Selon Patrick Collignon, co-auteur du livre le « Management toxique », édité chez Eyrolles, 90 % des managers toxiques n’ont pas conscience de leur attitude vis-à-vis de leurs collaborateurs. Et si une prise de conscience permettait de modifier leur comportement ? Rencontre avec Patrick Collignon.
Comment définit-on le management toxique ?
Si le management toxique se définit bien souvent par du harcèlement, nous avons de notre côté élargi notre champ de vision, pour identifier tous les types de manager qui empêchent, d’une façon ou d’une autre, les personnes qu’elles encadrent de réaliser leur mission. Aussi nous sommes-nous appuyés, pour les identifier, sur l’approche neurocognitive et comportementale (ANC) qui fait le lien entre les mécanismes cérébraux et les comportements humains. Dans les faits, nous nous sommes donc axés sur l’ambiance de travail, les impressions ressenties par les collaborateurs et l’attitude du manager. Cela nous a conduit à établir cinq types de management toxiques, dont deux sont d’ordre organisationnel et trois d’ordre interpersonnel.
Pouvez-vous nous présenter les profils qui se rapportent au management toxique d’ordre organisationnel ?
Pour les managements de type organisationnel on distingue deux types de profils : le » management despote » et le « management mission impossible ». Dans le premier cas, l’environnement de travail prend la forme d’une insécurité permanente. Tout le monde se méfie et l’équipe est divisée entre les lieutenants du manager et les autres. Le manager se montre tyrannique et règne sur son fief en intimidant et en déstabilisant ses collaborateurs. Il les terrorise et leur exprime clairement que leur travail n’est pas à la hauteur, ou pas clair et il accable ces derniers de tous les éventuels problèmes. Le second, celui qui applique le « management mission impossible » va toujours garder le pouvoir sur les actions qu’ils quémandent. N’ayant pas confiance en ceux avec qui il travaille, il segmente les responsabilités qui devraient être confiées à ces collaborateurs pour limiter leur champ d’action. En cas de problème, il va toujours se décharger des conséquences, laissant à ceux qu’il encadre une impression de sabotage.
Pouvez-vous nous décrire des profils de managements toxiques d’ordre interpersonnel ?
Il y a le « management 4×4 » exercé par des managers souvent efficaces mais très critiques. Ces derniers ne font absolument pas preuve d’empathie. Pour eux, tous les collaborateurs doivent penser et fonctionner comme eux. Aussi ceux qui ne s’alignent par sur leur rythme de travail, leur investissement et leur forme d’excellence sont considérés comme des incompétents. Autre typologie : le « management hyper ». Hyper perfectionniste, hyper contrôlant (…), ce sont des managers instables, ambivalents, très susceptibles qui passent tour à tour de l’enthousiasme à l’anxiété en passant par l’amertume, la rancune. S’ils sont, au départ, motivants, ils finissent par excéder et saturer les collaborateurs…
Comment expliquer la toxicité de certains managers ?
Il y a la toxicité inhérente à l’histoire de quelqu’un. Elle fait suite à des conditionnements. Si vous avez été élevé selon l’adage qu’il faut être le meilleur pour réussir, et que vous avez dans votre équipe un collaborateur qui accomplit sa tache sereinement, sans « s’agiter », cela va nécessairement vous mettre à cran. Ensuite, certains managers, à l’instar du pervers narcissique, sont toxiques d’instinct. Cela ne relève ni d’un conditionnement, ni d’une éducation. Ils sont nés comme ça. Aussi leur positionnement dans un groupe est nécessairement dominant et ils mettent tout en œuvre pour que leurs collaborateurs se soumettent à leurs décisions. Enfin, il y a les managers qui deviennent toxiques parce que la pression qui pèse sur eux est trop importante et qu’ils la répercutent sur leurs collaborateurs.
Comment faire face à un manager toxique ?
Le point essentiel est de ne rien prendre personnellement. Lorsqu’un manager est toxique il ne l’est pas à cause de ses collaborateurs, ni parce qu’il en a envie de l’être mais tout simplement parce qu’il fonctionne comme ça. Il n’en n’a d’ailleurs pas nécessairement conscience. Il faut donc réussir à reprendre l’initiative de la relation avec le manager. Cela passe par faire du feed-back, pour démontrer ses actions et son utilité au sein de l’équipe afin de se réhabiliter. Mais aussi lorsqu’un ordre est donné, de le formaliser par écrit et de l’envoyer au manager pour bien positionner son champ d’action. La traçabilité via des échanges sobres et factuels cadre le rapport. Enfin, face une mission qui ne semble pas claire, mal définie, il ne faut pas hésiter à poser des questions directes, à renvoyer le manager à la viabilité du travail demandé.
La rédaction de myRHline