Recours du CHSCT à une expertise pour « projet important »,
même si la nouvelle organisation a commencé à être mise en œuvre
(Cass. soc. 14/03/2018 n°16-27683)
Si le Comité Social et économique (CSE), à mettre en place dans les entreprises d’au moins 11 salariés (entre le 01/01/2018 et le 31/12/2019, au plus tôt au renouvellement de l’une des institutions (CE, DUP, DP, instance regroupée mise en place par accord du CHSCT – art. 9 de l’ordonnance n°2017-1386 du 22/09/17), fait disparaître le comité d’entreprise (CE), et les délégués du personnel (DP) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), il reste que les principes rendus par la Cour de cassation au sujet de CHSCT encore en place, peuvent être transposés au CSE nouveau qui a récupéré ses compétences.
C’est le cas dans cet arrêt du 14 mars 2018.
L’ancien article L.4614-12 2° (abrogé au 01/01/2018) disposait que le CHSCT pouvait faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L.4612-8-1.
Par une délibération de septembre 2016, les membres du CHSCT « escale et fret de Toulouse de la société Air France » avaient voté le recours à une expertise, sur le fondement de cet article, confiée au cabinet Syndex, pour le projet de l’employeur consistant à voir les personnels au sol des pôles clients (agents d’escale) équipés de tablettes numériques et d’une application spécifique afin de renseigner plus aisément les voyageurs, demandeurs d’une information précise, en temps réel, sur leurs conditions de voyage.
L’employeur contesta le recours à cette expertise, puisque cette nouvelle organisation avait commencé à être mise en œuvre, que « l’outil » ne se trouvait plus au stade d’un projet en cours d’élaboration à la date à laquelle le CHSCT avait décidé de recourir à un expert, et que seuls étaient en cause le déploiement et la généralisation de cet outil au sein des escales de Air France, la phase d’évaluation au sein de quatre escales pilotes, dont celle de Toulouse, ayant été menée dès l’année 2014.
En conséquence, pour l’employeur, le TGI avait privé sa décision de base légale au regard de l’article L.4614-12 du code du travail.
Cependant, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur, après avoir confirmé qu’il s’agissait bien d’un projet important, dès lors qu’il emportait des modifications importantes dans les conditions de santé ou de travail des salariés concernés.
Mais surtout, la Cour de cassation juge que les dispositions de l’article L.4614-12, 2° du code du travail (alors applicable), permettaient au CHSCT de recourir à un expert pour l’éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d’avancer des propositions de prévention, quand bien même cette nouvelle organisation avait commencé à être mise en œuvre.
Pour rappel, concernant le CSE (et par comparaison avec l’ancien article L.4614-12 2°), l’article L.2315-96 2° du code du travail (en vigueur à la date d’entrée en vigueur des décrets pris pour l’application de ses dispositions, et au plus tard le 1er janvier 2018) dispose que le CSE peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat (…) 2°/ en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu au 4° de l’article L.2312-8.
Stéphane VACCA
Avocat droit du travail
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