Nadine REGNIER ROUET, Avocat à la Cour, spécialisé en droit social, nous apporte son expertise et son regard sur l’actualité du droit social.
Définition de la clause de non concurrence
La clause de non concurrence figurant dans un contrat de travail a pour but d’interdire au salarié ayant signé le contrat de travail d’exercer une activité concurrente après la rupture de son contrat de travail. Il s’agit donc d’une clause qui jouera après la fin des relations de travail avec l’employeur et qui protègera les intérêts commerciaux de l’employeur tout en limitant la liberté de travailler où il veut pour le salarié concerné.
La clause sera licite aux conditions suivantes :
– être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
– être limitée dans le temps et dans l’espace
– tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié
– comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
Jurisprudence récente concernant la clause de non concurrence
I – Renoncer à la clause
Dans la mesure où la clause de non concurrence a été prévue parfois bien longtemps avant que le contrat de travail soit rompu, il est évident que l’intérêt de l’employeur à faire jouer la clause peut avoir faibli au fil du temps. Se pose alors pour lui la question de la possibilité de renoncer à la clause, ce qui implique qu’il puisse revenir unilatéralement sur une disposition contractuelle, acceptée par le salarié.
A quelles conditions est-ce possible ?
La renonciation à la clause par l’employeur n’est possible que si les conditions suivantes sont réunies :
(1) la renonciation est prévue dans le contrat de travail
(2) l’employeur renonce effectivement
(3) l’employeur renonce à la clause au bon moment.
Renonciation par l’employeur à la clause de non concurrence : 13 juillet 2010 (09-41626)
Dans cet arrêt, la Cour décide qu’en l’absence de précisions dans le contrat, la renonciation doit intervenir « au moment du licenciement ».
Dans les faits, l’employeur, grâce aux dispositions de la clause, se réservait la faculté de renoncer à tout moment, après la rupture, à la clause de non-concurrence que le salarié aurait déjà commencé à exécuter et sa renonciation était intervenue après 2 mois et demi de jeu de la clause. La Cour n’a pas validé la renonciation de l’employeur qui a donc été tenu de rémunérer la clause…
II – Faire appliquer la clause
Voici, au contraire, un cas où l’employeur tient à faire exécuter la clause par son ex – salarié. Mais…
La clause qui dépend uniquement de la volonté de l’employeur est nulle : 23 septembre 2010 (C. Appel de Paris)
Cette décision émane de la Cour d’Appel de Paris à propos d’une clause rédigée comme suit :
« Il est cependant convenu que cette clause ne sera valide qu’après l’envoi, de la part de la Société, d’une lettre recommandée avec accusé de réception confirmant l’application de ladite clause. Cette lettre devra impérativement être envoyée avant la fin du présent contrat. A défaut, la clause de non concurrence sera réputée levée et l’indemnité compensatrice de clause de non concurrence ne sera plus due. »
Pour la Cour d’Appel, cette clause de non concurrence est illicite dès lors que sa mise en œuvre est subordonnée à la seule et unique volonté de l’employeur de s’en prévaloir. L’employeur n’a pu la faire exécuter par son ex – salarié.
III – Evaluer le coût financier de la clause
Des nouveautés affectent le jeu de la clause et renchérissent son usage par les entreprises.
Nouveau : il faut payer au salarié des congés payés durant la durée de la clause : 23 juin 2010 (08-70233)
Le jeu de la clause entraîne pour le salarié l’obligation de respecter une interdiction de travailler, pendant une certaine durée à compter de l’expiration de son contrat de travail, dans un secteur d’activité précis, dans un périmètre géographique précisément défini ou encore dans un certain nombre d’entreprises concurrentes de son dernier employeur.
Le salarié perçoit une indemnité mensuelle qui rémunère son respect de la clause, pendant la durée prévue contractuellement, qui a la nature juridique de salaire et qui supporte donc les charges sociales salariales et patronales tout en étant assujettie à l’impôt sur le revenu entre les mains du salarié.
Dans l’arrêt du 23 juin 2010 (n°08-70233), le raisonnement juridique de la Cour est simple : puisque l’indemnité a la qualification de salaire, il faut lui attacher tous les attributs complémentaires, donc des congés payés à hauteur de 10 % du montant de l’indemnité.
La contrepartie financière de la clause de non-concurrence ne peut être réduite en cas de faute grave ou lourde du salarié : 8 avril 2010 (08-43056)
Une clause de non concurrence le prévoyait ; l’entreprise l’a faite jouer contre son salarié qu’elle avait jugé fautif et elle a donc minoré le montant de l’indemnité de non concurrence stipulée au contrat.
La Cour de cassation juge que cela n’est pas possible. Dans un tel cas, elle précise que la clause de non-concurrence n’est pas nulle : seule la faculté de minoration est réputée non écrite.
Quelle responsabilité pour l’employeur qui a stipulé une clause de non-concurrence nulle ? (12 janvier 2011 (n° 08-45280))
Dans cet arrêt, la Cour indique que le salarié qui a signé un contrat de travail contenant une clause de non concurrence nulle subit nécessairement un préjudice qui doit être indemnisé.
Dans les faits, l’entreprise soutenait que la clause litigieuse n’avait pas commencé à jouer et que le salarié n’avait donc subi « aucun préjudice réel et certain » puisqu’il n’avait pas eu à la respecter et qu’il avait pu en toute liberté occuper le même emploi chez un autre employeur. Les juges d’appel avaient entériné favorablement la position de l’employeur et avaient débouté le salarié de sa demande d’indemnisation.
La Cour de cassation casse cet arrêt en disant que « la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié. »
Rappelons que constitue une clause de non concurrence nulle, par exemple, la clause qui n’est pas assortie d’une contrepartie financière non dérisoire… Ou celle qui a pour effet de rendre impossible pour le salarié tout travail conforme à ses compétences et à sa formation.
Pour conclure, quelques conseils RH
– Une mise en garde : la clause de non-concurrence, non codifiée, se construit au fil des décisions rendues par la Cour de cassation et, parfois, au prix de « revirements de jurisprudence » qui sont d’application immédiate. Nous sommes donc sur un terrain mouvant.
– Une évidence : la clause de non-concurrence coûte de plus en plus cher. Il faut penser à la réserver aux seuls cas critiques pour la sauvegarde des intérêts de l’entreprise (et pas pour les « laveurs de carreaux », cas de jurisprudence ancien bien connu des étudiants en droit !)
– Un appel à la vigilance : la clause de non concurrence alimente un lourd contentieux prud’homal. Pour l’utiliser à bon escient, il vaut mieux ne pas copier un modèle trouvé sur Internet ni dupliquer un contrat utilisé par une autre entreprise.
– Deux conseils : se faire conseiller pour la rédaction de la clause, rédaction qui conditionne sa validité, et comprendre le contenu de la clause et le mécanisme de renonciation. En cas de renonciation par l’employeur, notamment, il faut impérativement renoncer dans la lettre recommandée avec AR de licenciement afin d’écarter tout risque de contentieux ultérieur sur ce motif.
– Un rappel aux salariés et employeurs, enfin : la prescription concernant l’extinction des créances de salaires est de cinq ans. De nombreux salariés ayant respecté une clause de non concurrence et perçu l’indemnité de non concurrence sans percevoir les congés payés afférents à ces indemnités, sur les cinq dernières années, vont pouvoir -rapidement- recontacter leur ancien employeur pour exiger les congés payés non versés.
Nadine REGNIER ROUET
Avocat à la Cour spécialisé en droit social
A propos de Nadine REGNIER ROUET
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