Nadine REGNIER ROUET, Avocat au Barreau de Paris, spécialisé en droit social, nous apporte son expertise et son regard sur l'actualité du droit social.
Le salarié payé moins que le SMIC subit toujours un préjudice que son employeur doit réparer financièrement. C’est la leçon à tirer de la décision rendue par la Cour de cassation le 29 juin 2011 (n° 10-12884) dans une affaire emblématique, rappelant le monde ouvrier du 19ème siècle dépeint par Zola.
Les faits
Depuis la fin du siècle dernier, soit 1997, jusqu’à 2004, une salariée est payée sous le SMIC et occupe l’un des métiers les moins valorisés qui soit. Aujourd’hui, elle est « agent de surface », celle qu’autrefois, plus populairement, on surnommait la « dame pipi », en charge de l’entretien des toilettes d’un établissement, puis de son vestiaire.
Après son licenciement pour faute grave, elle brave son employeur devant le Conseil de Prud’hommes, puis la Cour d’appel de Paris et lui reproche de ne pas lui avoir versé le « salaire minimum interprofessionnel de croissance » ou « SMIC » légal. Elle réclame donc le paiement de rappels de salaires, afin d’atteindre ce SMIC, ainsi que des dommages et intérêts pour le dommage que lui a causé l’employeur en ne la payant pas au minimum au SMIC.
Selon l’article L.3231-2 du Code du travail :
« Le salaire minimum de croissance assure aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles :
1 – La garantie de leur pouvoir d'achat ;
2 – Une participation au développement économique de la nation. »
Or, le 7 avril 2009, la Cour d’appel de Paris la déboute de sa demande de dommages et intérêts pour le motif suivant : la salariée n’a pas démontré que le fait de percevoir une rémunération inférieure au SMIC lui a causé un préjudice personnel quantifié. Par conséquent, n’ayant pas prouvé son préjudice, l’employeur ne lui doit rien à ce titre.
La décision
Le « j’accuse » de la Cour de cassation en réaction à l’arrêt de la Cour d’appel et en faveur des salariés « d’en bas », du plus bas de l’échelle sociale, tient dans la phrase qui suit :
« Le manquement de l'employeur à son obligation de paiement d'une rémunération au moins égale au salaire minimum de croissance cause nécessairement un préjudice au salarié dont il appartient au juge d'apprécier le montant ».
Dans un prochain chapitre de leur histoire judiciaire, l’ex-salariée et son ex-employeur se retrouveront devant une autre Cour d’appel pour les mêmes faits et le principe dégagé par la Cour de cassation aboutira à faire évaluer par les juges le préjudice causé « nécessairement » par l’ex-employeur à son ex-salariée pour n’avoir pas respecté l’obligation légale de la payer au minimum au SMIC. L’ex-employeur devra indemniser l’ex-salariée à ce titre.
Conclusion et conseil RH
Employeurs, pour quelque emploi que ce soit et quel que soit le mode de rémunération convenu, au minimum, le SMIC s’impose sinon vous êtes en faute pour ne pas appliquer une règle de droit… Faute qui lèse votre salarié et pour laquelle vous devrez forcément le dédommager, en plus du versement d’un rappel de salaires qui pourra porter sur les cinq dernières années.
Le SMIC est horaire (9 euros bruts au 1er janvier 2011) ; il est réévalué chaque année par décret, à compter du 1er janvier et pour l’année entière, dès lors que la hausse de l’indice des prix est d’au moins 2 %. En outre, le Gouvernement peut décider, par décret, de porter en cours d’année le SMIC à un montant supérieur à celui qui résulterait de la seule évolution des prix (les fameux « coups de pouce au SMIC ») : le 9 novembre 2011, le Gouvernement a indiqué qu’il augmenterait le SMIC de 2,1 % à compter du 1er décembre 2011.
La règle du paiement d’un salaire horaire au moins égal au SMIC s’apprécie à chaque période de paie, soit le plus souvent mois par mois.
Le manquement à cette règle constitue aussi une infraction pénale punie par une contravention de 5ème classe (article R.3233-1 du Code du travail) pour chaque travailleur employé dans des conditions illégales, qui peut être constatée par l’Inspection du Travail (devenue au 21ème siècle : la « DIRECCTE ») :
à ce jour, 1.500 euros pour un employeur personne physique, et 7.500 euros pour un employeur personne morale. En cas de récidive, ces peines sont doublées.