Dans un contexte où l’engagement du capital humain est considéré comme un facteur clé de réussite, la feedback intelligence s’illustre comme un nouvel outil d’efficience RH. Le principe ? S’appuyer sur l’évaluation des feedbacks internes pour transformer des datas RH abstraites en informations factuelles.
Comment la feedback intelligence peut-elle transformer la gestion RH et le management ? Participer au développement du dialogue au sein des équipes ? Et stimuler la performance collective ? Kevin Bourgeois, cofondateur et CEO de la plateforme Supermood, nous a apporté son éclairage.
Qu’est-ce que la feedback intelligence ?
Feedback intelligence : définition
La feedback intelligence (FI) est un concept qui vise à exploiter les données du feedback interne pour guider les décisions stratégiques. Inspirée de la business intelligence (BI), qui repose sur les données métiers, la FI s’appuie quant à elle sur les données émanant des retours émis par les collaborateurs.
À la différence d’autres outils RH, le principe est donc de transformer des réponses — parfois informelles ou éparses — en informations concrètes pour les managers et les DRH. L’objectif est ainsi de mieux comprendre ce qui se passe en interne. Ceci en ayant une approche similaire à celle employée pour connaître la perception des clients à l’échelle externe.
En effet, Supermood s’est rendu compte que si les dirigeants ont souvent une bonne visibilité de la satisfaction client, c’est rarement le cas en ce qui concerne l’engagement et le bien-être des salariés. En ce sens, Kevin Bourgeois précise notamment :
Si je vais voir n’importe quel dirigeant et que je lui pose les questions suivantes : Quel est le niveau d’engagement ? Quels sont les 5 leviers qui favorisent la rétention des talents ? Est-ce que les collaborateurs ont connaissance de toutes les actions stratégiques ? Etc. La réponse est très souvent approximative. La feedback intelligence vient factualiser ça. Elle crée les bases d’une nouvelle communication interne. D’un dialogue qui permet ainsi à l’employeur de mettre son énergie, de déployer des actions, au bon endroit.
Quels sont les enjeux de la feedback intelligence ?
Mener des groupes de discussion. Réaliser des enquêtes. Évaluer la satisfaction… Beaucoup d’organisations dépensent des ressources considérables pour l’amélioration de la connaissance client.
En parallèle, il existe une véritable lacune lorsqu’il s’agit de comprendre la perception de ceux qui font tourner le business : les collaborateurs. Et ce, alors même que — ce n’est plus un secret pour personne — la fonction RH fait face à des défis croissants en ce qui concerne l’appréhension des attentes et besoins des collaborateurs.
La feedback intelligence comble cette lacune en offrant une vision objective, fondée sur des données quantitatives et qualitatives. Elle permet de (se) poser des questions ô combien essentielles : Quels sont les facteurs qui influencent leur décision de rester ou de partir ? Comment perçoivent-ils les transformations en cours dans l’organisation ? Mais surtout d’y apporter des réponses factuelles. C’est-à-dire en dépassant les impressions subjectives grâce à des informations exploitables et comparables dans le temps.
La finalité est d’enrichir le processus décisionnel. Et ce, évidemment, en adéquation avec les problématiques RH.
Feedback intelligence : comment ça marche ?
Comprendre et développer les feedbacks internes repose sur un processus en 3 étapes. D’abord la collecte, puis l’analyse et enfin la restitution des données. Ces dernières étant issues de micro-enquêtes réalisées auprès des salariés, comme nous l’avons évoqué.
Un format conçu pour être rapide, de 3 à 20 questions selon les objectifs. En opposition aux enquêtes RH plus traditionnelles, souvent constituées d’une centaine de questions. Perçues comme lourdes et chronophages donc, aussi bien par les collaborateurs que les équipes RH.
Pourquoi un modèle « flash » si épuré ? C’est un fait : les salariés courent après le temps, il faut donc aller à l’essentiel. C’est d’ailleurs ce paramètre qui va garantir un taux de réponse élevé. Autour de 70% pour les clients utilisateurs de Supermood, ndlr.
Outre être plus agréable et s’inscrire plus facilement dans le quotidien de travail, cette approche flash permet aussi de faire des enquêtes qui sont plus proches de la réalité du terrain. Le management d’une petite business unit peut créer un sondage en quelques minutes, le pousser vers ses équipes, puis obtenir les résultats. Certains de nos clients lancent jusqu’à 250 petites enquêtes par an. Évidemment, chaque salarié ne les reçoit pas toutes. Mais au moins cela permet de suivre l’avancement au fur et à mesure, de corriger si nécessaire et, finalement, de ne pas se retrouver le bec dans l’eau lors de l’audit annuel.
Ensuite, les réponses recueillies sont anonymisées. Ceci en vue de garantir la confidentialité et d’encourager chaque collaborateur à être honnête. À exprimer sincèrement ses ressentis, dans un climat de confiance.
