La loi El Khomri a créé un droit à la déconnexion pour tous les salariés. Un enjeu RH fort, même si aucune sanction n’est prévue à défaut d’accord d’entreprise. Comment procéder ? Éléments de réponse.
Les entreprises de 50 salariés et plus doivent mener une négociation annuelle sur la déconnexion. À défaut d’accord, l’employeur doit élaborer, après avis du CE ou, à défaut, des délégués du personnel, une charte définissant les modalités d’exercice de ce droit.
Au préalable, établir un diagnostic
Dans les faits, les salariés les plus exposés aux effets négatifs d’une connexion permanente ou abusive restent principalement les cadres, les commerciaux (notamment les commerciaux itinérants) et les télétravailleurs. Certains secteurs d’activité sont également plus concernés que d’autres et ont déjà négocié sur ce thème avant même la loi Travail.
Avant d’entamer des négociations ou de rédiger la charte, il faut donc tenir compte des spécificités et contraintes de l’entreprise : secteur d’activité, taille, développement à l’international, nombre de salariés utilisant une messagerie professionnelle, un ordinateur ou un téléphone portable professionnels.
Pour établir ce diagnostic, nous recommandons de :
- réaliser un bilan volumétrique des usages numériques (volume de courriels envoyés par jour, par semaine…) pour identifier les services et métiers en surconsommation de mails ;
- mener une enquête auprès des salariés pour connaître leur perception de l’usage des outils numériques dans leur vie ;
À noter : ces enquêtes et bilans nécessitent la consultation préalable du CE et du CHSCT.
- associer la direction du service informatique et même le médecin du travail.
Droit à la déconnexion : encadrer l’utilisation des outils numériques
Une fois le diagnostic posé, on peut encadrer l’utilisation des outils numériques plus efficacement.
L’idée ici n’est pas d’interdire l’utilisation des outils numériques en dehors du temps de travail mais d’éviter une dégradation des conditions de travail et de limiter les désagréments possibles sur la vie personnelle. En d’autres termes, il faut définir des règles de bon usage des outils numériques et mettre en place des garde-fous pour éviter les abus et protéger les salariés qui souhaitent voir appliquer ce droit.
Plusieurs mesures peuvent être envisagées.
Voir nos exemples dans ce tableau récapitulatif des instruments de régulation des outils numériques(1)
Responsabiliser les salariés, les former, et inciter les managers à l’exemplarité
Imposer aux salariés une gestion de la messagerie électronique serait contre-productif. Il faut les former aux bonnes pratiques et aux usages pour se déconnecter. Ainsi, ils maîtrisent mieux leurs outils et les procédures de déconnexion. Une façon efficace de les impliquer et les responsabiliser sur la surconsommation numérique.
Les managers et dirigeants d’entreprise doivent également être sensibilisés sur ce thème. Pour ce faire, on peut :
- d’abord leur demander d’être exemplaire sur l’utilisation des outils numériques : pas de courriel tardif, pas de connexion pendant les plages de déconnexion, etc. ;
- ensuite les inciter à privilégier une communication et des échanges plus directs lorsque les niveaux de compréhension, d’interaction ou d’interprétation sont élevés ou potentiellement conflictuels ;
- enfin les former sur la gestion d’équipe, particulièrement des équipes à distance : ces formations permettent souvent au manager de s’assurer du bon dosage de la charge de travail de son équipe.
À noter : Connexion permanente des salariés ou sursollicitation numérique peuvent coûter cher à l’employeur et être reconnues par les juges comme des heures supplémentaires ou des heures d’astreinte, à payer ou à récupérer.
Géraldine Anstett
Dictionnaire Permanent Social
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