Le 25 janvier dernier, les députés adoptaient en première lecture une proposition de loi permettant aux salariés de donner leurs jours de repos à un collègue, parent d’un enfant gravement malade*. Bien avant cette proposition, déposée par le député de la Loire Paul Salen, certaines entreprises avaient anticipé ce besoin. Il y a presque un an, l’une d’entre elles, Merial, division santé animale du groupe Sanofi, a même signé un accord cadrant précisément ce contexte très particulier. Sylvain Bouchard, DRH de Merial France revient sur cet accord qui a fait de Merial une entreprise précurseur dans ce domaine.
Quel a été le point de départ de cet accord au sein de Merial ?
Nous avons reçu des demandes de salariés qui souhaitaient soutenir un collègue dont l’enfant gravement malade était hospitalisé. Ils sont venus nous voir pour savoir de quelle manière ils pouvaient lui donner des congés pour lui permettre d’être plus facilement auprès de son enfant. S’il existait des dispositifs au niveau du droit du travail (congé de présence parentale, congé de solidarité familiale) et de l’entreprise (absence pour enfant malade), certaines situations individuelles pouvaient justifier d’aller plus loin. Parce que nous souhaitions apporter une réponse à la demande de ces salariés et prendre en compte cette réalité de la vie, nous avons décidé de chercher d’autres solutions. Nous nous sommes alors confrontés à un vide juridique, en l’absence de cadre réglementaire et d’exemples autour de nous, pour mettre en œuvre ce don de RTT. Face à une telle complexité, la présence d’un juriste en droit social a été essentielle dans la construction de cet accord.
Quelles en sont les grandes lignes ?
Notre accord signé le 8 avril 2011 comporte deux volets. D’une part, nous avons mis en place, un droit d’absence rémunéré supplémentaire au congé enfant malade existant** pour permettre aux salariés d’être absents jusqu’à vingt jours ouvrés avec maintien de salaire à hauteur de 75 %. Ce taux est identique à celui utilisé dans le cas d’une absence enfant malade. D’autre part, en complément, nous avons organisé un cadre spécifique dans lequel les salariés peuvent exprimer leur solidarité soit par un don de RTT à un collègue soit dans un fonds commun de solidarité afin qu’un salarié, à un moment ou un autre, puisse en bénéficier de manière anonyme s’il en a le besoin. Merial compte aujourd’hui 1 800 salariés : si chaque salarié décidait de donner un jour, ce fonds commun pourrait atteindre les 1 800 jours et aider considérablement des salariés confrontés à la maladie grave d’un enfant.
Comment se sont déroulées les négociations ?
Même si la notion de solidarité revêt des réalités très différentes selon les individus au sein de l’entreprise, la négociation s’est déroulée dans un état d’esprit constructif. L’accord a d’ailleurs été signé de manière unanime par Merial et l’ensemble des organisations syndicales représentées. Toutes les parties avaient en effet la volonté de construire un cadre sécurisé par un accord applicable au sein de l’entreprise. Nous avons travaillé dans le cadre d’un véritable partenariat avec les organisations syndicales pour atteindre cet objectif.
Quel regard portez-vous sur la proposition de loi adoptée par les députés ?
Au regard de ce que nous avons vécu chez Merial, il me semble important que l’État permette aux entreprises de construire un dispositif adapté à leur contexte et leur réalité en toute sécurité. Quand une entreprise est face à un contexte de solidarité tel que nous l’avons connu, il faut qu’elle puisse réagir et qu’on mette des outils à sa disposition.
Audrey CAUDRON-VAILLANT
*Ce texte prévoit qu’un salarié peut s’il le désire, en accord avec son employeur, renoncer anonymement à tout ou partie et sans contrepartie de ses jours de repos non pris – RTT, congés, repos, de récupération ou même affectés au compte épargne-temps*-, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise qui assume la charge d’un enfant de moins de 20 ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident particulièrement grave nécessitant présence et soins particuliers. Le salarié donateur devra conserver un minimum de 24 jours de repos. Pour pouvoir bénéficier de ce don, la production d’un certificat médical attestant ces deux conditions est obligatoire. Adopté en première lecture le 25 janvier 2012, le texte doit maintenant être examiné par les sénateurs.
** Extrait de l’accord Merial : « Une fois la gravité de la maladie validée par le médecin du travail, le salarié peut prétendre à cette absence de la manière suivante : 20 jours ouvrés par année civile ; rémunérés à 75 % ; qui peuvent être pris par demi-journées : ouverts seulement aux enfants de moins de 18 ans ; sans condition d’ancienneté. Cette absence est assimilée à du temps de travail effectif pour l’acquisition de congés payés et RTT. »
*Voir aussi : Compte épargne-temps : avantages et inconvénients