La poïétique, ou poétique, est la science des processus de création. Le terme a pris sa dimension grâce à la leçon inaugurale de Paul Valéry, sa « première leçon de poétique » au Collègue de France (1937). Ce qui est intéressant dans le terme poïétique, c'est d’associer la poésie au processus de création. Il y a de la magie, dans la poïétique. L’archétype du processus de création est l’artiste, voir de l’artiste maudit, hors de la société, homme qui conçoit dans la solitude, derrière les masques de sa personne… une énigme sociale ? Dans tous les cas, ce terme à pris une nouvelle actualité avec l’association de la poésie et des TIC, la création avec les outils de l’internet. On parle, d’ailleurs, de la poïétique des réseaux sociaux. Que recouvre cette terminologie pour l’entreprise ?
Traditionnellement, la créativité est, dans l’analyse schumpétérienne, une réaction à l’environnement, d'ailleurs Schumpeter parle plus d'inventeur que d'innovateur. C'est la posture de l'homme seul face à la création… dieu créateur ou artiste mais pas membre d’un collectif… à ce niveau d’analyse on peut s’interroger sur le pourquoi ou le comment de la poïétique.
Pourquoi un individu prendrait-il le risque de la création ? Depuis, Taylor l’organisation est marqué par la standardisation des procédures, reproduire à l’identique, faire ce qu’on nous demande car cela a été préalablement rationnalisé, alors pourquoi prendre le risque de la folie dans le monde de la raison? Est-ce bien raisonnable ? Dans un monde en recherche de foisonnements, d'adaptabilités, de vitesse,… la création, l'innovation deviennent des avantages concurrentiels indéniables, économiquement rentable. Il s’agit d’une relation étrange entre création et rentabilité : c’est tout le paradoxe, demanderait-on à un Picasso avant de peindre quel est son modèle économique, si l’investissement est rentable ? On mélange des choux et des navets, pire, la rationalisation tue la créativité en l'enfermant dans des stéréotypes. Alors comment faire?
Soit on accepte que le créatif soit hors de l'entreprise, un aliène au sens étymologique, étranger à la vie de l’entreprise ; soit, on considère que c'est l'entreprise qui doit devenir le lieu de la création. L’entreprise, tous créatifs, devient-elle une utopie contemporaine ?
L’organisation créative nécessite de protéger la création pour lui permettre d’éclore. La création est comme le perce-neige, cette plante qui pousse protégé par le froid de la neige et quant la chaleur des premiers rayons de printemps font fondre la neige protectrice, le perce-neige perce la neige et laisse sortir sa tête pour capter le soleil source de vie. L'entreprise créative peut jouer tout à la fois le rôle de la neige de la standardisation que celle du soleil source de vie. Plus rationnellement, l’entreprise pour être créatrice doit construire son écosystème innovant et apprenant avec du présentiel, du réseau, de la communication, des événements, des incubateurs, des laboratoires, des points chauds, de l’open learning,… pour que naissent milles fleurs.
La poïétique en entreprise est l’organisation d’une culture de la transgression partagé par tous ses membres. Il y a quelque chose d’étrange dans le fait de créer un standard de l’anti standard, c’est sans doute là une évolution paradoxale du passage de l’homo sapiens sapiens à l’homo erectus erectus… et le darwinisme organisationnel fera le reste.
Stéphane DIEBLOD