Formation, sous-traitance, arrêts maladie, allocations chômage… Le gouvernement a dévoilé un projet de loi contre la fraude sociale. Plusieurs mesures annoncées qui, si elles sont adoptées, pourraient avoir un impact direct sur l’environnement socio-économique des entreprises et, surtout, la conformité.
Dans le cadre du plan de redressement des finances publiques, le gouvernement s’est penché sur la question de la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Objectif annoncé : générer 2,3 milliards d’euros supplémentaires dès 2026, en doublant la détection de la fraude d’ici 5 ans.
Pour porter cette ambition, Catherine Vautrin a présenté les différents axes d’un projet de loi visant à renforcer la détection des fraudes, durcir les sanctions et favoriser un meilleur recouvrement des indus. Décryptage des mesures annoncées par la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles.
Assurance-chômage : l’État projette la saisie administrative à tiers détenteur
Parmi les annonces sur le projet de lutte contre la fraude sociale, le gouvernement entend renforcer les leviers de recouvrement liés aux allocations chômage. En ce sens, les versements sur un compte bancaire situé dans l’Union européenne deviendraient obligatoires, et France Travail pourra récupérer les sommes perçues à tort directement via la banque… ou l’employeur.
De manière générale, le texte prévoit la généralisation des échanges interadministratifs entre la Sécurité sociale, les douanes, l’administration fiscale et les mutuelles. Ce croisement des données pourrait générer davantage de contrôles transversaux, notamment dans les cas de polyactivité ou de situations complexes.
Mesures du projet de loi contre la fraude sociale : formation, sous-traitance, arrêts maladie
Le CPF dans le viseur. Parmi les priorités en matière de fraude à la formation professionnelle, le gouvernement entend intensifier les contrôles sur les dispositifs en ligne (e-learning). En ce sens, il souhaite permettre la réalisation d’enquêtes par des agents anonymes et conditionner le déblocage du CPF à la présence à l’examen de fin de formation. En ce qui concerne la fraude par les prestataires de formation, l’État envisage des sanctions financières : 4000 € par fraude constatée sur 2 ans.
Côté travail dissimulé, un dispositif de flagrance sociale permettraient un gel des comptes et actifs des entreprises. Dans ce contexte, la solidarité financière pourrait être étendue au donneur d’ordre. Ce qui signifie qu’en cas de fraude par un sous-traitant, la responsabilité de l’entreprise cliente pourrait aussi être mise en jeu.
Enfin, le texte prévoit également une procédure à l’encontre des médecins prescrivant « trop » d’arrêts maladies par rapport aux seuils prévus par la sécurité sociale. Une mise sous obligation qui pourrait les contraindre à réduire le volume d’arrêts. Une mesure qui, probablement, devrait alimenter une réflexion plus large sur « les dérives de l’absentéisme ».
- Le taux d’absentéisme 2024 s’établit à 4,5 % — un niveau équivalent à celui de 2022, pourtant qualifiée de record. Cette stagnation en trompe-l’œil masque une dynamique préoccupante : l’augmentation continue des arrêts de longue durée, désormais moteur principal de la dérive. Depuis 2019, la fréquence de ces arrêts a grimpé de 32 %, pour une durée moyenne stable autour de 175 jours. En parallèle, les arrêts courts restent globalement stables.
Un déséquilibre dans la balance ?
Selon le rapport 2024 du HCFIPS , 56 % de la fraude sociale est imputée aux entreprises et travailleurs indépendants, contre 34 % aux assurés sociaux. Une répartition qui illustre le poids structurel de la fraude patronale : travail dissimulé, sous-déclarations, non-respect des cotisations sociales.
Pourtant, pour l’heure, les annonces faites par Catherine Vautrin visent directement les bénéficiaires et la fraude aux prestations. Tandis que les entreprises, elles, semblent plutôt concernées de manière indirecte.
Est-ce que cela va durer ? Ou est-ce qu’il faut s’attendre à de nouvelles annonces ? Difficile à dire. Dans tous les cas, les directions RH doivent se préparer. Car elles seront en première ligne de ses conséquences : plus de contrôle, plus de responsabilité. Et un périmètre de conformité qui pourrait continuer à s’élargir.
Source(s) documentaire(s) :
- Datascope, l’observatoire de la vie en entreprise édition 2025 AXA
- Lutte contre la fraude sociale, état des lieux et enjeux, Rapport 2024 HCFIPS
- Lutte contre la fraude : les détails du projet du gouvernement, Les Echos