Le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi porté par le Ministre du Travail François Rebsamen prévoit de déconstruire, entres autres, les outils fondamentaux de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes.
Les inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes sont pourtant toujours d’actualité : les femmes gagnent encore 27% de moins que les hommes, leurs carrières sont freinées par la maternité, elles occupent 80% des emplois à temps partiel et restent minoritaires dans les emplois cadres malgré un niveau moyen de formation supérieur aux hommes. Les inégalités professionnelles sont l’expression de la domination masculine; elles constituent une violence économique qui rend les femmes plus dépendantes et plus vulnérables.
Pourtant, le projet de loi prévoit de supprimer les outils indispensable à la mesure des écarts entre les femmes et les hommes en entreprise et servant de base à la négociation collective en matière d’égalité professionnelle : le Rapport de Situation Comparée sur la situation des femmes et des hommes d’entreprise et la négociation dédiée.
Ce rapport instauré dès la première loi sur l’égalité professionnelle de 1983 d’Yvette Roudy est obligatoire depuis la loi de 2001 et a été renforcé par la loi du 4 août 2014 qui durcit les sanctions à l’égard des entreprises hors la loi. En revenant sur cette disposition, le gouvernement actuel est ainsi le premier à faire marche arrière en matière d’égalité professionnelle.
Ces données devant être élaborées par les employeurs en matière d’égalité professionnelle et soumises au comité d’entreprise seront désormais susceptibles de varier d’une entreprise à l’autre, par accord d’entreprise. Le diagnostic identique pour toutes les entreprises deviendra donc un outil à géométrie variable. De même, la disparition de la négociation dédiée va noyer la question de l'égalité femmes / hommes au sein d'une négociation fourre tout, sur la "qualité de vie au travail". L'application de la pénalité sera donc impossible à mettre en oeuvre. Nous nous inquiétons également du relèvement de 200 à 300 du seuil pour créer une commission dédiée à l'égalité professionnelle au sein des Comités d’entreprise, comme de la possibilité de rendre triennale la négociation annuelle sur les salaires, qui contenait des mesures pour résorber les écarts entre les femmes et les hommes.
L’absence du rapport de situation comparée aura d’autres conséquences graves : comment les partenaires sociaux négocieront-ils les accords égalité sans données sexuées ? L’instauration de la pénalité envers les entreprises n’ayant pas négocié pourra-t-elle continuer d’être appliquée ? Celle-ci, mise en œuvre en 2012, a permis une certaine augmentation de signatures d’accords collectifs en matière d’égalité professionnelle, or son socle juridique repose sur celui du rapport de situation comparée. A ce jour, beaucoup de doutes existent sur ces deux questions.
Le Président François Hollande qui a inscrit l'égalité femmes-hommes comme un enjeu prioritaire de son mandat est donc le premier Président à revenir sur la loi de 1983 en supprimant l'un des principaux outils (insuffisant certes) de l'égalité professionnelle :
- alors même que le 1er mai a été l'occasion de souligner une fois de plus la persistance d'inégalités entre les femmes et les hommes, aggravées par les politiques d’austérité,
- alors même que ces outils commençaient à peine à être intégré et compris par les entreprises,
- alors même que la Loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes venait d’enrichir les indicateurs du rapport de situation comparée par des données sur les carrières,
- alors même que Marisol Touraine et Pascale Boistard, ministres en charge des droits des femmes, se félicitent d'avoir renforcé les sanctions envers les entreprises hors la loi,
- alors même que la loi vient d'étendre ces obligations au secteur public
Comme d’habitude en période de crise, les femmes sont les premières à en subir les conséquences. Sous prétexte de « simplification » des procédures pour les entreprises, ce projet de loi supprime en catimini un des seuls outils concrets pour l'égalité professionnelle.
C'est un recul incompréhensible en matière de lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes et le Haut Conseil à l’Egalité a fait part de son inquiétude à ce sujet dans un courrier adressé au Ministre du Travail.
Actuellement examiné en commissions, ce texte sera présenté officiellement par le gouvernement lundi 11 mai au Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes. Pour nous, organisations qui luttons au quotidien pour l’égalité, il y a urgence et nous demandons à être entendues : les articles concernant les obligations en matière d’égalité professionnelle doivent être rétablis et la lutte contre les inégalités doit se poursuivre.