Le réseau d’entreprises « Nos Quartiers ont des Talents » vise à accompagner vers l’emploi des jeunes diplômés (minimum Bac + 4) issus de quartiers populaires et souvent absents des circuits traditionnels de recrutement. Initialement lancé en Seine Saint-Denis, en 2005, le réseau s’étend désormais sur tout le territoire et compte plus de 2400 parrains. Témoignage de l’une d’entre eux, RRH du Groupe Afnor, qui a déjà pris sous son aile deux filleules.
Un exercice formateur pour l’entreprise
Le réseau « Nos Quartiers ont des Talents » propose aux cadres des entreprises de divers secteurs de consacrer quelques heures de leur temps à l’accompagnement de jeunes diplômés issus « des quartiers ». L’histoire a commencé en Seine Saint-Denis et se poursuit à Lille, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Marseille et Lyon. Le réseau compte parmi ses membres engagés dans les actions de parrainage et de recrutement des grands noms comme Airbus, Carrefour, Danone, Areva et bien d’autres. Arielle Peltier, RRH du Groupe Afnor, a accompagné deux filleules. Diplômées Bac + 5, la vingtaine, elles sortaient à peine de formation. A leur actif, des stages de longue durée, des contrats en alternance. « Mais aucune expérience professionnelle significative, complète la marraine. Je les ai reçu trois ou quatre fois en entretien individuel pour les aider à mieux définir leur projet professionnel ». L’une d’entre elle a aujourd’hui trouvé un poste, par une relation indirecte de la RRH ; de l’autre, elle n’a pas eu de retour.
Si ces quelques heures ont été bénéfiques aux filleules, elles l’ont été pour la marraine également. « C’est enrichissant d’accompagner des jeunes qui ont besoin d’être conseillés. Ce sont des personnes qui sont ouvertes aux conseils qu’on leur donne. C’est, en plus, valorisant de savoir que ces personnes ont pu trouver leur place dans une entreprise », témoigne Arielle Peltier. Plus largement, le parrainage s’intègre à un processus de sensibilisation à la diversité. Dès lors que plusieurs cadres participent à l’opération, le projet devient fédérateur et ouvre le débat sur les discriminations, les stéréotypes, les difficultés que rencontre la jeune génération, au-delà même de leur lieu de résidence ou de leurs origines ethniques.
« Je travaille dans le recrutement. Ecouter est mon métier. Mais je conçois que ce soit plus difficile pour un parrain qui n’est pas issu du recrutement », continue la RRH. En effet, le parrainage ne s’adresse pas qu’aux cadres des services Ressources Humaines. Il s’agit pour les filleuls de rencontrer des professionnels proches de leurs domaines d’études. Il peut y avoir une appréhension pour un parrain qui n’est pas issu des RH, n’est pas habitué à accompagner des personnes dans leur parcours professionnel. L’occasion donc, pour le cadre, de développer de nouvelles compétences. Le réseau a créé un « Club des parrains », avec un extranet dédié, qui permet aux parrains les moins familiers avec ce type de démarche de prendre conseil auprès de plus expérimentés, d’échanger sur leur expérience.
Des difficultés liées au projet, plus qu’à la discrimination
Si le sujet de la diversité est le fond de l’opération, et la raison d’être du réseau, il n’est pas abordé comme cause de non-intégration dans la relation entre le parrain et son filleul. « Je n’ai pas trouvé de difficultés liées au lieu de résidence, à la consonance étrangère du patronyme ou à l’origine de mes filleuls. Ce que je regarde, ce sont les compétences, la personnalité… une déformation du métier ! », raconte Arielle Peltier.
Les jeunes qu’elle a accompagnées rencontraient des difficultés à trouver un poste, non parce qu’elles étaient issues des quartiers, mais parce qu’elles ne connaissaient pas assez le marché, que leurs candidatures n’étaient pas ciblées. Leur lieu de résidence est-il la cause de cette méconnaissance ? Le débat ne portait pas sur ce sujet pendant les entretiens. « Elles étaient un peu perdues, n’avaient pas confiance en elles, ne savaient pas par quel bout commencer ni comment se positionner, explique la RRH. La présentation de leur projet n’était pas claire et elles étaient prêtes à accepter tout type de postes. Ce n’est pas la bonne démarche. Le recruteur aime les personnes qui savent ce qu’elles veulent faire, ont un projet. Il fallait les canaliser ». Accompagner un filleul, c’est d’abord être à l’écoute, puis cibler un profil, définir des points forts à mettre en avant, des points faibles à travailler, donner des pistes d’entreprise à contacter… bref, un processus classique d’accompagnement vers l’emploi, qui s’applique à tous les candidats, quel que soit leur nom, leur origine, leur lieu de résidence.
L’expérience prouve une fois encore que la diversité dans l’entreprise ne se joue pas sur une question de non-discrimination ou de discrimination positive, mais sur les compétences.
Typhanie Bouju