La formation serait-elle en train de se consumeriser ? La consommation de marchandises a déjà laissé place à la consumerisation de marchandises, le mouvement touche-t-il la formation ou la formation est-elle un sanctuaire sociétal ? On parle déjà de marchandisation du travail et même d’esthétisation des situations du travail, les pratiques ont changé, comment cela a-t-il impacté le monde de la formation ?
La consommation de formation est le fait de répondre à un besoin de formation. Dans un proces traditionnel, cela consiste à définir en amont les besoins de formation et d’organiser la production ad hoc. Mais aujourd’hui, dans un monde qui va de plus en plus vite, l’évaluation des besoins est sujette à caution ? Comment déterminer ce dont on a besoin avec un avenir de plus en plus flou et dans une entreprise qui est entrée dans la dictature de l’urgence ? Le management lui-même est rentré dans cette réactivité. Alors, en quoi consiste la consumerisation ?
Selon Colin Campbell, en 2004, la révolution consumériste place la consommation au cœur même de la vie des individus. La consumerisation ne vise pas à satisfaire un besoin mais à satisfaire un désir. La consumerisation de la formation consistent à recréer du désir, à recréer une formation qui fasse rêver. Certains parlent d’érotisation de la formation, redonner l’envie de la formation. Cette tendance à la consumerisation est d’autant plus forte que l’on voit émerger avec les MOOC, la formation gratuite et que trop de formations tue la formation, car comme nous l’apprend le retail et les comportements d’achat, trop de choix supprime la capacité de choisir. Les cultures numériques offrent gratuitement de plus en plus de contenus, cette pléthore de contenus nécessite de recréer de l’envie pour cristalliser les apprenants autour des contenus stratégiques, le consumérisme de la formation.
Cette consumerisation de la formation permet une plus forte adaptabilité car il est plus facile de travailler le désir que de travailler les besoins, ce n’est pas pour rien que de Zygmunt Bauman parle de consumerisation lorsqu’il aborde le sujet de l’entreprise liquide. La formation liquide est forcément consumériste. La nouveauté n’est pas tant dans la formation liquide que dans le fait qu’avec la montée en puissance de l’imprévisibilité, ce qui prime n’est plus tant le besoin que le mouvement. L’homo consumens cherche davantage à satisfaire des désirs que la satisfaction des besoins. Il ne s’agit pas de capitaliser mais de développer le mouvement, le mouvement appelant le mouvement. Les pratiques organisationnelles visent à créer un état d’urgence permanent de façon à mettre sous tension les apprentissages et favoriser la dictature de l’urgence, apprendre ici et maintenant. L’organisation crée la tension du nouveau départ permanent en réinventant continuellement l’organisation pour susciter constamment des comportements et des connaissances nouvelles à apprendre.
La révolution consumériste est une marchandisation de la formation, autour du toujours plus. Cet état d’urgence de la formation nécessite parfois d’apprendre à apprendre, non pas tant pour rejeter le système de société liquide dans lequel nous sommes que de construire une autonomie dans son processus d’apprentissage, apprendre avec une certaine lucidité pour être capable de piloter et de se piloter dans un monde qui s’est déjà consumérisé.
Stéphane Diebold