Quantified Self et self boarding, ça vous parle ? Oui si le secteur informatique n’a pas de secret pour vous et/ou si vous vous passionnez pour les pratiques innovantes et collaboratives. Un peu si vous êtes connecté et distraitement curieux. Pas du tout si vous évoluez loin des bulles technophiles et révolutionnaires. Imaginons grâce aux explications de Vincent Rostaing, fondateur de Le Cairn 4 IT, ce que pourrait être le futur de l’évaluation des compétences.
Un phénomène de la sphère privée gagne aujourd’hui les rives de la vie professionnelle en passant par le secteur informatique, le Quantified Self. Son principe est simple : déclarer ses objectifs et réalisations auprès de sa communauté. Je veux m’arrêter de fumer par exemple ou perdre du poids, je l’annonce à mon réseau en ligne et l’informe régulièrement de mes progrès. Adapté au monde professionnel, voici ce que cela peut donner, comme l’explique Vincent Rostaing, fondateur du cabinet Le Cairn 4 IT, conseil spécialisé dans l’optimisation du cycle de vie professionnel : « Un développeur dépose son code sur un site de partage de codes de type Github, et, à partir du code déposé, des outils, Sybil de 8colors par exemple, extraient des données et les mettent en forme – c’est de la data visualization. Cela permet de tracer les compétences par projet et par développeur ».
Grâce à la data visualization, le salarié peut faire du self boarding, effectuer son propre suivi pour parler français. « Il a son propre tableau de bord, qu’il peut partager ou dont il peut autoriser l’accès à son employeur », continue Vincent Rostaing. L’employeur peut ainsi visualiser d’éventuels manques de compétences ou des risques de concentration des compétences à un seul endroit. « Si toutes les compétences clés sont détenues par une seule personne, l’employeur doit se poser la question de la formation ou du recrutement ou encore du recours à un prestataire extérieur », complète-t-il. Au-delà de la mesure des compétences, le concept, de par son caractère rassurant pour l’employeur, peut aussi participer au développement du télétravail puisqu’il permet de suivre à distance les réalisations d’un collaborateur.
« Demain nous serons tous prestataires »
On parle déjà de client interne, parlons donc des « prestataires que nous serons tous demain », comme le souligne M. Rostaing, tendance qui va nous pousser à mettre au grand jour nos compétences. « La majorité des entreprises ne sont clairement pas prêtes aujourd’hui à intégrer ces concepts mais pourquoi pas dans le futur, grâce à l’impulsion des orientations d’aujourd’hui où tout va plus vite, où l’accès à l’information, à la formation est facilité ? », imagine-t-il. Un salarié peut s’auto-former de nos jours en effet, notamment grâce aux MOOC (Massive open online courses), des solutions d’autoformation concernant toutes les disciplines, ou trouver plein de ressources sur les réseaux sociaux. Mais, alors qu’il sait faire plein de choses, on ne le connaît en entreprise que pour ce qu’il fait à l’instant T.
D’autres sources d’informations que les managers
De plus, le phénomène des slashers illustre une revendication actuelle qui transpire jusque dans les entreprises très corporate : je sors des cases et vais vers un travail qui correspond à mes goûts et mes valeurs. « D’où l’intérêt de mettre en place des outils qui permettent de faire remonter les informations sur les différentes compétences de chaque collaborateur », pointe Vincent Rostaing. Les outils de mesure des compétences inspirés du Quantified Self donnent la possibilité d’avoir d’autres sources d’informations que les managers. De même que les réseaux sociaux qui, avec leur système de recommandations ou différentes applications, apportent également leur lot de regards extérieurs sur les compétences de chacun. Des entreprises sont attentives à ces signaux, même si elles ne souhaitent pas communiquer sur ce qu’elles expérimentent sur telle ou telle population sans souhaiter l’outiller ou le formaliser pour l’instant.
L’événementiel au service de la mesure des compétences
Challenges ou concours de programmation… Depuis deux ou trois ans, ces pratiques arrivent à maturité sur les postes techniques en informatique, pourquoi ne pas les rendre applicables à d’autres domaines ? « Leur intérêt est de casser le rythme en ouvrant une parenthèse dans le quotidien et de donner du sens. Elles permettent de savoir de quelles ressources l’entreprise dispose et aussi de donner une bonne idée de l’engagement du collaborateur », observe Vincent Rostaing. Untel participait jusqu’alors aux concours, il ne le fait plus ou moins, l’entreprise doit se demander de quoi est-ce le signe.
Enfin, des outils qui permettent l’évaluation entre pairs et qui sont pour le moment utilisés au sein de communautés de métiers, à l’extérieur des entreprises, le seront-ils un jour en interne ? Gild, kskills par exemple permettent aujourd’hui à des développeurs de se mesurer les uns aux autres, mais, selon M. Rostaing, un bémol s’impose quant à la mise en place de ce type d’outils en interne : « Il n’est pas forcément évident de faire se noter les collaborateurs entre eux ». À suivre !
Sophie Girardeau