lourdeur (tant de monde à mobiliser et coordonner pour mettre en place la moindre action de formation : entreprise, organisme formateur ou école interne, organisme collecteur, bénéficiaire), à sa vocation uniquement complémentaire, ajoutons un autre frein au développement du e-Learning : le goût pour la convivialité du présentiel. « Mais quand on sait que 30% du contenu est mémorisé en présentiel, la question de l’efficacité se pose », souligne Jérôme Lesage, PDG fondateur de Place de la Formation, premier CSP collaboratif dédié à la formation professionnelle. Et quand les solutions de formation à distance ne tiennent pas leurs promesses en termes d’ergonomie, de facilité d’accès, de vitesse de connexion, c’est du bout des doigts – évidemment – qu’on touche au e-Learning.
L’acculturation des entreprises au concept
Sa progression, si elle est plafonnée, peut néanmoins bénéficier aujourd’hui de l’acculturation des entreprises au concept. « On est en train de vivre ce qu’on a vécu dans d’autres cycles de la formation, comme à l’époque de l’externalisation de la création des slides PowerPoint. On a d’abord considéré que la création d’un module de e-Learning est du ressort d’un prestataire externe mais les formateurs commencent aujourd’hui à les créer eux-mêmes et la tendance va s’accélérer », explique Jérôme Bruet.
Cette tendance, qui présage une meilleure appropriation des outils par les formateurs, palliera-t-elle une lacune que pointe Jérôme Lesage ? « En tant qu’offre de formation, le e-Learning, comme le blended Learning, n’est pas attractif car il n’est pas accompagné. Pour développer ces façons d’apprendre, il faut que les organismes apportent une solution accompagnée », préconise-t-il.
Valoriser et modéliser ce qui fonctionne pour changer la perception du e-Learning
Tous les sujets ne se prêtent pas au e-Learning et selon les publics, les solutions sont plus ou moins bien adaptées. « Il faut donc également que les prestataires effectuent un travail de proximité vis-à-vis des responsables formation, pour élaborer des modules attractifs et efficaces selon les populations et les sujets. Et, petit à petit, valoriser ce qui fonctionne et le modéliser. Ainsi on pourra faire évoluer la vision du e-Learning en entreprise », poursuit M. Lesage.
Dans le domaine de la formation bureautique par exemple, la progression du e-Learning s’articule, selon Xavier Sillon, président et cofondateur de Vodeclic, éditeur de solutions de formation en bureautique en ligne, autour de trois enjeux clef : « L’utilisateur doit pouvoir se former sur ce qui le préoccupe lui, il sait au quotidien ce dont il a besoin. Il doit aussi pouvoir se former à son rythme et enfin, il faut qu’il ait accès à la formation quand il en a besoin, grâce à une solution qui fonctionne sur n’importe quel terminal (PC, tablette, Smartphone…). » Le hic en bureautique c’est qu’on persiste à reproduire en e-Learning ce qui est fait en présentiel « alors qu’on n’a pas besoin de présentiel sur ce sujet », ajoute-t-il.
Enfin, il y a dix ans, les salariés n’avaient pas envie de se former avec des solutions qui ne fonctionnaient pas, ou mal, aux ergonomies peu séduisantes. En 2013, le e-Learning peut espérer bénéficier des évolutions technologiques pour développer son attractivité.
Sophie Girardeau