Par Judith Tripard, Consultante senior au sein du cabinet de recrutement Clémentine
Si vous suivez l’actualité, vous n’aurez pas manqué la nouveauté de la formation continue : le Compte Personnel de Formation (CPF), qui remplace le DIF*. Une révolution ? Surtout toujours plus de complexité pour les professionnels ! Explications.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2015, le CPF s’est substitué au Droit Individuel à la Formation (DIF), mis en place depuis 10 ans, qui permettait aux salariés de se constituer un stock de temps de formation (20 heures par an, dans la limite de 120 heures.)
Certes avec le CPF, on introduit un peu de modernité via la digitalisation de la formation : chacun peut en effet avoir accès à son compte sur le site www.moncompteformation.gouv.fr. Pour le reste, le changement est quantitatif puisque les salariés peuvent désormais cumuler jusqu’à 150 heures de formation sur leur CPF, soit 30 de plus qu’avec le DIF… Le meilleur pour la fin : si le salarié est à l’initiative de la formation, comme précédemment, il n’a plus à obtenir l’accord de son employeur, sauf si celle-ci se déroule sur son temps de travail. Mais qui finance ? Les entreprises, en (grande) partie.
Le DIF posait généralement problème aux responsables de la formation continue des entreprises qui « s’arrachaient les cheveux » pour expliquer aux collaborateurs qu’étant donné qu’ils avaient déjà bénéficié d’un plan de formation entreprise avantageux pour se former à leur métier, l’entreprise n’allait pas leur financer (en plus) des cours de cuisine (c’est un exemple) sur leur temps de travail, sous le seul prétexte qu’ils avaient 30 heures sur leur compteur DIF. Se posait aussi la question du bon critère de répartition entre le plan de formation entreprise et le DIF : les formations métiers dans le plan et les formations transverses dans le DIF ? Les formations prescrites par le management dans le plan et les formations demandées par les salariés ou proposées par l’entreprise dans le DIF ? Il n’y avait pas de réponse idéale et in fine, uniquement des collaborateurs insatisfaits qui se sentaient privés de leurs droits. Concernant le coût, le DIF pouvait également faire exploser le budget formation : allocation de formation + coût pédagogique de vingt heures de stage multiplié par le nombre de salariés… Certes, la structuration de l’offre de formation DIF en entreprise (catalogue limité, campagne de recueil des besoins) permettait de limiter l’explosion desdits budgets.
Résultat le DIF a évidemment été un échec avec un taux d’accès de 6,5% seulement en 2010, pour des formations d’une durée moyenne de 22 heures (source : étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), 2012).
Il y a malheureusement fort à parier que le CPF ne renforce la complexité de la formation continue en entreprise… et, en conséquence, la frustration des salariés. Les RH seront toujours confrontés à des demandes de formation complémentaires, avec parfois des souhaits non cohérents par rapport à la gestion interne des compétences et des talents. La question du financement du CPF par les entreprises va donner lieu à la négociation d’accords dans chaque société ce qui va probablement générer des débats, mais les frais pédagogiques et annexes seront en grande partie pris en charge par l’employeur dès lors que l’accord aura été signé…
Le DIF, de par son intitulé, donnait l’idée d’un droit inaliénable à la formation. Pour la réussite du CPF, il est indispensable de garder à l’esprit que ce n’est pas un droit mais un dispositif, devant surtout permettre à tous ceux qui ont un accès limité d’en bénéficier plus facilement. Il ne doit en rien remplacer le travail des responsables de la formation en entreprise qui s’attache à une gestion efficace des compétences.
Une bonne nouvelle, quand même : exit les cours de cuisine ou de bricolage, le CPF ne concerne que les formations certifiantes et diplômantes… Ouf !
* loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 (JO du 6 février 2014).
DIF, CPF, qu’est ce qui change
DIF | CPF | |
Salariés et fonctionnaires | Bénéficiaires | Salariés, fonctionnaires, demandeurs d’emplois et apprentis |
120 heures sur 6 ans |
Nombre d’heures |
150 heures sur 8 ans (hors abondement) |
Tout type de formation dans une logique de développement des compétences |
Formations concernées |
Formations qualifiantes et certifiantes |
Avec accord de l’employeur |
Accord sur la formation |
Avec accord de l’employeur, sauf hors temps de travail |
Sur fiche de paie ou récapitulatif des droits au DIF |
Informations sur les droits |
Internet |
Entreprise |
Gestion du compte
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Caisse des dépôts et des consignations |
Possible si les droits sont utilisés dans les 2 ans, avec l’accord de l’entreprise (si changement d’entreprise) ou de Pôle Emploi (si chômage) |
Portabilité des droits |
Possible sans conditions |
Entreprises, OPCA |
Financements |
Entreprises, OPCA, Etat, régions… |