Parce qu’elle confère à l’employeur le pouvoir de modifier unilatéralement le lieu de travail du salarié, la clause de mobilité est placée sous le contrôle des juges. Même si son contenu ne se heurte pas aux conditions de validité posées par la jurisprudence ), le juge vérifie aussi que la clause de mobilité a été mise en œuvre de bonne foi.
L’employeur, qui est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ne peut faire un usage abusif de la clause de mobilité. Une obligation de loyauté pèse donc sur l’employeur, lorsqu’il envisage la mutation du salarié. En d’autres termes, la décision de l’employeur doit être prise dans l’intérêt de l’entreprise. La bonne foi étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que cette décision a en réalité été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
Tel est le cas lorsque l’employeur impose la mutation à une salariée, mère d’un enfant handicapé dont elle devait s’occuper à l’heure du déjeuner, alors que le poste qu’elle occupait antérieurement à un arrêt de travail en raison d’un accident du travail était toujours disponible.
L’abus de droit par l’employeur dans la mise en œuvre de la clause de mobilité peut également résulter du fait que le poste auquel le salarié est affecté, situé à environ cent cinquante kilomètres de son domicile, n’est pas desservi par les transports en commun, qu’il ne dispose pas d’un moyen de transport personnel et que l’employeur ne lui a pas assuré les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail (Soc. 25 mars 2009, no 07-45.281, Dalloz jurisprudence).
Singulièrement, dans un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre 2009, c’est l’employeur qui reproche au salarié d’avoir manqué à l’obligation de loyauté dans la mise en œuvre de la clause de mobilité. En l’espèce, l’employeur a fait application de la clause de mobilité prévue au contrat de travail pour imposer une mutation au salarié. Ce dernier n’a pas manqué de faire part de ses réticences à l’égard de ce nouveau lieu de travail éloigné de son domicile familial, avant d’accepter la mutation. Il a ensuite été licencié pour avoir, dans le même temps, effectué des recherches d’emploi dans d’autres établissements de l’entreprise, plus proches de son domicile familial. La cour d’appel a considéré que le salarié qui avait d’ores et déjà accepté une mutation ne pouvait pas postuler pour un poste sans manquer à son obligation de loyauté. Elle a donc jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Une telle décision est censurée par la Cour de cassation.
Certes, le salarié est également tenu d’une obligation de loyauté à l’égard de l’employeur. Salarié et employeur doivent ensemble « œuvrer pour la réussite du projet développé par l’entreprise ». Aussi le salarié ne peut-il pas exercer, au cours du contrat de travail, une activité professionnelle concurrente au service d’un autre employeur ou pour son propre compte. Mais l’obligation de loyauté ne peut tenir en échec le principe constitutionnel du libre exercice d’une activité professionnelle. Ainsi, la Cour de cassation énonce, dans un attendu de principe, que « ne constitue pas un manquement à l’obligation de loyauté le fait pour un salarié tout acceptant une mutation imposée par l’employeur, de rechercher dans un autre établissement de la même entreprise un emploi conforme à ses aspirations ».
L’obligation de loyauté n’interdit donc pas au salarié qui a accepté une mutation de rechercher un autre poste dans la même entreprise. Et l’employeur peut d’autant moins reprocher ce comportement à un salarié qui lui a préalablement fait part de son mécontentement lors de la mutation. La formule de l’attendu de principe conduit toutefois à se demander si le manquement du salarié à son obligation de loyauté aurait été établi en cas de recherche d’un emploi dans une autre entreprise. Là encore, il nous semble que la liberté fondamentale de chacun d’exercer l’activité professionnelle de son choix devrait autoriser le salarié à rechercher un nouvel emploi dans une autre entreprise, alors même qu’il vient d’accepter une mutation qui, il faut le rappeler, est imposée par l’employeur en application d’une clause de mobilité.
Nadia RAKIB