En dernier lieu, des outils de benchmark, d’analyses par intelligence artificielle (IA), et de visualisation traitent cette data. Il est alors possible d’évaluer les résultats par granularité, selon des critères tels que l’équipe ou l’ancienneté. Une segmentation très fine qui, vous le comprenez, fournit alors des indications claires sur les variations de l’engagement au sein des strates de l’entreprise.
Concept de l’engagement au travail : une vision plus nuancée pour plus de performance
Engagement des collaborateurs : vers la redéfinition d’un concept ?
L’engagement collaborateur, on en entend parler à toutes les sauces. Il est souvent évoqué comme un indicateur corrélé à la réussite d’une entreprise. Mais, en réalité, sa définition reste floue. Et pour cause.
Dans les faits, l’engagement veut tout et rien dire, car il n’y a pas de mesure ou de définition scientifique de ce dont il s’agit. En revanche, l’on constate qu’il s’agit d’un concept un peu ombrelle qui englobe différentes formes d’attachement.
Il s’agirait donc d’une notion bien plus complexe qu’il n’y paraît. Le réduire à un seul paramètre serait une erreur puisqu’il s’appuie davantage sur triptyque émotionnel :
- l’attachement à l’organisation ;
- l’attachement à l’équipe ;
- l’attachement au métier.
Kevin nous explique que l’attachement à l’entreprise peut notamment refléter la fierté d’appartenir à une organisation. Par exemple, travailler pour une marque reconnue. L’attachement local concerne quant à lui le lien avec les collègues et le manager direct. Tandis que l’attachement au métier renvoie au sens que le collaborateur trouve dans son travail, comme un chirurgien ou un enseignant.
Cette approche plus nuancée permet de mieux comprendre pourquoi certaines personnes restent attachées à leur emploi. Même lorsque des aspects de leur environnement de travail ne sont pas optimaux. Rémunération ou QVCT, par exemple. Dès lors, chaque structure devrait adapter sa vision de l’engagement collaborateur en fonction de sa propre culture d’entreprise d’une part, et des spécificités de son environnement d’autre part.
Par ailleurs, le Kevin Bourgeois précise qu’il s’agit aussi d’un indicateur à contextualiser. Car s’il y a une différence d’une entité à l’autre, c’est encore plus flagrant d’un marché à l’autre.
Lorsqu’une étude explique que le niveau d’engagement est plus ou moins élevé en France par rapport à un autre pays, il faut prendre de la hauteur vis-à-vis des résultats. Pourquoi ? Si je prends l’exemple des États-Unis VS la France, la culture du travail et les réalités économiques sont très différentes. Sur le marché américain, vous pouvez très bien avoir un collaborateur qui recommandera son employeur sans hésiter. Pour autant, rien ne l’empêchera d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs dès le lendemain, car c’est très facile pour lui. À l’inverse, vous pouvez avoir un salarié français qui sera moins enclin à recommander son entreprise. Mais celui-ci restera plus longtemps, car les processus — préavis, délais de recrutement, etc. — sont beaucoup plus longs.
De la question à l’action : impact de la feedback intelligence
Demander des feedbacks est en soi une action engageante. Cette pratique montre aux employés que leur opinion est valorisée et prise en compte. En effet, le simple fait de poser des questions constitue une ouverture du dialogue. Ce lien, encore trop absent en gestion des ressources humaines, favorise la confiance entre les salariés, les managers et la direction.
À l’échelle du management, les responsables peuvent partager et discuter des résultats d’enquête avec leurs équipes. Dans ce contexte, ils créent alors une dynamique collective : au lieu de simplement recevoir les directives, chaque collaborateur est encouragé à réfléchir et proposer des solutions. Grâce à ce rôle actif, ils se sentent alors partie prenante des changements à venir.
Ainsi, cette approche par les feedbacks a le potentiel de transformer la culture de l’entreprise en y insufflant plus de transparence. Une démarche qui aide à réduire l’écart entre les attentes des employés et les actions engagées par la direction. Le tout en offrant une vision claire de l’évolution de l’engagement au sein des différentes équipes.
Science, rythme et responsabilisation : les 3 piliers de la culture du feedback
Toutes les organisations ne sont pas naturellement portées sur la pratique des feedbacks. Et pour celles qui, justement, ne le sont pas, la transformation repose souvent sur trois piliers : la science, le rythme et la responsabilisation. En ce sens, le CEO de Supermood nous explique :
Le premier pilier consiste à valider d’un point de vue scientifique les questions posées. L’enjeu est de garantir la validité et la pertinence des données collectées. Le second point d’attention concerne le rythme. Il est essentiel d’ajuster les pratiques à la maturité de la structure. Le plus souvent, cela implique de limiter le volume de questionnaires au début avant d’accélérer. Enfin, le troisième volet correspond à la responsabilisation. Concrètement, cela signifie que chaque acteur – membres de la direction, RH ou managers – doit s’impliquer. L’approche doit être collective et ne pas reposer uniquement sur les RH. Cette méthodologie vise à éliminer le stress lié aux responsabilités individuelles non partagées et à porter la stratégie d’amélioration continue.