Ces dernières semaines, le gouvernement a évoqué l’éventualité d’un recours à des délestages du réseau électrique au cours de l’hiver. Des coupures d’électricité organisées qui pourraient perturber l’activité d’un certain nombre d’entreprises durant cette période. Qui sera concerné ? Peut-on éviter le délestage ? Quelles obligations et solutions pour l’employeur ? Nous faisons le point.
Des délestages « tournants » et des coupures d’électricité organisées
Afin de conserver l’intégrité du système électrique et d’éviter une coupure non maîtrisée et de grande ampleur, Enedis pourrait être amené à couper l’électricité. Dans ce cas, les zones, concernées à tour de rôle, seront ciblées et localisées.
Si elles sont déclenchées, ces coupures, temporaires (2h maximum) et limitées au strict nécessaire, interviendront pendant les périodes de pics de consommation, soit le matin entre 8 h et 13 h et le soir entre 18 h et 20 h.
Les entreprises sont-elles concernées par la mesure de délestage ?
Comme les particuliers et les collectivités, les entreprises sont elles aussi concernées par ces coupures d’électricité organisées. Toutefois, certains sites, définis comme prioritaires par la préfecture de chaque département, ne seront pas impactés.
Il s’agira notamment des hôpitaux, services d’urgence, commissariats et gendarmeries, centres pénitentiaires, de certaines infrastructures de transports, des sites industriels à risque ou présentant un intérêt pour la défense nationale ou encore des sites indispensables à leur gestion (RTE, Enedis…).
Ainsi, une entreprise raccordée à une ligne qui alimente une zone prioritaire ne sera pas touchée par un éventuel délestage.
Des gestes simples pour éviter un éventuel délestage
La fin du mois de novembre qui s’annonçait particulièrement à risque a finalement été traversée sans encombre. La mobilisation de chacun (particuliers, collectivités et entreprises) a en partie permis de réduire significativement la consommation électrique. « Nous avons écarté le scénario du pire » annonçait, à l’occasion d’une table ronde organisée au Sénat mercredi dernier, Thomas Veyrenc, le directeur du pôle stratégie et prospective de RTE (Réseau de transport d’électricité).
Le mois de janvier fera l’objet d’une « vigilance particulière », mais si les efforts des Français se poursuivent, le délestage pourrait ne pas être nécessaire.
Il s’agit donc de réduire son activité sur le réseau électrique durant les périodes de tension, en adoptant des écogestes au quotidien. Le site monecowatt.fr, ou l’application EcoWatt, conseillent notamment de :
- Réduire la température des locaux d’un degré supplémentaire et diminuer le débit de ventilation.
- Réduire l’éclairage intérieur et couper les affichages non essentiels (panneaux publicitaires, par exemple).
- Recharger les véhicules électriques pendant les heures creuses.
- Limiter la consommation en fin de journée dans les locaux inoccupés.
En cas de délestage, quelles solutions et obligations pour l’employeur ?
Si un délestage s’avérait toutefois nécessaire et afin d’anticiper au mieux les coupures d’électricité, la Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) encourage les entreprises à prévoir un PCA (Plan de Continuité de l’Activité).
L’accès aux locaux (ascenseurs, portails électriques…), l’absence de parents en cas de fermetures des écoles ou encore l’impossibilité de chauffer ou d’éclairer l’établissement sont en effet des risques qu’il vaut mieux anticiper.
À noter que si l’entreprise dispose d’un CSE, celui-ci devra obligatoirement être consulté sur la nouvelle organisation de travail. Le temps de prévenance en cas de délestage étant très court, mieux vaut prévoir de le faire en amont, lors de l’établissement du PCA par exemple.
L’employeur devra veiller à respecter ses obligations de protection et de sécurité des salariés, notamment au cas où les locaux ne pourraient être chauffés ou éclairés. Il pourra alors envisager la mise en place du télétravail (lorsque cela est possible), inciter ses employés à poser un congé ou encore aménager leurs horaires de travail.
Pour rappel :
- Mise en place du télétravail : à défaut, d’accords collectifs ou de charte, l’employeur peut, avec l’accord du salarié, mettre en place le télétravail (à condition que le domicile des salariés ne soit pas lui-même impacté par la coupure d’électricité). Le Code du travail (Article L1222-11) prévoit par ailleurs qu’en cas de circonstances exceptionnelles, le télétravail peut être imposé s’il est rendu nécessaire pour la continuité de l’activité et garantir la protection des salariés.
- Pose de congés payés ou de RTT : l’employeur et le salarié peuvent convenir d’un accord. Dans le cas contraire, si le texte conventionnel instituant ces jours le prévoit et que le délai de prévenance est compatible avec celui prévu en cas de coupure de courant, l’employeur pourra imposer la prise de CP ou de RTT. À défaut, il devra placer le salarié en dispense d’activité rémunérée.
- Sécurité des employés : l’employeur pourrait être contraint de fermer temporairement l’entreprise si les conditions de santé et de sécurité des salariés ne pouvaient pas être assurées. Ce serait notamment le cas, s’il n’était pas en mesure de fournir chauffage et éclairage.
- Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le guide complet du site juritravail.com
Bon à savoir :
Les entreprises industrielles ou de plus de 50 salariés déjà en difficulté ou susceptibles de l’être en cas de coupure d’électricité peuvent contacter le Commissaire aux Restructurations et à la Prévention des difficultés des entreprises.
Est-il possible de mobiliser l’activité partielle en cas de coupure d’électricité ?
Si un PCA ne peut être mis en place, et en dernier recours, l’entreprise pourra placer ses salariés en activité partielle (article R.5122-1 du Code du travail) pour la durée du délestage, et le cas échéant, pendant la durée nécessaire à la remise en marche de la production. Dans ce cas, il lui faudra faire valoir le motif « toutes autres circonstances exceptionnelles », sous-motif « délestage ».
L’entreprise bénéficiera alors d’un délai de trente jours à compter de la mise en place de l’activité partielle pour adresser sa demande « préalable » (article R.5122-3 du Code du travail).
L’indemnisation du salarié et de l’employeur se fera par ailleurs comme suit :
- Le salarié percevra une indemnité équivalente à 60 % de sa rémunération brute antérieure, dans la limite de 60 % de 4,5 Smic.
- L’employeur percevra une allocation d’activité partielle équivalente à 36 % de la rémunération brute antérieure du salarié, dans la limite de 36 % de 4,5 Smic, avec un plancher de 7,88 euros. Celle-ci lui sera versée par l’ASP (Agence de services et de paiement).
Pour se tenir informé d’une éventuelle coupure de courant : le dispositif EcoWatt
Le site monecowatt.fr, comme l’application EcoWatt, propose un système d’alerte vigilance. Si les besoins en électricité ne peuvent être assurés, le Réseau de transport d’électricité (RTE) appellera les entreprises, collectivités et particuliers à la sobriété durant les pics de consommation. Un signal orange (le système électrique est tendu, les gestes d’économie d’électricité sont les bienvenus) ou rouge (le système est très tendu, les gestes d’économie sont indispensables) sera alors émis trois jours avant un éventuel délestage. Si la mobilisation est suffisante, le risque de coupure sera écarté. Si elle ne l’est pas, RTE confirmera la coupure à J-1.
En cas de coupure de courant, téléphones mobiles et fixes ne seront pas accessibles. Pour les urgences, pensez à composer le 112.
Gaëlle Péronnet