Depuis plus de 15 ans, les systèmes décisionnels pour les ressources humaines ont été au centre de nombreuses annonces de la part des éditeurs RH. D’ailleurs, ils sont régulièrement cités comme une priorité par les DRH. Mais combien d’organisations disposent réellement aujourd’hui d’un décisionnel RH centralisé, en particulier autour de leur GTA ? Et comment expliquer que les déploiements soient si longs ?
Décisionnel RH, nous aurait-on menti ?
Comme évoqué plus tôt, la mise en place d’un décisionnel RH revient régulièrement dans les priorités des DRH depuis plusieurs années. En général, cela s’inscrit même dans le top 3 des priorités de la fonction RH.
Mais en réalité, combien d’entreprises disposent-elles d’un vrai système décisionnel RH en 2025 ? Probablement très peu, et c’est même très difficile à mesurer. Après tout, une PME qui fait des statistiques RH avec Excel peut considérer qu’elle fait du HR Analytics.
En fait, il faudrait déjà être capable de définir ce qu’est un décisionnel RH, à quels usages il est destiné, et avec quels outils.
Il est déjà très difficile de savoir combien d’organisations utilisent leurs données RH pour améliorer leurs performances. Sur ce point, certaines études parlent de 22 %, d’autres de 70 %. On peut ici faire dire n’importe quoi aux chiffres.
Ainsi, on ne sait pas vraiment combien d’organisations disposent réellement d’un système d’information centralisé consolidant toutes leurs datas RH, à des fins d’analyse et de prise de décision RH.
Le chiffre serait probablement très variable suivant la taille des entreprises et le secteur d’activité.
Mais dans tous les cas, il serait très faible. On peut le deviner au travers d’une étude de HR Com de 2023-2024 dans laquelle, comme je le disais, seulement 22 % des répondants indiquent que leur organisation est efficace ou très efficace pour exploiter les données RH. Et encore, le panel est composé très majoritairement de moyennes et grandes entreprises.
Les freins à la mise en place d’un décisionnel RH
Frein 1 : La difficile intégration des données
Les SIRH sont la plupart du temps basés sur différents logiciels :
- logiciel de paie ;
- logiciel gestion des temps et des activités (GTA) ;
- logiciel de recrutement ATS ;
- logiciel de gestion des compétences ;
- logiciel de suivi de carrière, etc.
Ils peuvent aussi être différents entre les filiales et les entités d’un groupe. Alimenter un système décisionnel RH suppose donc de fusionner des données non normalisées et de sources très diverses. Or, ce travail de structuration des informations est très coûteux dans un projet de décisionnel RH. Il peut représenter jusqu’à 80 % du coût d’un projet global de BI. Et, surtout, il peut prendre des mois, voire des années, et nécessiter des budgets colossaux.
Frein 2 : La confrontation des données métiers et des données RH
Si l’on en croit l’étude d’HR Com, seulement 23 % des entreprises parviendraient à consolider leurs données business et leurs données RH. Sans ces données business, le décisionnel RH se limite le plus souvent à un simple reporting, mais ne permet pas de croiser données RH et indicateurs de pilotage d’entreprise.
Frein 3 : Le sous-équipement en spécialistes capables de faire parler les données
On estime qu’il y a des équipes d’analystes de données RH dans 70 % des grandes entreprises. Mais ce chiffre est nécessairement bien plus faible dans les ETI et probablement proche de zéro dans les PME. S’y ajoute aussi la nécessité d’avoir des experts capables de déployer des outils d’analyse pas toujours aussi simples que leur interface utilisateur le laisserait supposer.
Au final, si l’on prend en compte ces différents critères :
- capacité à structurer les données RH,
- possibilité de les confronter au données business,
- disponibilité des spécialistes pour faire parler les données et faire un peu de prédictif,
Eh bien, il est probable que le nombre d’entreprises françaises disposant d’un décisionnel RH n’atteigne que quelques % de nos PME, ETI et grands groupes.
Paie et GTA : les parents pauvres du décisionnel RH
Il serait intéressant de ressortir les présentations faites il y a 10 ou 15 ans. On est en complet décalage entre la croissance estimée et ce qui fonctionne réellement aujourd’hui. Dernier point, l’étude HR Com montre que la GTA et la paie sont les parents pauvres du décisionnel RH pour les entreprises qui en possèdent un.
Cela montre une fois de plus que l’innovation IT n’est pas qu’une question d’outils.
Innovations IT et Ressources Humaines : toujours plus long qu’annoncé
En effet, les innovations IT mettent toujours du temps à se transmettre à la sphère RH. En toujours cas, plus que ce qui est généralement annoncé dans les colloques où l’on parle beaucoup sans toujours bien mesurer le travail que cela nécessite en amont.
Les systèmes d’information décisionnels RH en sont la meilleure illustration. Annoncés à grand fracas par les éditeurs de BI il y a plus de 15 ans et cités comme une priorité par les DRH, la réalité opérationnelle semble toute autre. Et l’on en revient ainsi à la question : combien d’entreprises ont réellement une BI RH centralisée et en production aujourd’hui ?
En pratique, on a le plus souvent oublié qu’avant de se pencher sur le décisionnel, il fallait déjà normaliser les outils et structurer tant les données que les processus RH. Quand on est une grande entreprise avec 3 ou 4 solutions de paie, 5 ou 6 GTA différentes, des outils de GRH par dizaines dans les sites, on imagine sans peine le travail et les budgets nécessaires avant d’arriver à un décisionnel centralisé.
Des systèmes d’information RH hétérogènes
Première difficulté pour mettre en place le système d’information décisionnel RH : l’hétérogénéité des briques qui le composent. La fonction RH a identifié ce problème de longue date, car des études faites il y a plus de 10 ans montraient que plus de 70 % des décideurs RH préféreraient choisir une solution RH globale du même éditeur plutôt que d’empiler des briques hétérogènes en provenance de plusieurs fournisseurs.
Mais il y a la réalité. À partir d’une installation « from scratch » et d’un changement de tout le SIRH d’un coup en s’appuyant sur un ERP RH complet, la plupart des organisations doivent composer avec un parc existant et des moyens limités, tant humains que financiers. Il est donc très rare de voir un déploiement global d’une solution RH unique incluant paie, GTA et les différentes briques de la GRH (recrutement, onboarding, entretiens, etc.).
C’est encore plus vrai en France, où la complexité réglementaire est telle que les entreprises doivent le plus souvent choisir des solutions « best-of-breed » pour avoir des fonctionnalités qui répondent à leurs contraintes, surtout dans le domaine administratif RH (paie et GTA notamment).