Doueur est un terme créer par Joël de Rosnay, une francisation de maker, avec le verbe to do, faire, et ainsi celui qui fait, est le doueur. Hormis, le jeu de mot, douer est une nouvelle tendance que les entreprises commencent à voir dans le comportement de certains collaborateurs. Il a été vulgarisée par l’ancien slogan de Nike, « Just do it », fais-le par toi-même. Après avoir pendant des décennies cherché à motiver son personnel, il semblerait qu’aujourd’hui la réponse, serait le laisser faire, libérer les forces créatrices de l’entreprise, de faire de chaque collaborateur un doueur ? S’agit-il d’une nouvelle mode ou d’un processus en marche ?
Aujourd’hui, chacun peut devenir un créateur d’objet, c’est l’émergence du phénomène des FabLab. Comment cela se fait-il ? Chacun imagine un objet nouveau, il le traduit numériquement et la fabrication est automatique grâce aux imprimantes 3D. Imaginez un petit objet, car aujourd'hui les imprimantes ne permettent pas d'envisager des objets trop importants, bien que techniquement rien ne s'y oppose. Imaginez donc un porte-clefs, une bague, un cendrier vous pouvait instantanément le produire en appuyant simplement sur « print », le coût de l’imprimante, en premier prix est d’environ 500 €, rien de rédhibitoire. Chacun peut alors devenir créateur d’objets. L’industrialisation ne poserait pas techniquement de problème, il suffit simplement de rencontrer son public. Etre doueur, c’est d’abord une idée.
Cela parait encore extraordinaire, mais quand on regarde l’explosion du phénomène des Labs, cela devient de plus en plus accessible. Et tout est fait pour assurer le développement : il existe une communauté active, les créations sont souvent en Opensource, c’est-à-dire que chacun peut enrichir le modèle de l’autre sans surcout, les doueurs apprennent les uns des autres. Le web 2.0 fait ainsi son entrée dans le monde de la production. Les doueurs révolutionnent le monde des objets. Qu’est-ce que l’entreprise peut bien faire de ce phénomène ?
Faire, c’est œuvrer et motiver, étymologiquement, c’est mettre en œuvre. Comme quoi rien de bien nouveau… si ce n’est que qu’il s’agit de donner une liberté nouvelle à l’individu, et qu’a priori, c’est toujours plus facile de vendre une liberté qu’une contrainte. Encore faut-il assurer la gouvernance de cette nouvelle culture. Comment entrer dans l’âge du faire ? Toute création de culture nécessite un acte fondateur. Il s'agit de créer un moment de la cristallisation pour que les doueurs, ce disent après cela rien ne pourra être pareil. Un coup, diraient les marketeurs. Le coup restera dans les mémoires, surtout si l’entreprise organise le devoir de mémoire. Les rituels anthropologiques de management ne seront par la suite que des répétitions de cet acte premier. Les habitudes s’inscriront dans une histoire, un sens, et cela fait toute la différence de transformer une habitude subies en habitude choisie. La force des communautés de doueurs est d’internaliser ce que certains appellent l’économie du don, que l'on pourrait plus sûrement appeler l'économie de la contribution, internaliser une externalité. L’entreprise reprend toute sa légitimité.
Mais pour que la performance soit au rendez-vous, encore faut-il que l’entreprise sache érotiser le faire. Transformer le travail en militantisme. Si chaque collaborateur doit devenir un doueur, il est alors nécessaire ses actions soient socialement, tribalement, valorisées : encore un travail à faire ou à douer…
Stéphane Diebold