Présenté Outre-manche comme une pilule du lendemain pour remédier aux éventuelles erreurs qui entravent l’e-réputation, Reppler.com propose aux utilisateurs de Facebook de scanner leur profil. Ainsi apparaissent les contenus inappropriés et les portes ouvertes au hacking. Objectif affiché : garder une image propre et sécurisée sur le réseau. Facebook pourrait-il devenir un réseau quasi-professionnel ? Réponse avec le sociologue Pierre Mercklé.
Une interprétation limitée
Plutôt qu’une pilule du lendemain, Reppler s’approcherait davantage d’un test de dépistage. Il piste les virus, les liens corrompus, les éventuels spams et identifie les déficiences des paramètres de sécurité de votre profil. Mais Reppler ne se résume pas à une sorte d’AVG version Facebook – le fondateur de Reppler, Vlad Gorelik, y a fait ses débuts. Il s’agit d’un outil-miroir qui permet à l’utilisateur du réseau de se faire une idée de l’image qu’il renvoie à travers ses informations personnelles, ses « like », ses groupes, ses inclinations politiques et religieuses et tout ce qui peut s’afficher sur son mur. Ainsi Reppler passe au crible chacun de vos commentaires, ainsi que ceux de vos « amis », afin de détecter une éventuelle « grossièreté ». Il repère les termes qui font référence aux drogues, à l’alcool et au « contenu réservé aux adultes ».
Pour définir l’impression générale que donne votre profil, il affiche une sélection de vos photos et établit une liste des mots les plus utilisés sur votre mur. Pour accéder à cette collection d‘informations, il faut bien-sûr que vous soyez connecté à Facebook.
Malgré tout, Reppler n’est pas infaillible, car s’il interprète ces résultats sur le plan lexical, le sociologue Pierre Mercklé[1] souligne le caractère « fin et subtil des propos tenus dans les commentaires ». Difficile donc pour un algorithme de les analyser réellement.
Un outil déjà obsolète
Pour le sociologue, ce type d’outil est rendu obsolète par la conscience que chacun d’entre nous a déjà acquise du risque que peut représenter Facebook pour notre image, notamment dans le milieu professionnel. « Si on a écouté la radio, lu ou regardé le journal ses derniers mois, on n’a pas pu échapper aux faits divers, du salarié qui se fait remercier parce qu’un mot de trop sur sa direction lui a échappé, à celui qui poste des photos de son week-end alors qu’il était déclaré en congé maladie », décrit Pierre Mercklé. Encore faut-il retenir les leçons de l’Histoire.
Le sociologue amorce un conseil aux utilisateurs de Facebook dans un but professionnel : « il faut rapidement décider du public que l’on vise et faire varier les niveaux d’accès en fonction des groupes créés ». Il fait le parallèle entre cette image virtuelle et la « vraie vie », encourageant à se comporter de la même manière dans ces deux mondes : « on sait bien quelle photo de nos dernières vacances on peut brandir au bureau, on sait que l’on ennuie les copains du village lorsque l’on parle boulot ». Une règle donc : la séparation des sphères.
« On peut imaginer une séparation des communications, comme on peut avoir un mail privé et un mail professionnel, un téléphone fixe à la maison et un téléphone de travail », poursuit-il.
Facebook Pro : impossible
Faut-il évoluer vers un meilleur contrôle de l’identité facebookienne ou abandonner toute perspective d’utilisation professionnelle de ce réseau ? Aucune volonté ne semble plus forte que l’autre et c’est ce qui fait du sujet de l’e-réputation sur Facebook un débat. D’un côté naissent des initiatives comme la Charte de la Diversité ; l’un de ses engagements interdit aux signataires de se référer à ce type d’informations sur un candidat. Pour le sociologue, « il est compliqué d’interdire à l’employeur de ne pas faire feu de tout bois ». De l’autre, des cabinets de recrutement et des entreprises se ruent sur le géant bleu pour redorer leur marque du sceau de la jeunesse et y lancent des opérations de sourcing, du Serious Game à la simple invitation à un speed jobbing.
Dans quelle direction va-t-on ? Pour Pierre Mercklé, « Facebook va devenir ce qu’il est : un outil de communication », au même titre que le téléphone. « Dans 10 ans, se projette le sociologue, Facebook aura disparu ou sera devenu transparent. Imagine-t-on une personne incriminée pour des propos qu’elle a tenus au téléphone ? ».
Facebook a lancé quelques tentatives de professionnalisation. Il n’est plus seulement ce site qui permet aux étudiants américains de se renseigner sur le célibat de la personne qu’ils ont rencontré lors d’une soirée. On y renseigne désormais son parcours professionnel ; les collègues de travail, même parfois des membres de la hiérarchie, y deviennent des « amis ». Il y a aussi Branch Out, la traduction professionnel de Facebook, qui permet d’élargir ses contacts en fonction des entreprises pour lesquelles on a travaillé, de publier des opportunités, de trouver un stage chez Google ou Nike. Tentative vaine. Facebook restera probablement un album commenté de vacances et de soirées entre amis. « A mon avis, l’un des deux camps – vie privée/vie professionnelle – va déserter Facebook », confirme Pierre Mercklé. Et selon lui, c’est bel et bien le professionnel.
Typhanie BOUJU