Le terme appétence est un terme récent qui met en relation l’appétit et la formation, et qui est souvent synonyme de motivation. Mais la formation peut-elle être conçue comme une gourmandise, une friandise formative ? Stéphane Diebold, vice-président du GARF, association professionnelle des acteurs du développement des compétences en entreprise, et directeur de Temna, nous livre, tous les mois sur MyRHline, son analyse de la formation en prenant pour base de réflexion un mot du dictionnaire.
Cette terminologie n’est pas n’est pas sans poser quelques interrogations, l’appétence est issue de l’industrie alimentaire et particulièrement de l’industrie alimentaire animalière. Elle est particulièrement bien calibrée avec des indicateurs comme, par exemple, le taux de salivation. Doit-on comprendre l’appétence comme le fait de faire baver les apprenants devant la formation ? Serait-ce aller trop loin que d’utiliser une référence animalière dans le monde de la formation ? Un dressage humain serait-il envisageable pour acquérir des compétences qui lui permettront de gagner en efficacité ? Le terme de dressage est trop fort, mais on voit bien que le fait d’obliger un individu à apprendre un savoir ou un savoir-faire, n’est pas très éloigner et que cela touche à nos définitions.
Dans notre civilisation, nous postulons que l’homme n’est pas un animal mais sans bien savoir comment différencier l’un de l’autre… et que surtout que l’homme a besoin d’être éduqué, qu’au fond sa nature, n’en déplaise à Jean-Jacques Rousseau, n’est pas bonne et que le travail de l’éducation et de la formation consiste à acquérir les compétences qui vont polir sa nature pour en faire un homme bien, quelque soit la définition que l’on retient du bien. Aujourd’hui, des voix s’élèvent, l’homme serait-il aussi un animal ? L’appétence prendrait une autre perspective.
Mais l’appétence pose d’autres questions. Elle introduit une distinction entre le besoin de formation et le désir de formation.
L’appétence est un besoin et le besoin est physiologique, c’est-à-dire que s’il n’est pas satisfait il engendre une souffrance physique, on cite souvent l’exemple de la nourriture comme besoin qui lorsqu’il n’est pas satisfait engendre des mots de ventres.
La formation est-elle un besoin physiologique pour l’homme ? La souffrance formative existe, elle n’est peut-être pas physiologique mais assurément psychique. Que dire d’un étranger qui ne connait pas la langue du pays d’accueil ? Son handicap, son enfermement lui empêche une adaptation et peuvent être source de souffrances physiques et psychologique. Dans des cas moins extrêmes une absence de formation adéquate sur le poste de travail conduit à des situations de souffrances. Le besoin formatif pulsionnel est là, alors que le désir formatif est d’une autre nature.
Il permet de canaliser le besoin pour en développer une esthétique et un raffinement particulier. C’est toute la différence entre
apprendre à déchiffrer les mots et prendre du plaisir avec de la poésie. La gloutonnerie formative doit laisser place à la subtilité et au raffinement afin de faire découvrir des arômes qui composent une grammaire particulière et qui une fois comprise permet de faire un long voyage. La pulsion formative est présente avec des comportements du type « j’ai besoin de formation », « il me fait ici et maintenant la formation qui me convient ». Les nouvelles technologies renforcent cette tendance, grâce aux outils mobiles qui favorisent les formations réactives, certaines entreprises n’en demande pas plus d’ailleurs… La brutalité de l’efficacité, j’ai besoin, j’achète… la formation comme marchandise pulsionnelle. Il manque la distance qui ouvre au cheminement et au projet. Ainsi, les chauffeurs de taxis ont appris l’usage des navigateurs mobiles, et ont perdu leur capacité à mémoriser l’espace et à pouvoir se localiser mentalement. Ils deviennent de plus en plus dépendants de l’outil, pour développer des postures de consommateurs pulsionnels et addictes mais sans autonomie.
L’appétence pulsionnelle est un déficit de formation là ou la formation de l’appétence permettra de découvrir les odyssées du savoir. Quel programme !
Stéphane DIEBOLD