Fidéliser les collaborateurs semble naturellement inscrit dans le business model de certaines entreprises. Une philosophie l’inspirerait, qui ne tient ni à la taille ni à l’origine de l’organisation. Illustration avec une multinationale indienne et une PME française.
HCL Technologies ne fabrique pas de produits, elle ne distingue donc pas par ce qu’elle fait mais par la façon dont elle le fait. « Ce sont nos salariés qui créent la valeur de ce « comment » », souligne Chris Connors, responsable des filiales France et Benelux d’HCL Technologies. En renversant le modèle pyramidal pour donner le pouvoir au local, cette multinationale de services IT, de 90 000 personnes dont 70 000 sont basées en Inde et 150 en France, présente dans 31 pays, qui a connu une croissance extrêmement rapide, a créé un modèle qui rend ses salariés beaucoup plus fidèles. Et grâce à une philosophie qui redonne ses titres de noblesse à la « ressource » humaine – les employés d’abord, les clients ensuite (Employees First, Customers Second, de Vineet Nayar, son fondateur, aux éditions Diateino) – son turnover a été divisé par deux entre 2006 et 2010.
Oser la transparence
Concrètement, comment se traduit cette philosophie ? En premier lieu, par de la transparence : tous les ans, les managers font une étude 360°. Ce sont eux qui vont vers leurs équipes pour qu’elles leur fassent part de leur feedback et 90% des managers rendent leurs résultats publics sur l’intranet. L’idée est de rendre le patron accessible et responsable vis-à-vis de ses salariés, s’il ne facilite pas la vie de ses équipes, s’il ne crée pas l’environnement propice à la performance, c’est visible aux yeux de tous.
Faciliter le travail
Par ailleurs, un outil informatique, le Smart Service Desk (SSD), permet de signaler tout problème dans le travail : une erreur dans un bulletin de paie, un bug informatique, un problème de climatisation dans un bureau… « Il y a une garantie de service en interne pour régler le problème ; le message sous-jacent est que c’est l’entreprise qui est responsable des salariés et pas eux qui sont sources de problèmes », pointe Chris Connors.
S’inspirer des idées des collaborateurs
Enfin, un réseau social interne permet de partager des informations qui ne sont pas uniquement professionnelles afin de créer du lien entre les collaborateurs. Ce sont les salariés qui sont à l’origine de cette idée, comme de celle qui consiste à proposer des solutions d’amélioration de service pour le client. « Tous les mois, ils présentent le Top 5 des idées d’amélioration, cela fait évoluer le client et HCL, et les collaborateurs sont valorisés, reconnus car on sait qui est à l’origine de l’idée. De plus, l’entreprise leur donne les moyens de développer l’idée et de l’appliquer en accord avec le client », précise M. Connors.
« Le monde a changé, nous pouvons faire les choses autrement »
Autre philosophie, qui se confond avec le business model, celle de Revevol, PME de 40 personnes en France et 150 dans le monde, qui accompagne les entreprises souhaitant se déployer sur le Cloud Computing : « Nous sommes une entreprise de demain, pas d’hier, et je me suis dit : Pourquoi investir dans un poste de travail alors que nous n’avons pas investi dans des serveurs ? », expose Laurent Gasser, CEO de Revevol. La fidélisation des collaborateurs ? Presque une non question pour ce dirigeant qui s’est appuyé, entre autres, sur le principe du Bring Your Own Device (Apportez votre propre équipement) pour motiver les gens à rejoindre l’entreprise et à y rester.
Les technologies nomades sont il est vrai aujourd’hui, comme l’observe Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur associé au département Management et Ressources Humaines d’HEC Paris, un facteur certain de fidélisation : « C’est grâce à elles que pour la première fois, on a eu des salariés plus avancés que les entreprises », pointe-t-il. Et quand la moyenne d’âge des collaborateurs est de 27/28 ans comme chez Revevol, on imagine sans peine combien il est séduisant pour eux de pouvoir travailler avec ses propres outils, plutôt que d’être contraint d’utiliser d’antiques versions de Windows, plutôt que d’être empêché de surf sur la Toile…
« Nous avons vu que le monde a changé et que nous pouvons faire les choses autrement. Et puis, nous avons l’attractivité d’une PME innovante, fidéliser est naturel. Nous constatons que les gens sont satisfaits, qu’ils ont envie de continuer, de s’impliquer davantage. Et cela coûte 600 euros par an et par collaborateur, soit le montant de l’allocation forfaitaire par laquelle l’entreprise participe à l’achat du matériel du salarié », note Laurent Gasser. Une philosophie qui a pour but de générer de l’implication et de la confiance. Elle ne se borne pas à l’option technologique et se décline aussi, par exemple, dans le calcul de la rémunération : le salarié en effet est impliqué dans le calcul de sa part variable.
Sophie Girardeau