Lors du salon Talent Management et devant une salle comble, 5 experts en ressources humaines ont débattu de cet épineuse question mais aussi du bien fondé (ou pas) du développement des outils logiciels pour le talent management. Retour sur ce débat animé par Arnaud de la Tour, associé de myrhline.com
Faut-il miser sur les ressources internes ou recruter en externe pour faire grandir une entreprise ? Entre ces deux philosophies votre cœur (votre entreprise) balance ? Normal car il n’existe évidemment pas de solution miracle. Tout dépend de votre business model. « D’un côté le modèle « noria » cher à l’audit et au conseil forme en interne de nombreux jeunes diplômés moins onéreux à l’embauche. De l’autre, le modèle « adjuvant » est basé sur le recrutement de stars.
Typiquement le cas des banques d’affaires qui paient le prix fort pour attirer des experts avec des carnets d’adresses déjà bien fournis », explique Lionel Prudhomme. Entre ces deux extrêmes, on trouve des modèles mixtes. Par exemple, la « règle des trois tiers » choisie par Groupe Casino. « Un tiers de nos collaborateurs évolue dans le groupe au sein d’une même activité, un tiers profite des passerelles entre les métiers et le dernier tiers arrive de l’extérieur, détaille Thomas Vilcot.
Alstom qui a pour « ambition première de faire grandir son capital humain » n’est pas contre la chasse aux talents. « Si la stratégie de l’entreprise est de s’ouvrir sur de nouveaux pays comme les BRICS, ou de lancer de nouveaux produits, alors il peut être judicieux de faire appel à des expertises extérieures. Tout est une question de dosage », observe Didier Jouanneau. On le voit, la chasse aux nouveaux talents n’exclut pas le développement des ressources en interne.
En revanche, les outils logiciels sont-ils utiles au développement du talent management ou une instrumentalisation regrettable des processus ? « Ces outils ne trouvent pas la vie managériale qui va avec la gestion des talents. Autant ils fonctionnent bien pour la gestion des flux de recrutement, autant ils sont inefficaces pour la gestion de l’intégration des collaborateurs.
Donc oui aux outils mais… », regrette Olivier Lagrée, de Deloitte. Même méfiance de Groupe Casino : « On peut avoir le meilleur outil du monde, si on n’a pas l’implication du management et des RH, cela ne sert à rien. On peut parfaitement accompagner les talents avec un bon tableur Excel », provoque Thomas Vilcot. Pour Didier Jouanneau d’Alstom, « l’outil principal reste la qualité de la ligne de management et des processus fondamentaux comme les entretiens, les people review… Si les processus sont bons, peu importe qu’ils soient informatisés ». Myriam Goude de la start up Freshpigment va encore plus loin en arguant qu’il n’est pas question « de se réfugier derrière des tableaux de bord en dénigrant l’intelligence humaine. Les outils RH ont besoin d’être plus transparents et de se calquer sur le management et pas l’inverse ».
Pour Lionel Prudhomme, les utilisateurs de ces outils manquent de recul. « On pense que c’est le saint graal, mais l’outil ne peut pas tout remplacer. On fait souvent comme si tout marchait bien mais en matière d’évaluation de la performance, ces outils ne fonctionnent pas bien. Pire, ils créent de la frustration ».
Donc des outils oui mais au service de l’intelligence humaine et pas à la place de l’intelligence humain.
Sylvie Laidet
Minis bios
Olivier Lagrée – Principal, Talent & Change Management, Deloitte
Formé à la sociologie d’entreprise par Renaud Sainsaulieu, il accompagne depuis 25 ans des managers et des dirigeants depuis l’émergence d’un besoin et d’une volonté de transformation jusqu’à l’intégration des changements dans le quotidien des organisations et des individus.
Lionel Prudhomme – Partner chez Aphilia et Directeur du Centre de Recherche RH de l’IGS.
Diplômé de Sciences Po Aix, et d’un MBA de l’EM Lyon, il a occupé divers postes de DRH internationaux chez HP, Motorola, Suez, Alstom, et CWT. Il a publié « Performance des comités exécutifs » (Eyrolles, 2009) et a contribué à des ouvrages collectifs dont le dernier, « Exco du 3e millénaire » (Pearson, 2012).
Thomas Vilcot – Directeur de l’emploi chez Groupe Casino
Il pratique le recrutement en entreprise depuis une quinzaine d’années et a écrit « Le recrutement responsable, pour ré-enchanter la relation candidat-entreprises » (Editions Afnor, 2013). Il préside le CFA de l’enseignement supérieur Forma Sup Ain-Rhône-Loire.
Myriam Goude – CEO de Freshpigment
Diplômée de l’Ecole Gobelins, elle a travaillé plus de 9 ans comme « évangéliste produit » au sein de plusieurs start-up auprès de clients grands comptes. Aujourd’hui, elle croit plus que tout à l’intrapreneurship et à la capacité créative de chacun.
Didier Jouanneau – Vice President Global Power Sales & Transformation Project Leader, Alstom
Après avoir commencé sa carrière chez IBM en tant que juriste en droit social, il a été DRH pour des sociétés telles que Nestlé ou Vivendi avant de rejoindre Alstom.