La 28e édition de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées s’est clôturée ce dimanche. Alors, quel est le bilan de la SEEPH 2024 ? Où en sont les entreprises françaises en matière d’inclusion du handicap ? Quelles sont les solutions pour promouvoir une réelle égalité des chances ? Et comment atteindre l’objectif du plein emploi des travailleurs en situation de handicap à l’horizon 2027 ?
Pour répondre à ces questions, myRHline a pu échanger avec Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph.
Une inclusion encore limitée dans les entreprises
En France, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est à la baisse. Une avancée notable et encourageante, puisqu’il est aujourd’hui à 12 %, alors qu’il flirtait autour des 20 % il y a encore quelques années.
Pourtant, le monde du travail reste difficile d’accès pour les actifs ayant la RQTH.
En effet, le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste bien plus élevé que celui de l’ensemble des actifs (7,5%).
Derrière ces chiffres, des parcours professionnels compliqués, souvent interrompus. Par exemple, 63 % déclarent avoir changé de poste ou de métier à cause de leur handicap.
À cela s’ajoute un manque de compréhension dans les organisations. En cause ? Une large proportion des handicaps invisibles. Ceux-ci représentent 73 % des cas et sont encore peu ou mal pris en compte. Résultat : un sentiment d’injustice chez une majorité de travailleurs concernés.
Cependant, même s’il reste du chemin à parcourir, des initiatives positives émergent. En particulier par le biais des grandes entreprises ou PME qui se démarquent en proposant des aménagements adaptés. Preuve que des solutions concrètes existent. Des efforts d’ailleurs salués par 66 % des bénéficiaires.
Entretien avec Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph
Quel regard portez-vous sur les résultats de la dernière enquête IFOP ?
Les résultats de cette enquête confirment des réalités que nous connaissions, mais qu’il est toujours essentiel de rappeler : les discriminations envers les personnes en situation de handicap restent fortes.
Par exemple, seulement un tiers des salariés concernés se sentent à l’aise pour parler de leur situation avec leur manager. Cela montre un déficit de confiance important qui limite les échanges constructifs et freine le déploiement de solutions adaptées. On observe également que de nombreuses personnes changent d’emploi à cause de leur handicap. En cause ? Un environnement de travail peu inclusif.
C’est, entre autres, un signal clair que les entreprises doivent répondre à deux urgences : instaurer un climat de confiance et aménager les environnements de travail, lorsque cela n’est pas fait.
Trois leviers permettent ces adaptations : la formation et l’acculturation des managers, la sensibilisation des équipes et les aménagements techniques ou organisationnels. En pratique, ces leviers sont bien identifiés par les entreprises. Mais dans les faits, ils sont encore insuffisamment déployés dans la sphère professionnelle.
3 personnes sur 4 estiment que le handicap freine leur évolution professionnelle. Que doivent faire les entreprises et les RH pour inverser cette tendance ?
Concrètement, ce chiffre est un appel à l’action pour les entreprises. La première chose est de permettre aux candidats et salariés en situation de handicap de s’exprimer sans crainte. En effet, aujourd’hui, beaucoup s’autocensurent, et cette réticence limite leur accès aux opportunités. Créer un climat de confiance est donc primordial.
Ensuite, il faut que les employeurs soient prêts à adapter les postes en fonction des besoins spécifiques. Cela inclut des ajustements organisationnels, comme des horaires aménagés pour tenir compte de la fatigabilité, ou des outils techniques spécifiques.
Ces mesures sont particulièrement importantes pour les cadres et les managers, dont les besoins restent souvent invisibilisés.
Enfin, il faut changer de paradigme. C’est-à-dire considérer ces aménagements comme un investissement, et non comme une contrainte. Une entreprise handi-accueillante tire toujours un bénéfice des talents qu’elle accueille.
Comment améliorer la compréhension des handicaps invisibles ?
Leur compréhension est à la fois un défi et une priorité, puisqu’ils représentent 73 % des RQTH.
Troubles cognitifs, psychiques, de l’autisme, endométriose, cancer, etc. Ces handicaps invisibles sont divers, et leurs besoins tout autant. Il est donc indispensable de sensibiliser les entreprises et leurs managers à cette pluralité.
