Le vert fait fureur, avec ses dépliants explicatifs, ses formations aux gestes écolo au bureau ; les actions de collecte de déchets entre collègues deviennent des événements médiatiques. Pourquoi les entreprises suivent-elles la tendance écolo ? Ni pour le coup de pub’, ni par réel intérêt pour l’environnement, d’après les acteurs du secteur. La prise de conscience relève davantage de l’obligation concurrentielle et de la réalité économique que de l’élan salvateur pour la planète.
Eco comme économies
« Aujourd’hui, ne pas montrer son engagement pour le développement durable, c’est courir le risque de perdre des clients », constate Alexandre Pasche, directeur d’Eco&Co [1], agence de conseil en communication, environnement et développement durable. L’éco-citoyenneté au bureau n’est pas une mode, mais un acquis. S’il est plus efficace d’agir pour une réduction des déchets au niveau de la chaîne de production, les dépliants informatifs et les actions de formation au sein de l’entreprise suffisent à prouver son engagement. Le directeur d’Eco&Co met en garde : « Il ne faut pas confondre développement durable et militantisme ou caritatisme ». Dans développement durable, il y a surtout l’idée de développement. L’éco-citoyenneté s’infiltre au bureau pour son intérêt économique avant tout.
Sandrine Francisco, déléguée générale de l’association Entreprises et Environnement confirme : « quand la corde éco-citoyenne ne fonctionne pas, il faut tirer celle des économies ! » Une règle, parmi les fondamentaux de la communication éco-citoyenne, qu’observe Eco&Co lors de ses actions : « Il faut toujours montrer le bénéfice direct », précise son directeur. Réduire la facture environnementale, c’est aussi réduire sa propre facture. « L’intérêt de sauver la planète est trop lointain », ajoute-t-il. Il existe une hiérarchie des arguments à respecter. Illustrations : s’il vous est demandé de ne pas imprimer tous les mails que vous recevez, c’est d’abord pour faire des économies de papier, ensuite pour sauver un arbre. De même, remplacer les bouteilles d’eau minérale par des carafes d’eau du robinet permet de réduire les dépenses et, accessoirement, de limiter les déchets plastiques.
L’agence Pôle Emploi a fait appel à Eco&Co pour la formation de ses ambassadeurs Développement Durable, eux-mêmes amenés à relayer le message éco-citoyen dans les différentes locales. « Le problème n’est pas de sensibiliser, précise Alexandre Pasche, mais de savoir comment communiquer sur le sujet ». Car aujourd’hui, le quidam sait que nous devons réduire nos émissions de CO2… mais comment ? « Les gens veulent un mode d’emploi », souligne le directeur d’Eco&Co. Si la première règle est de mettre en avant le bénéfice direct, les autres sont les suivantes : ne pas culpabiliser et ne pas être ennuyeux. « Ce n’est pas parce que l’on parle de Développement Durable, qu’il faut être technique et politiquement correct. Au lieu d’adopter un ton puritain, il faut surprendre, intéresser et amuser », conseille-t-il. Un code qui peut s’appliquer à d’autres domaines RH que celui de la communication éco-citoyenne.
Le lien salarié/dirigeant : cohésion et exemple
La protection de l’environnement s’avère aujourd’hui un prétexte à des actions de cohésion d’équipes, notamment entre dirigeants et salariés. En novembre dernier, Entreprises et Environnement organisait une Opération Pays Propre, en Martinique. « L’occasion de créer des liens forts entre collègues de même société », vendait l’association. L’action fut une réussite, d’abord en nombre de déchets collectés sur les plages – plus de 4 tonnes – mais aussi humaine et médiatique. Plusieurs grandes entreprises, parmi lesquels – ironie du sort – de gros producteurs de déchets, ont joué le jeu. « La journée s’est déroulée dans une ambiance de forte cohésion », raconte Sandrine Francisco. Le temps d’une journée, hors contexte professionnel, salariés et dirigeants ont appris à se connaître autrement. « Les salariés n’ont pas l’habitude de voir les dirigeants se mettre au même niveau qu’eux, se retrousser les manches », commente la déléguée générale d’Entreprises et Environnement.
L’éducation aux gestes éco-citoyens se transforme en occasion de transcender la hiérarchie, mais aussi de renforcer la confiance entre l’équipe dirigeante et les salariés, d’instaurer un climat d’égalité. Eco&Co réalise actuellement des dépliants informatifs à destination des 5000 collaborateurs d’un grand groupe. La mission ne se limite pas à la seule distribution des dépliants mais s’ancre dans une réelle politique RH. « Il faut montrer que la direction fait un effort », insiste Alexandre Pasche. Et d’illustrer : « on ne peut demander aux salariés de faire des efforts pour l’environnement, si le PDG roule en 4×4 et s’envole aux maldives, de ne pas lasser couler l’eau si on n’équipe pas les robinets de réducteurs de jets, de limiter les impressions si on n’envoie pas un informaticien faire le réglage recto-verso ».
Si elle permet de favoriser l’échange entre les différents départements d’une entreprise et d’accroître ainsi sa compétitivité, alors l’éco-citoyenneté peut être considérée comme une responsabilité RH.
Typhanie Bouju