Cela passe par des formations spécifiques pour mieux identifier les besoins, mais aussi pour accompagner les personnes dans l’expression de ces derniers. Comme nous l’avons vu précédemment, beaucoup hésitent à parler de leur situation par crainte de ne pas être compris ou soutenus.
De même, il convient d’intégrer davantage de flexibilité dans les organisations de travail. En proposant du télétravail, des temps partiels ou des espaces de repos, par exemple.
De manière plus globale, il y a un véritable travail pédagogique à mener. Il s’agit d’apprendre aux employeurs à sortir d’une vision standardisée de la gestion des collaborateurs pour adopter une approche sur mesure au profit de chaque salarié. Cela peut encore sembler complexe, mais c’est la clé d’une approche inclusive efficiente.
L’enquête réalisée l’année dernière projetait une atteinte potentielle du plein emploi des personnes en situation de handicap d’ici 2027. Quelle est la dynamique aujourd’hui ?
Elle est encourageante, mais reste fragile. Ces dernières années, la baisse du chômage a eu des effets positifs pour les personnes en situation de handicap. Cependant, la conjoncture actuelle — marquée par des incertitudes économiques — pourrait ralentir ces avancées. Ce contexte exige donc un effort supplémentaire de la part des entreprises et des acteurs publics pour ne pas perdre le terrain gagné.
Cela passe par des actions concrètes : améliorer les environnements de travail, renforcer les dispositifs d’accompagnement et maintenir une attention particulière sur les questions d’inclusion, même en période de crise. Les environnements professionnels doivent devenir plus accessibles pour pérenniser l’emploi des personnes en situation de handicap.
Atteindre le plein emploi en 2027 est un objectif très ambitieux. Pour s’en rapprocher, il convient que tous les acteurs restent pleinement mobilisés et déterminés à surmonter les obstacles.
Quel est le bilan de cette 28ᵉ édition de la SEEPH ? Quels sont les défis prioritaires ?
Cette 28ᵉ édition a permis de mettre en lumière plusieurs avancées. Les Jeux olympiques de cet été ont été un formidable accélérateur de sensibilisation, imprégnant les esprits et donnant une visibilité inédite aux questions de handicap.
Le thème que nous avons choisi cette année — l’égalité des chances — a également élargi le débat.
Nous avons ainsi voulu dépasser le prisme classique centré sur l’insertion ou le maintien dans l’emploi, en montrant que les démarches inclusives concernent toutes les étapes de la vie professionnelle.
Cependant, de nombreux défis restent à relever. Il faut mieux coordonner les actions des différents acteurs – entreprises, France Travail, Cap Emploi, autres acteurs de l’emploi et de la santé au travail – pour fluidifier les parcours. Il est également indispensable d’accompagner les entreprises et les branches professionnelles dans leurs démarches inclusives. Bien entendu, il faut aussi sortir de la logique réductrice qui limite les politiques handicap à une simple gestion des quotas. L’enjeu est de créer une société de confiance où chacun, quelle que soit sa situation, peut travailler et s’épanouir.
Handicap, parcours professionnel et égalité des chances
Comme le souligne Didier Eyssartier, la baisse du taux de chômage est un indicateur des progrès réalisés pour l’égalité des chances des personnes handicapées dans le monde professionnel. Néanmoins, des discriminations et obstacles demeurent.
Ainsi, les employeurs — publics comme privés — doivent redoubler d’efforts pour créer des environnements véritablement inclusifs. En ce sens, la perception doit continuer à changer : le handicap est à appréhender comme une force, et non un frein. Condition sine qua non pour que chacun atteigne l’épanouissement professionnel.
Avec des initiatives adaptées et un engagement collectif, l’égalité professionnelle peut donc devenir une réalité. Néanmoins, cela doit indiscutablement passer par une mobilisation générale des acteurs économiques et sociaux. Pour que chaque individu trouve sa place. Et ce, sans distinction.
Source(s) documentaire(s)
- Étude Ifop sur l’égalité des chances des personnes handicapées
- Portrait médiathèque Agefiph